big brother

« Non à la sur­veillance géné­ra­li­sée ». C’est sous ce titre que la Ligue des Droits de l’Homme appelle à réagir contre la « loi rela­tive au ren­sei­gne­ment » que le gou­ver­ne­ment veut faire pas­ser en « pro­cé­dure accé­lé­rée ». Pro­fi­tant de l’émotion de la popu­la­tion après les atten­tats, Manuel Valls veut impo­ser un texte éla­bo­ré bien avant le drame de Char­lie Heb­do. Comme le conte­nu ris­quait de bra­quer l’opinion publique, il n’était pas mis en calen­drier des tra­vaux de l’Assemblée natio­nale. Oppor­tu­né­ment res­sor­ti, ce pro­jet enté­rine les pra­tiques illé­gales des ser­vices et léga­lise, dans de vastes domaines de la vie sociale, des méthodes de sur­veillance lour­de­ment intru­sives. Mer­ci à Noëlle Casa­no­va, res­pon­sable de la sec­tion mul­hou­sienne de la Ligue des droits de l’Homme de nous expli­ci­ter la por­tée de ce texte.

Accep­te­rons-nous de nous sou­mettre au pire des couvre-feux que le gou­ver­ne­ment, loi après loi, nous impose comme seule réponse aux dan­gers du ter­ro­risme, le couvre-feu de l’in­tel­li­gence, de la liber­té d’ex­pres­sion, de la res­pon­sa­bi­li­té citoyenne ?

Ima­gi­nons un monde dans lequel nos com­mu­ni­ca­tions publiques comme pri­vées sont sous sur­veillance, une sur­veillance géné­ra­li­sée sans contrôle judi­ciaire.  Ce monde sera le nôtre demain si la loi sur le ren­sei­gne­ment est adop­tée le 5 mai. Big Bro­ther nous pro­tège ? Mais qui nous pro­tè­ge­ra de Big Brother ?

Nous avons salué  le  cou­rage d’Ed­ward Snow­den quand il dénon­ça la sur­veillance mise en place par la NSA, et nous accep­te­rions de nous plier à un pro­jet de loi liberticide ?

répression

Sou­ve­nons-nous : sous cou­vert de la lutte contre le ter­ro­risme et de la cri­mi­na­li­té orga­ni­sée, ce sys­tème d’interception des don­nées pri­vées, qui concerne tout autant les citoyens amé­ri­cains que les asso­cia­tions et indi­vi­dus étran­gers, a per­mis à la NSA et au FBI de col­lec­ter des don­nées maté­rielles héber­gées par les ser­veurs de ces socié­tés : his­to­riques de recherches et de connexions effec­tuées sur le net, conte­nu d’emails, de com­mu­ni­ca­tions audio et vidéo, des fichiers pho­tos, des trans­ferts de docu­ments ain­si que le conte­nu de conver­sa­tions en ligne. Le sys­tème de col­lecte révé­lé par Edward Snow­den a été una­ni­me­ment condam­né par la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale. Pour autant, depuis, aucune enquête indé­pen­dante n’a été menée pour en éta­blir l’étendue et les consé­quences en termes d’atteintes à la vie pri­vée des citoyens.

La FIDH et la LDH ont dépo­sé une plainte simple le 11 juillet 2013, puis, devant l’inaction du Par­quet de Paris qui n’a tou­jours pas fait connaître les suites qu’il enten­dait don­ner à cette affaire, ont déci­dé de dépo­ser une plainte avec consti­tu­tion de par­tie civile. Le 8 avril 2015 cette plainte a donc été dépo­sée devant le TGI de Paris afin que toute la lumière soit faite sur les sup­po­sées atteintes aux liber­tés indi­vi­duelles résul­tant du pro­gramme PRISM de la NSA.

Mais ce n’est pas tout : des infor­ma­tions parues dans la presse en 2013 ayant révé­lé que les ser­vices de ren­sei­gne­ment  fran­çais auraient pro­cé­dé à une col­lecte mas­sive de don­nées, et ce en dehors de tout cadre légal, les deux mêmes orga­ni­sa­tions ont dépo­sé le 26 décembre 2014 une plainte contre X auprès du TGI de Paris visant les res­pon­sables fran­çais des ser­vices de ren­sei­gne­ments, sur le fon­de­ment des articles 323–1, 226–18, 226–1 et 226–2 du Code pénal dont les dis­po­si­tions concernent l’accès frau­du­leux à un sys­tème infor­ma­ti­sé, la col­lecte de don­nées à carac­tère per­son­nel par un moyen frau­du­leux, l’atteinte volon­taire à la vie pri­vée et l’utilisation et la conser­va­tion d’enregistrements et de docu­ments obte­nus par l’atteinte à la vie privée.

Il est grand temps de nous réveiller : le gou­ver­ne­ment vise, à tra­vers la « loi sur le ren­sei­gne­ment » à léga­li­ser et ampli­fier des pra­tiques qui consti­tuent des atteintes graves aux liber­tés indi­vi­duelles !Syn­di­ca­listes, mili­tants asso­cia­tifs, et poli­tiques, citoyens enga­gés, nous sommes tous concer­nés tant est large le champ des auto­ri­sa­tions de  mise en œuvre de cette sur­veillance, très au-delà de la pré­ven­tion du terrorisme.

La Qua­dra­ture du Net, le Syn­di­cat de la Magis­tra­ture, la Ligue des droits de l’Homme, le Syn­di­cat des avo­cats de France, CECIL et le CREIS-Ter­mi­nal ont lan­cé un appel à « ampli­fier le mou­ve­ment de contes­ta­tion » à l’encontre du pro­jet de loi contre le ren­sei­gne­ment. Cet appel a reçu le sou­tien d’Amnesty Inter­na­tio­nal, d’ATTAC, de la fon­da­tion Copernic.

Ne lais­sons pas croire au gou­ver­ne­ment par notre silence que le peuple qui s’est mobi­li­sé après les atten­tats de jan­vier adhère à la mise à mal des liber­tés pour la défense des­quelles il s’est alors levé en masse !

Noëlle CASANOVA