Dans un article paru dans les « DNA » du 17 jan­vier 2014 et que nous repro­dui­sons ici, le Dépar­te­ment du Haut-Rhin est cité comme fai­sant par­tie des « 39 emprun­teurs alsa­ciens ayant contrac­té des emprunts struc­tu­rés dits toxiques auprès de Dexia entre 1995 et 2009 ».

ToxiqueSoultzEtAutresDNA17janv2015terUn jour­na­liste sérieux tra­vaillant pour un jour­nal sérieux qui n’est pas le chantre de l’opposition à la soi-disant « majo­ri­té alsa­cienne », ne publie par de telles infor­ma­tions sans avoir pris le soin de véri­fier. Cela dit, on n’est jamais à l’abri d’une erreur. Ce qui sem­blait le cas puisque le conseil dépar­te­men­tal du Haut-Rhin publie, le 24 jan­vier, un démen­ti (que nous repro­dui­sons éga­le­ment) « (il) n’a jamais eu et n’a pas d’emprunts Dexia signa­lés comme toxiques » :

DementiCG68EmpruntsToxiquesdna24janvbisLe Conseil Popu­laire 68 pour l’a­bo­li­tion des dettes publiques(1) n’a pas vrai­ment gobé cette affir­ma­tion et a fait son enquête de laquelle il res­sort les points sui­vants(2).

UN DROLE D’EMPRUNT…

Dans un docu­ment confi­den­tiel en pro­ve­nance de la banque Dexia et publié en 2011 sur le site du jour­nal « Libé­ra­tion », on découvre notam­ment l’exis­tence d’un emprunt struc­tu­ré d’un mon­tant consé­quent (plus de 33 mil­lions d’eu­ros) sous­crit en 2008 par la col­lec­ti­vi­té ter­ri­to­riale dépar­te­men­tale auprès de « Dexia Cré­dit local » et appe­lé « TIPTOP EURIBOR ». Pour que l’on puisse se faire une idée de la toxi­ci­té de cet emprunt, le docu­ment cité pré­ci­sait que le mon­tant de l’in­dem­ni­sa­tion qu’il aurait fal­lu ver­ser en 2009 (à une autre banque, dite de contre­par­tie : la « Royal Bank of Scot­land ») en cas de rem­bour­se­ment anti­ci­pé se serait éle­vé à plus de 3 mil­lions d’eu­ros. Le même docu­ment confi­den­tiel men­tion­nait un autre emprunt struc­tu­ré sous­crit en 2004 chez Dexia, mais d’un mon­tant net­te­ment moins éle­vé (3,6 millions).

… MAIS PAS UN EMPRUNT DROLE !

Un rap­port rédi­gé par la Chambre Régio­nale des Comptes (CRC) en février 2013 est plus détaillé et plus sévère que ne l’é­tait le docu­ment confi­den­tiel de 2011 (qui s’ap­puie sur des chiffres datant de 2009). Les indi­ca­tions four­nies, plus récentes, montrent que le « TIPTOP EURIBOR » de Dexia s’est encore dégra­dé puisque l’in­dem­ni­té de rem­bour­se­ment anti­ci­pé éven­tuelle fin 2011 attei­gnait 4,7 mil­lions d’eu­ros. Dans le même rap­port de février 2013, la CRC a men­tion­né 4 autres emprunts structurés.

Au total, les capi­taux de ces « toxiques » s’é­le­vaient à plus de 61 mil­lions d’eu­ros, pour des indem­ni­tés sup­plé­men­taires d’un mon­tant de 11,4 mil­lions d’eu­ros qui auraient été exi­gées en cas de rem­bour­se­ment anti­ci­pé (soit un sur­coût de 18,7%, pré­ci­sait la CRC). Dans ses obser­va­tions en réponse au rap­port de la CRC, le pré­sident du Conseil dépar­te­men­tal, M. Butt­ner, recon­nais­sait que « la part des emprunts à taux struc­tu­rés (du dépar­te­ment) est désor­mais sur une ten­dance bais­sière ». Elle est pas­sée res­pec­ti­ve­ment de 10,1% à 28,6% puis 21,9%, puis 17,4%, puis 13,2%, d’an­née en année de début 2008 à début 2012, pré­ci­sait M. Butt­ner.

Dans une lettre ouverte à ce der­nier, le CP68 l’in­ter­pelle : « Vous com­pren­drez notre éton­ne­ment lorsque vous affir­mez que le dépar­te­ment « n’a jamais eu d’emprunts Dexia signa­lés comme toxiques ». Jouez-vous sur les mots ? Avez-vous rené­go­cié ces emprunts struc­tu­rés et, si oui, à quel coût pour le contri­buable, c’est à dire avec quel mon­tant d’in­dem­ni­tés de rem­bour­se­ment anticipé ? ».

EMBROUILLER LES CITOYENS-CONTRIBUABLES ?

