greece

La salle était comble au ciné­ma Bel Air en ce mer­cre­di soir 20 mai. Des retar­da­taires n’ont pu entrer dans la salle pour des rai­sons de sécu­ri­té. Cette pre­mière soi­rée-débat orga­ni­sée par le Collectif68 en sou­tien au peuple grec a per­mis d’entamer la cam­pagne d’information que le groupe s’est fixé. (1) Devant tant de dés­in­for­ma­tion sur la situa­tion en Grèce et ses consé­quences sur l’ensemble des peuples, il ne fal­lait pas moins de deux dépu­tés euro­péens du groupe Gauche uni­taire : le fran­çais Patrick Le Hya­ric (PCF) et le grec Ste­lios Kou­lo­glou du par­ti Syriza.(2)

Dans l’introduction du débat, le Col­lec­tif a pré­ci­sé que « l’austérité n’est pas la solu­tion, mais c’est le problème ».

Pen­dant une heure et demie, les deux élus ont pu remettre la pen­dule à l’heure, répon­dant à de nom­breuses ques­tions sou­vent très poin­tues, les par­ti­ci­pants connais­sant de toute évi­dence bien le sujet et les enjeux.

Patrick Le Hya­ric rap­pelle que la « ques­tion grecque n’est pas éco­no­mique mais poli­tique ». Et de fus­ti­ger la Com­mis­sion euro­péenne, la Banque cen­trale, le FMI, qui « parlent comme des robots et cherchent à détruire les acquis sociaux et démo­cra­tique » tout en n’ayant aucun man­dat car jamais élus par le peuple.

L’exemple de la France et de l’Allemagne

Pour­sui­vant, le dépu­té com­mu­niste rap­pelle les « 200% d’endettement (par rap­port au PIB) de la France et de l’Allemagne en 1945 qui n’ont pas empê­ché la recons­truc­tion des deux pays… Mais on refuse à la Grèce un pro­ces­sus de restruc­tu­ra­tion de la dette. »

Ste­lios Kou­lo­glou pré­cise qu’actuellement encore, mal­gré les dif­fi­cul­tés, Alexis Tsi­pras recueille 70% de popu­la­ri­té dans la popu­la­tion et fait un paral­lèle his­to­rique : « Nous connais­sons en Grèce un coup d’Etat moderne, mené cette fois-ci par des banques et non plus par des géné­raux ». « L’Union euro­péenne ne veut pas que Syri­za réus­sisse, car d’autres par­tis anti-aus­té­ri­té pour­raient arri­ver au pou­voir. (…) Le pré­sident de la Com­mis­sion, Jun­cker, veut faire croire qu’il n’y a pas d’alternative à sa poli­tique : alors autant sup­pri­mer les élections ».

Il est vrai que la saillie de Jean-Claude Jun­cker dans le Figa­ro  du 29 jan­vier der­nier « Il ne peut y avoir de choix démo­cra­tique contre les trai­tés euro­péens » est une pro­vo­ca­tion pour l’ensemble des peuples qui n’auraient donc plus aucun droit de chan­ger une orien­ta­tion politique !

Appel à la solidarité

Les deux dépu­tés en arrivent à la même conclu­sion : il faut une forte soli­da­ri­té entre les peuples euro­péens. Car ils constatent amè­re­ment tous les deux, que les gou­ver­ne­ments euro­péens défendent une ligne iden­tique, menée par Mme Mer­kel, pour empê­cher Syri­za d’appliquer son pro­gramme. Pour­tant Ste­lios Kou­lo­glou aver­ti : « Si nous échouons, ce ne seront pas les anciens par­tis (Par­ti socia­liste ou Droite) qui revien­dront, mais ce sera l’extrême-droite avec Aube Dorée ».

Le gou­ver­ne­ment grec atten­dait sur­tout une com­pré­hen­sion de ses demandes de la part des diri­geants fran­çais. Mais Fran­çois Hol­lande, sur ce point comme sur beau­coup d’autres, emboîtent sans sour­ciller les pas de la chancelière ».

C’est donc bien aux peuples de prendre le relais et de faire jouer cette soli­da­ri­té pour que la démo­cra­tie triomphe. Il est à noter que le pré­sident du puis­sant syn­di­cat alle­mand DGB a fait le dépla­ce­ment à Athènes pour dénon­cer les posi­tions de son pays et celle de l’Europe.

Les ora­teurs ont réus­si à faire par­ta­ger leur idée maî­tresse : si les Grecs connaissent des très sérieuses dif­fi­cul­tés, aucun autre peuple euro­péen n’est à l’abri et « réus­sir en Grèce, c’est se don­ner les moyens de résis­ter en France » concluait Patrick Le Hya­ric. Ste­lios Kou­lo­glou, lui, affir­mait sans hési­ta­tion : « Nous ne nous sou­met­trons pas ». Ce qui est cou­ra­geux quand on connaît les échéances qui attendent la Grèce dans les pro­chains jours.

