Entretien avec Cécile GERMAIN ‑ECUER
Club de réflexion de la région de Mulhouse, « Démocratie en progrès » réunit des jeunes qui veulent être actifs en politique et aspirent à des mandats électifs.
Sans a priori partisan, adhérents de différents partis de l’arc républicain traditionnel, voire non encartés, ces jeunes futurs élus (?) réfléchissent et débattent sur un renouveau de la vie démocratique devenu si nécessaire.
Ils ne veulent pas d’une action limitée au temps électoral, mais d’une action dans la durée, à visée pédagogique, et d’abord en direction de jeunes qui seront un jour, peut – être, la relève.
Parmi eux, Cécile GERMAIN-ECUER, candidate à l’élection des 22 et 29 mars, qui me présente les thèmes chers à « Démocratie en progrès » :
« La place des petits partis dans notre système électoral, l’expression directe des citoyens et les conditions de leur véritable représentation – y compris par tirage au sort, par quotas de catégories spécifiques telles femmes, jeunes, minorités -, les mandats électoraux que les électeurs devraient pouvoir interrompre en cas de manquements graves au mandat confié, au- delà la réflexion sur une République rénovée – une 6ème république mais dans une déclinaison propre -, l’incontournable référence au voisin helvète et à ses référendums, les modes électoraux du voisin allemand, la référence au fonctionnement du Parlement européen… autant de sujets qui alimentent nos réflexions pour que nos concitoyens réinvestissent le champ de l’expression politique, la démocratie directe ou représentative, bien en mal en point par les temps qui courent … ».
REPENSER LA POLITIQUE A PARTIR DU CONCRET ET DU SOLIDAIRE
Ces jeunes politiques se reconnaissent volontiers dans la récente manifestation d’« Alternatiba » – indépendante du club de réflexion, mais bien dans cette mouvance, ce courant de pensée -, tenue à la Maison des associations de Mulhouse pour préparer une expression publique locale le 19 juillet en lien avec cette association née en Pays basque à l’occasion de la conférence internationale sur le climat de Paris.
Quelques 80 personnes y ont débattu « climat », « économie solidaire », « partage », « monnaies parallèles », « maisons à économie d’énergie », « recyclage d’objets », « transition énergétique au quotidien », « agriculture biologique »…
Et dans le cadre de leur tour de France, les vélos multiplaces de l’association Alternatiba devraient rejoindre le village associatif de Mulhouse en juillet et conforter ces réflexions et actions de proximité.
Cet appétit pour le « vivre ensemble », le « vivre autrement », se traduit également par des actions de solidarité pour renforcer le lien social (notamment « disco-soup » dans le quartier Drouot, rencontres avec des élus de proximité, demande de lieux de réunion pour les habitants des quartiers…).
Et les « fabriques citoyennes » chères à Europe Ecologie les Verts, après les réseaux de coopérateurs initiés par Daniel Cohn-Bendit il y a quelques années, les candidatures de citoyens non-encartés (d’autres diraient représentants de la société civile), des associations comme « Sud Alsace Transition » qui ne répugne pas à cautionner des candidats affrontant le suffrage universel. Ce sont « également des références qui nous parlent », rappelle Cécile GERMAIN-ECUER.
Bref, il s’agit pour eux autant de « désacraliser la politique » – ce qui ne devrait pas être trop difficile par les temps qui courent – que de « mettre en avant une action pédagogique pour que les citoyens redécouvrent les vertus de l’action collective, du devoir civique accompli, des modalités de représentation adaptées et performantes, des modalités de contrôle des élus tout au long de leur mandat, la démocratie en quelque sorte… ».
« LE VOTE POUR LE BIEN COMMUN »
Mon interlocutrice, confrontée pour ses premières armes électorales au scrutin des Conseils départementaux, réalise que l’écart entre réflexion et programmes électoraux (et demain leur application ?) est important.
Et la découverte des budgets nécessaires pour apparaître dans la jungle de la communication, le manque de forces militantes, la négociation-marchandage politique est un rappel aux réalités électorales… mais faisant d’une faiblesse une force ces aspirants politiques cherchent à inventer des « campagnes électorales décalées, à coup d’actions voulant être spectaculaires et conviviales, que les citoyens puissent vraiment s’approprier ».
On pourrait penser que « le vote pour le Bien commun » que vante mon interlocutrice est bien loin des âpres conflits d’intérêts, de castes, de classes, et encore plus loin des contraintes géopolitiques ?
Ce serait oublier que dans ces milieux et cercles de réflexion les rudesses de la réalité sociale sont déjà connues et vécues.
Ils se reconnaissent dans le combat des « Zadistes » à Notre Dame des Landes, et ils auraient pu se trouver à la place de Remi Fraisse, mort en manifestant pacifiquement contre le barrage de Sivens.
L’importance des enjeux de l’aménagement du territoire, des enjeux énergétiques et climatiques, d’une certaine convivialité citoyenne, autant de thèmes forts de leur vision sociétale que seule une démocratie toilettée, voire profondément renouvelée, pourra porter.
UNE JEUNESSE LUCIDE
Ces nouveaux politiques, et Cécile GERMAIN-ECUER en est manifestement une figure, connaissent parfaitement le rôle de médias dépendant de puissances d’argent pour lesquels la liberté d’expression et la qualité de l’information ne sont plus les objectifs premiers, l’importance des moyens à mobiliser, le poids des lobbies, le rôle d’élus oublieux si souvent de leurs engagements électoraux…
Mais leur engagement ne se limite pas à la rêverie et au discours idéologique. Ils décident de s’inscrire « différemment » dans un processus électoral qu’ils veulent profondément renouveler pour lui rendre ses vertus démocratiques.
Ceux qui doutent de l’importance de leurs formes d’engagement sont les mêmes que ceux qui ne comprenaient pas hier les mouvements des Indignés, et ne comprennent pas aujourd’hui certaines des expressions politiques nouvelles que connaissent la Grèce et l’Espagne…
Christian Rubechi