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A Mul­house, le 1er mai a per­mis à la CGT, Soli­daire et la FSU d’appeler ensemble à la mani­fes­ta­tion à 10 h 30, place de la Bourse. En France, plus de 200 mani­fes­ta­tions sont atten­dues à l’appel de la CGT, Soli­daires, FSU et UNSA, la plu­part du temps. Par contre FO fera cava­lier seul, selon les dépar­te­ments ou régions. La CFDT quant à elle n’appelle pas à mani­fes­ter, mais orga­nise son Wor­king Time Fes­ti­val (WTF) (en anglais dans le texte) qui veut réunir 5 000 jeunes de moins de 35 ans, dont 3 000 qui ne soient pas (encore) adhé­rents de la CFDT pour « montre une autre image du syn­di­ca­lisme et faire décou­vrir l’action de la CFDT aux jeunes ». Une opé­ra­tion mar­ke­ting en somme.

Une fois de plus, le syn­di­ca­lisme fran­çais fait preuve d’une inca­pa­ci­té à se ras­sem­bler, à faire un front uni en une période qui néces­si­te­rait pour­tant le ras­sem­ble­ment de tous les syndicats.

SOLIDARITE INTERNATIONALE A L’APPEL DE LA CES ET DE LA CSI

La jour­née de soli­da­ri­té inter­na­tio­nale des tra­vailleurs du 1er mai aura cette année une réso­nance par­ti­cu­lière en Europe. A l’appel de la Confé­dé­ra­tion euro­péenne des syn­di­cats (CES), par­tout sur le conti­nent, les tra­vailleurs iront mani­fes­ter pour faire face aux poli­tiques d’austérités et leurs dégâts sociaux et éco­no­miques. Grèce, Espagne, Por­tu­gal, Irlande…  Comme le rap­pelle le syn­di­cat euro­péen, « chaque jour la résis­tance est plus forte et l’exigence des peuples euro­péens pour qu’une poli­tique au ser­vice du pro­grès social s’affirme. C’est une Europe unie qui sera dans la rue. Mar­chons ensemble, le 1er Mai pour por­ter la soli­da­ri­té inter­na­tio­nale et l’exigence d’un futur meilleur pour les géné­ra­tions à venir. »

La Confé­dé­ra­tion syn­di­cale Inter­na­tio­nale (CSI) quant à elle, lance un appel mon­dial : « En ce 1 er mai 2015, c’est l’avidité des entre­prises qui est sur la sel­lette, tan­dis que les tra­vailleurs du monde entier dénoncent le modèle d’entreprise actuel comme étant mora­le­ment cor­rom­pu. Nous deman­dons aux diri­geants poli­tiques du monde entier d’appliquer et de veiller au plein res­pect de l’État de droit. Si chaque nation tenait ses entre­prises res­pon­sables de leur conduite au niveau natio­nal comme à l’étranger, nous pour­rions mettre fin à l’avidité des entre­prises et faire en sorte que l’économie mon­diale agisse dans l’intérêt de la majo­ri­té plu­tôt que des 1 % les plus riches.

Il faut croire que les syn­di­cats fran­çais n’ont pas la même lec­ture d’un appel des orga­ni­sa­tions aux­quelles ils adhé­rent pour­tant tous, du moins ceux qui sont recon­nus « représentatifs ».

LES DIVISIONS PROFONDES ET MULTIPLES

Le 9 avril der­nier, les syn­di­cats CGT, FO et Soli­daires avaient pour­tant fait une démons­tra­tion assez convain­cante de leur capa­ci­té de mobi­li­ser. On peut pen­ser que la par­ti­ci­pa­tion à ces mani­fes­ta­tions auraient été bien supé­rieure si tous les syn­di­cats s’étaient mis d’accord sur les formes et les objec­tifs d’une mobi­li­sa­tion à l’échelon natio­nal. On sait que les sala­riés fran­çais déplorent cette divi­sion et qu’elle est une des causes pre­mières expli­quant le faible taux de syn­di­ca­li­sa­tion en France.

Et pour­tant, la situa­tion inter­na­tio­nale et les néces­saires soli­da­ri­tés à ce niveau, ne sont pas les seules rai­sons qui devraient jus­ti­fier un front uni des syn­di­cats français.

Même les syn­di­cats comme la CFDT qui pariaient sur la réus­site pour le moins par­tielle, du pacte de res­pon­sa­bi­li­té doivent recon­naître que cela fut un mar­ché de dupe : le chô­mage ne cesse d’augmenter mal­gré les cadeaux fis­caux aux entre­prises qui devaient ame­ner le patro­nat à embau­cher. Cette poli­tique, direc­te­ment ins­pi­rée par les dogmes libé­raux défen­dus par l’Union euro­péenne, est un désastre social et un échec éco­no­mique : on ne peut mesu­rer la réus­site désastre social et un échec éco­no­mique : on ne peut mesu­rer la réus­site d’un pays ou d’une poli­tique aux seuls résul­tats de la Bourse ! C’est pour­tant le seul indi­ca­teur uti­li­sé par les gou­ver­ne­ments pour jus­ti­fier leur action.

L’ENJEU DE LA LOI SUR LE DIALOGUE SOCIAL

Les négo­cia­tions syn­di­cats – patro­nat sur « Dia­logue social » n’ont pas abou­ti essen­tiel­le­ment en rai­son d’exigences patro­nales inac­cep­tables pour tous les syn­di­cats : preuve que l’unité peut se faire « contre » un pro­jet. A pré­sent, le gou­ver­ne­ment reprend la main, et il serait per­ti­nent que les syn­di­cats puissent s’unir « pour » défi­nir un pro­jet com­mun sur cette impor­tante question.

Las, quand la CFDT trouve que le pro­jet de loi « reprend des élé­ments inté­res­sants », la CGT rap­pelle qu’il « ne sau­rait être ques­tion d’inscrire dans la loi ce que le patro­nat n’a pas obte­nu dans la négo­cia­tion » tout en indi­quant qu’elle « sau­ra recon­naître les points posi­tifs de ce pro­jet de loi : l’émergence d’une repré­sen­ta­tion col­lec­tive des sala­riés des TPE, la recon­nais­sance amor­cée des par­cours mili­tants dans l’entreprise.»

Pour­ront-ils com­battre ensemble les points néga­tifs, notam­ment la fra­gi­li­sa­tion des ins­tances repré­sen­ta­tives du per­son­nel (DP, CE, CHSCT), la pos­si­bi­li­té d’organiser la fusion des ins­tances par accord d’entreprise majo­ri­taire dans les entre­prises de plus de 300 sala­riés qui répond à une reven­di­ca­tion forte du MEDEF ?

Car si le pro­jet de loi est « moins pire » que ce qu’on pou­vait craindre, l’occasion de refon­der un nou­veau contrat social n’est pas à l’ordre du jour. Le pro­jet de loi actuel reste dans la même logique que ces pré­cé­dents : affai­blir la négo­cia­tion col­lec­tive de branche et dans l’entreprise pour favo­ri­ser l’accord indi­vi­duel beau­coup moins pro­tec­teur pour le salarié.

Le Medef pro­tes­te­ra pour la forme à pro­pos de cer­tains points, mais il n’est pas mécon­tent de voir une loi fra­gi­li­ser un peu plus le code du tra­vail et les conven­tions col­lec­tives. On peu pen­ser que l’image dés­unie des syn­di­cats en ce 1er mai 2015 le confor­te­ra encore un peu plus dans ses exi­gences à l’égard d’un gou­ver­ne­ment déci­dé­ment bien com­plai­sant à son égard.

Michel Mul­ler