La dette vue par Chris­tophe Alévêque

La soi­rée se ter­mi­na par la pro­jec­tion du film du spec­tacle de Chris­tophe Alé­vêque « La fête à la dette ». En s’appuyant sur des cita­tions et des ana­lyses expri­mées dans le film par d’éminents éco­no­mistes, l’humoriste démy­thi­fie les dis­cours catas­tro­phistes sur l’impact de la dette et sur­tout dénonce les sacri­fices impo­sés aux popu­la­tions en son nom.

Un échange entre Chris­tophe Alé­vêque et la salle résume bien la teneur du spectacle :

  • Quel est le pays le plus endet­té du monde ?
  • Les USA, répond la salle
  • Et quel est le pays le plus riche du monde ?
  • Les USA, réitère la salle
  • Vous avez tous com­pris, conclut l’humoriste !

29 et 30 mai : à la ren­contre des Mulhousiens

Le 29 mai est un anni­ver­saire qu’il ne faut pas oublier. Voi­là 10 ans, en 2005, le peuple fran­çais reje­tait le Trai­té Consti­tu­tion­nel Euro­péen avec 55% des voix et une par­ti­ci­pa­tion de 70%, bien qu’une majo­ri­té des par­tis poli­tiques et des médias aient fait une cam­pagne mas­sive pour le « Oui ».

Mais en février 2008, Nico­las Sar­ko­zy, fait adop­ter le même texte par voie parlementaire.

Ce déni de démo­cra­tie n’est pas pour rien dans la désaf­fec­tion que les Fran­çais cultivent de plus en plus à l’égard de la poli­tique et des médias. Cela est pro­fon­dé­ment injuste pour les quelques par­tis (PCF, Par­ti de gauche entre autres), des femmes et hommes poli­tiques en rup­ture avec leur camps qui ont sut dire « non », la droite sou­ve­rai­niste qui a résis­té à la vague UMP et cen­triste, des médias comme L’Humanité ou Poli­tis qui ont ten­té d’insérer un peu de plu­ra­lisme dans le débat  d’idées. C’est pour­quoi, il est bon de ne pas oublier et de pro­fi­ter de dates anni­ver­saires comme celle-ci pour rap­pe­ler la réa­li­té des choses.

La dis­tri­bu­tion d’un tract au nom du Collectif68 dans les rues de Mul­house a été bien per­çue par les pas­sants dont nombre enta­mait une dis­cus­sion avec celles et ceux qui dis­tri­buaient. Après quelques échanges, le lien entre le déni de démo­cra­tie d’il y a dix ans et celui qui est en train de se pas­ser en Grèce où on inter­dit au gou­ver­ne­ment d’appliquer le man­dat qu’il détient du peuple, était par­fai­te­ment compris.

Même constat, le len­de­main, lors de la pré­sence du Col­lec­tif à la Fête de la Mar­jo­laine orga­ni­sée par le Mou­ve­ment Natio­nal des Chô­meurs et Pré­caires, place Franklin.

Conti­nuer et rendre les actions plus concrètes

Ce bon démar­rage est un encou­ra­ge­ment pour le Collectif68 de pour­suivre dans la même voie. D’autres soi­rée-débat sont en vue et des contacts ont été pris avec deux asso­cia­tions à dimen­sion natio­nale et inter­na­tio­nale : Inter­de­mos de Peuple à Peuple et France-Grèce soli­da­ri­té san­té. L’une de ces ONG s’implique dans le finan­ce­ment par­ti­ci­pa­tif de pro­jets éla­bo­rés par les citoyens, l’autre orga­nise des soli­da­ri­tés actives dans le domaine médical.

L’Alterpresse68 ne man­que­ra pas de tenir les lec­teurs infor­més de la suite de ses contacts et des actions concrètes de soli­da­ri­té qui en découlent.

Michel Mul­ler

  • Un article sur la soi­rée du 20 mai 2015 au Bel-Air à Mul­house a été mis en ligne sur le site d’Arte Info. Les auteurs – des jour­na­listes de la chaîne fran­co-alle­mande qui suivent le dépu­té Ste­lios Kou­lo­glou tout au long de sa man­da­ture – ont illus­tré cet article de plu­sieurs pho­tos et l’ont muni de plu­sieurs liens. Il est consul­table ici
  • Lire aus­si dans le « Monde Diplo­ma­tique » daté de juin 2015 un texte de Ste­lios Kou­lo­glou où le dépu­té au Par­le­ment euro­péen donne des pré­ci­sions sur la manière dont le gou­ver­ne­ment grec, trop confiant, a été vic­time de dif­fé­rentes manœuvres ces der­niers mois. Un véri­table « coup d’E­tat silen­cieux » par une asphyxie finan­cière programmée.