Toutes les télé­vi­sions, tout le réseau inter­net en a été satu­ré. Enfin on avait la preuve que ce gou­ver­ne­ment radi­cal grec nar­guait la grande et si bonne, géné­reuse, Alle­magne. Le ministre de  l’Economie Ian­nis Varou­fa­kis aurait été l’auteur d’un geste indé­cent et irré­vé­ren­cieux à l’égard de son « bien­fai­teur ». C’était vrai, puisque la télé­vi­sion publique ARD le mon­trait dans un film. Mais comme quoi l’image peut être trom­peuse… Et les mani­pu­la­tions pour créer des ten­sions sur le plan poli­tique sont tou­jours d’actualité. La preuve…

Le maga­zine sati­rique de la ZDF, Neo Maga­zine Royal, vient d’ap­por­ter la preuve du tru­cage de cette vidéo, qu’un jour­na­liste d’ARD, Jauch, a pré­sen­tée comme un « Stink­fin­ger » (en grec, lit­té­ra­le­ment: doigt dans le cul, et en fran­çais, pudi­que­ment « doigt d’hon­neur) de Ian­nis Varou­fa­kis à l’en­contre des Alle­mands, lors d’une inter­ven­tion faite en mai 2013 au fes­ti­val sub­ver­sif de Zagreb, alors qu’il n’é­tait ni ministre, ni per­son­na­li­té gou­ver­ne­men­tale. La démons­tra­tion faite en vidéo avec les mon­teurs du stu­dio croate, est par­ti­cu­liè­re­ment élo­quente, et tourne en ridi­cule les pré­ten­tions des « experts » convo­qués par Jauch, pour authen­ti­fier la vidéo. Vous pou­vez trou­ver cette émis­sion sur ZDF.NEO, ou plus rapi­de­ment sur le site du jour­nal grec Ta Nea. Elle est en alle­mand et anglais et ne vous pose­ra aucun problème.

Par un tweet de ce matin, Varou­fa­kis demande des excuses à ARD pour cette calom­nie, laquelle s’ins­crit dans une cam­pagne de déni­gre­ment des­ti­née à échauf­fer les esprits, le gou­ver­ne­ment SYRIZA ne se prê­tant pas doci­le­ment aux injonc­tions des tech­no­crates de Bruxelles, et prin­ci­pa­le­ment du pré­sident de l’Eu­ro­group, Dijs­sel­bloem. C’est ain­si que ce der­nier a lais­sé entendre que le pro­blème grec pou­vait être réglé à la « chy­priote », c’est-a-dire par des mesures radi­cales de contrôle des mou­ve­ments ban­caires effec­tués par les clients des banques grecques.

De même, un des tech­no­crates envoyés à Athènes, Kos­te­lo, s’est for­mel­le­ment oppo­sé au vote par le Par­le­ment grec de la loi sur les réponses à appor­ter à la crise huma­ni­taire, loi votée à la qua­si-una­ni­mi­té (y com­pris donc par Nou­velle Démo­cra­tie). Il s’a­git là d’une ten­ta­tive directe d’in­tru­sion dans les affaires inté­rieures d’un pays sou­ve­rain. Sans doute, a décla­ré le vice-pre­mier ministre Dra­ga­sa­kis, ce mon­sieur Kos­te­lo est-il un « meilleur pre­mier ministre » que celui issu d’un suf­frage démo­cra­tique. Il ajoute que les pres­sions pour réin­ter­pré­ter l’ac­cord de fin février sont énormes, et abou­tissent, d’un côté, « à exi­ger le res­pect de ses enga­ge­ments finan­ciers par la Grèce, et de l’autre, à lui refu­ser les moyens d’ob­te­nir des ren­trées de capi­taux lui per­met­tant de les tenir. » L’ob­jec­tif est évident: le pro­blème du rem­bour­se­ment de la dette est deve­nu secon­daire pour cer­tains caciques, au pro­fit de la mise en œuvre de tous les moyens pos­sibles pour faire échouer le gou­ver­ne­ment Tsi­pras, et la menace qu’il repré­sen­te­rait de conta­gion à d’autres états, comme l’Espagne.

Frau Mer­kel à la baguette

Ceci dit, Ange­la Mer­kel, qui s’in­quiète, paraît-il, des consé­quences géo­po­li­tiques d’un éven­tuel « Grexit », une sor­tie de la Grèce de la zone Euro, a télé­pho­né à Tsi­pras pour l’in­vi­ter à Ber­lin. Ce der­nier a accep­té. Ren­dez-vous fixé le 23 mars. Quelles sont ces craintes? Celui d’un rap­pro­che­ment de la Grèce avec le grand frère ortho­doxe, la Rus­sie de Pou­tine, ce qui modi­fie­rait la donne en pleine crise ukrai­nienne. Ces craintes n’empêchent pas Madame Mer­kel de lais­ser son ministre Schäuble souf­fler le froid et le chaud, en adepte du double lan­gage, exer­cice dans lequel il n’est sur­pas­sé que par son chien de garde, Dijsselbloem.

Enfin, des voix com­mencent à s’é­le­ver en Alle­magne pour un réexa­men des sommes non payées à la Grèce au titre des indem­ni­tés pour dom­mages de guerre, et au titre du non rem­bour­se­ment de l’emprunt for­cé levé par les nazis en 1942. Après actua­li­sa­tion de la somme et cal­cul des inté­rêts, le total dû au titre de cet emprunt for­cé s’é­lè­ve­rait à 70 mil­liards d’eu­ros. Au sein du SPD et du par­ti des Verts, un nombre crois­sant de per­son­na­li­tés se pro­nonce pour l’a­pu­re­ment de cette dette, pour des rai­sons morales et his­to­riques. A noter que la semaine der­nière, un couple d’Al­le­mands a remis une somme de 875 euros à une asso­cia­tion de béné­voles de Nau­plie, après avoir contac­té le maire de cette ville. La somme résulte de la divi­sion du total dû par le nombre d’ha­bi­tants en Allemagne.

On en revient en conclu­sion tou­jours au même: il faut à ce pays des réformes struc­tu­relles pro­fondes. Mais les par­te­naires de la Grèce emme­nés par les conser­va­teurs d’Eu­rope du Nord veulent les impo­ser en choi­sis­sant en plus le gou­ver­ne­ment docile auquel en dic­ter les condi­tions. Lorsque se pré­sente une équipe issue des urnes et dis­po­sant d’un large sou­tien per­met­tant d’au­gu­rer favo­ra­ble­ment de la mise en route de ces réformes, mais ne répon­dant pas aux canons poli­tiques des bailleurs de fonds, il n’y a rien de plus urgent pour ces der­nier que de tout faire pour dis­cré­di­ter et faire échouer cette équipe. C’est à ce jeu que se consacrent aujourd’hui les tenants de la « rigueur », avec l’ac­tive com­pli­ci­té de médias à leur service.

 Michel Ser­vé. 19 mars 2015.

Et pour en apprendre plus sur la dette de l’Allemagne après guerre:

 http://www.lesauterhin.eu/ce-que-lallemagne-doit-a-la-grece-et-quel-rapport-cela-a-t-il-rapport-avec-la-reunification-allemande/