Le Conseil popu­laire pour l’abolition de la dette va encore plus loin : « Ne faut-il pas voir dans cette façon de « com­mu­ni­quer » le signe d’une volon­té déli­bé­rée de brouiller les pistes pour que les citoyens ne s’y retrouvent plus ?… En pré­sen­tant, dans le bud­get 2014, la dette du dépar­te­ment comme étant « sécu­ri­sée », ne cher­chez-vous pas à cacher qu’en réa­li­té elle a explo­sé ?… Comme l’a fait remar­quer la CRC, « l’en­cours de la dette du bud­get prin­ci­pal du dépar­te­ment du Haut-Rhin a plus que dou­blé en six ans (de décembre 2006 à décembre 2011 on passe de 236 à 430 mil­lions d’eu­ros d’en­cours) ». Et ça conti­nue : d’a­près cer­tains chiffres offi­ciels (vu sur le site d’un minis­tère), l’en­cours a atteint plus de 485 mil­lions d’eu­ros début 2014. Le dépar­te­ment «réussira»-t-il, en 2015, à atteindre le demi-mil­liard d’eu­ros de dettes cumu­lées ?! ».

UN ENJEU POUR LES ELECTIONS DEPARTEMENTALES

La cam­pagne élec­to­rale qui va s’ouvrir sera l’occasion d’interpeler tous les can­di­dats sur ce point cru­cial : oui ou non les citoyens ont-ils le droit de connaître l’ampleur de la dette qu’on va leur deman­der de rem­bour­ser et ce pen­dant de nom­breuses années ? Dans nos articles nous avons déjà pu véri­fier que le dépar­te­ment du Haut-Rhin n’est pas la seule col­lec­ti­vi­té concer­née par des emprunts toxiques. On vient d’apprendre (« L’Alsace » du 11 février 2015) que le Syn­di­cat inter­com­mu­nal à voca­tion mul­tiple de la région mul­hou­sienne, le SIVOM, aurait aus­si contrac­té des emprunts toxiques indexés sur le franc suisse. Fort oppor­tu­né­ment, Cléo Schweit­zer a inter­pe­lé le pré­sident du SIVOM, M. Jean Rott­ner, sur le risque finan­cier encou­ru. La réponse alam­bi­quée du maire de Mul­house montre, pour le moins un embar­ras mais, plus sûre­ment, sa déci­sion de ne pas don­ner les infor­ma­tions deman­dées par l’élue socialiste.

DE LA TRANSPARENCE, ENFIN !

D’autres élus, telles Dja­mi­la Son­zo­gni, n’hésitent pas à inter­pe­ler le maire de Mul­house sur la situa­tion de la ville. Là éga­le­ment, le refus de répondre clai­re­ment est mani­feste. Et il y a fort à craindre que cette omer­ta risque de conti­nuer durant cette cam­pagne élec­to­rale qui s’ouvre. Pour­tant, ce moment est oppor­tun pour faire les bilans de l’activité et des finances de la col­lec­ti­vi­té départementale.

Comme l’a deman­dé le CP68, « L’Al­ter­presse 68 » est prête à par­ti­ci­per à une « opé­ra­tion trans­pa­rence sur les dettes publiques » : nous nous enga­geons à publier régu­liè­re­ment les don­nées que les élus vou­draient bien nous four­nir : il s’a­gi­rait en l’oc­cur­rence de faire connaître à nos lec­teurs (et à d’autres médias qui vou­dront bien s’as­so­cier à l’o­pé­ra­tion), les sommes débour­sées semaine après semaine par les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales pour satis­faire les exi­gences des créan­ciers en capi­tal et inté­rêts. Le calen­drier poli­tique du dépar­te­ment nous incite à for­mu­ler une demande plus urgente : celle de four­nir ces don­nées pour la période du 1er décembre 2014 au 15 février 2015.

Et nous espé­rons bien que lors de la cam­pagne élec­to­rale, des can­di­dats diront clai­re­ment qu’un élu à mieux à faire que gas­piller l’argent du contri­buable et d’en­grais­ser les banques : s’occuper de l’intérêt géné­ral, par exemple…

BS/MM

13 février 2015

(1) Pour en savoir plus sur le CP68, voir le site de la revue « A Contre Cou­rant », caté­go­rie « dette publique ». Pour écrire au CP68, on peut s’a­dres­ser à L’Alterpresse68 qui transmettra.

(2) Une lettre ouverte datée du 13 février 2015 a été adres­sée au pré­sident du conseil dépar­te­men­tal du Haut-Rhin. En cli­quant ici, vous la décou­vri­rez dans son inté­gra­li­té. Dans le cadre de l’ «  opé­ra­tion trans­pa­rence sur les dettes publiques », elle suit une lettre ouverte adres­sée au maire de Mul­house le 6 février der­nier, qui a déjà fait l’ob­jet d’un article dans L’Alterpresse68, consul­table ici.