1) Le 29 juin 2015 , le conseil municipal de Mulhouse s’est prononcé sur un projet de protocole transactionnel avec des structures bancaires dans le cadre de la renégociation d’un prêt « toxique », en son temps pointé comme tel par le Chambre régionale des comptes.
La renégociation de ce prêt aux conséquences budgétaires lourdes pour les finances d’une des villes de plus de 100 000 habitants parmi les plus pauvres de France – équivalentes par exemple au coût total du salaire annuel de 733 salariés payés au SMIC ou au quart des dépenses de personnel de la Ville, ou encore à plus de 80% du montant attendu au titre de la taxe d’habitation, et ce pour la seule indemnité de renégociation d’un emprunt qui reste toujours à rembourser - a été proposée sans que la totalité de l’information permettant d’en apprécier le coût soit donnée aux élus municipaux.
Le projet de protocole d’accord entre les parties comportait en effet une clause de confidentialité sur le contenu de l’accord (article 5) excluant de l’information précise sur son contenu les élus comme les médias.
Cette disposition est illégale car elle contredit formellement le droit à l’information des administrés prévu par le code général des collectivités territoriales et par la loi du 17 juillet 1978; le droit des administrés à cette information est par ailleurs précisé dans un avis du 30 janvier 2014 de la Commission d’accès aux documents administratifs.
De fait c’est l’organisation démocratique municipale s’appuyant sur le droit à l’information et à la consultation des élus et des citoyens qui est ainsi niée et qui doit être rétablie et améliorée.
2) Depuis ce mois de juillet 2015 tout citoyen peut prendre connaissance de la situation patrimoniales des parlementaires; cette faculté résulte des lois sur la transparence de la vie publique votées après l’affaire Cahuzac en 2013.
Les textes prévoient toutefois que si l’on peut tout savoir des patrimoines des élus ces informations ne sont pas publiables.
Les conditions de consultation en préfecture prévoient en effet l’interdiction de prendre des notes, des photos, des enregistrements audios, un temps limité pour l’examen des données et la présence physique durant la consultation d’un fonctionnaire municipal.
Il reste donc aux citoyens intéressés à disposer d’une mémoire d’éléphant et à ne pas divulguer ces informations, sous peine des sanctions pénales prévues par la loi.
3) La démocratie participative pour les questions environnementales vient de buter il y a quelques jours sur la loi Macron et l’usage de l’article 49.3 à l’occasion du sujet majeur de l’enfouissement des déchets ultimes radioactifs les plus dangereux.
Le projet de loi sur le stockage géologique des déchets radioactifs les plus dangereux produits par les centrales nucléaires, d’abord retiré du projet de loi « pour la croissance et l’activité » en décembre 2014 devant l’opposition parlementaire, avait été réintroduit sous forme d’amendement présenté au Sénat à 5h du matin et voté en 10 minutes par quelques élus, puis de nouveau retiré des débats à l’Assemblée nationale.
Or ce texte a été réintroduit quasi frauduleusement en toute fin du parcours législatif de la loi Macron: la loi Macron sur la croissance, adoptée selon la procédure du vote bloqué (article 49.3 de la Constitution) en troisième et dernier passage devant l’Assemblée et sans aucun débat par définition, a donc permis son adoption avec les autres dispositions diverses de la loi – des transports par autocar aux indemnités prudhommales, des conditions d’organisation des taxis au travail du dimanche. Le Conseil constitutionnel a toutefois été saisi.
On rappelle que ce texte dispose des conditions de stockage définitif ou peu réversible de produits à la dangerosité extrême pour des périodes concernant nombre de générations futures auxquelles nous léguons donc des risque majeurs sans plus de débats.
Que nous disent ces trois exemples?
Que notre organisation démocratique est gravement défaillante? Que les principes fondateurs mêmes de notre société républicaine sont oubliés ? Que certains de nos élus, dépassés par les enjeux et la complexité des questions, ne reculent plus devant des formes de coup d’Etat « soft » mais permanents pour faire semblant de diriger et justifier leurs mandats? Que notre société est devenue le terrain de jeu de lobbies divers? Que le citoyen est prié de se taire?
Tout cela nous le savions déjà et la surveillance généralisée organisée par la loi liberticide du 24 juin nous l’avait rappelé récemment.
Mais quelles que soient les formes de dénonciation et de résistance qu’adoptent et qu’adopteront les démocrates contre ces dérives autoritaires, voire totalitaires, elles supposent toutes comme condition préalable la liberté d’accès à une information complète, la transparence, la connaissance précise des responsabilités, le respect des règles du jeu.
Ces trois exemples tirés de l’actualité récente montrent que la voie devient chaque jour plus étroite et que la bête monte, monte…
Christian Rubechi
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