maire de soultz

Il n’est pas utile de reve­nir ici sur la dette de la ville de Mul­house, et par­ti­cu­liè­re­ment sa par­tie toxique, ni sur les moda­li­tés de sa ges­tion, ni sur la cala­mi­teuse ten­ta­tive de rené­go­cia­tion des emprunts par le maire et les élus muni­ci­paux res­pon­sables, ni par l’é­trange ato­nie de ladite oppo­si­tion muni­ci­pales – à de rares  excep­tions près;  l’Al­ter­presse rend compte depuis des mois (voir en par­ti­cu­lier Dettes publiques de Mul­house et d’ailleurs: dos­sier pour infor­mer et pour agir) de cette affaire et conti­nue de suivre le dossier.

UN BULLETIN MUNICIPAL EXPLICITE ?

La lec­ture du bul­le­tin muni­ci­pal de juillet de la ville de Soultz, dans le Haut – Rhin, mérite par contre quelques commentaires.

Dans ce bul­le­tin le volet « ana­lyse finan­cière » pré­sente lon­gue­ment « l’emprunt struc­tu­ré dit toxique »   et ses consé­quences pour le bud­get com­mu­nal prin­ci­pal de Soultz pour l’an­née 2015.

Il détaille la gra­vi­té de l’im­pact de ce toxique contrac­té par la ville auprès de la banque Dexia à l’o­ri­gine, trans­fé­ré main­te­nant à la Socié­té de finan­ce­ment local (SFIL).

Contrac­té en 2007 en rené­go­ca­tion d’un emprunt Dexia de 2004 et encore rené­go­cié en 2011, l’emprunt est indexé sur la pari­té euro/franc suisse et le taux d’in­té­rêt a évi­dem­ment sui­vi la forte appré­cia­tion du cours de la devise helvétique.

La ville est désor­mais confron­tée à des risques finan­ciers énormes pour le bud­get com­mu­nal (23,76% de taux d’in­té­rêt en 2015, une « indem­ni­té contrac­tuelle » d’en­vi­ron 6 mil­lions d’eu­ros en cas de rem­bour­se­ment anti­ci­pé, des pro­po­si­tions de la SFIL pour se déga­ger de cet emprunt toxique qui impli­que­raient à l’a­ve­nir deux emprunts: l’un pour cou­vrir le capi­tal dû et l’autre pour cou­vrir  l’in­dem­ni­té capitalisée…).

Soultz pour­rait certes se voir octroyée par l’E­tat  – sans que cela soit une cer­ti­tude – une aide d’en­vi­ron 63% de cette indemnité/pénalité de rem­bour­se­ment anti­ci­pé pour ce cas pré­cis, dont les moda­li­tés de cal­cul ne sont tou­te­fois pas com­mu­ni­quées par la SFIL à cette heure ( les­dites moda­li­tés résul­tant de moda­li­tés de cal­cul induites par le « mar­ché » et les banques à l’o­ri­gine même de ces montages…).

Tout cela étant à prendre ou à lais­ser mais impli­quant en tout état de cause une forte aug­men­ta­tion de la dette par habi­tant ou le paie­ment d’in­té­rêts  annuels exorbitants!

Rien de bien nou­veau, hélas, dans ces  mon­tages com­plexes de contrats finan­ciers où le sys­tème ban­caire est tou­jours gagnant et les col­lec­ti­vi­tés – et donc le contri­buable – tou­jours lésées.

L’ac­tua­li­té nous habi­tue à ces sce­na­rii que vivent désor­mais nombre de struc­tures publiques…pour ne pas par­ler d’E­tats – et le « cas » grec est emblé­ma­tique de ces méca­nismes per­vers aux consé­quences éco­no­miques et poli­tiques qui peuvent être dévastatrices.

ENFIN UN MAIRE TRANSPARENT ?

Il appar­tien­dra natu­rel­le­ment aux élus de Soultz de faire leurs choix dans la palette des (rares..) options offertes, du refus citoyen de ces formes d’u­sure aux conten­tieux juri­diques pos­sibles, à   l’ac­cep­ta­tion pure et simple de ces contrats léonins.

Le CP 68 et l’Al­ter­presse 68 ont déjà expri­mé et expli­qué pour leur part l’in­té­rêt et les condi­tions d’op­tions plus radi­cales, pou­vant aller jus­qu’au refus du paiement.

La lec­ture de ce bul­le­tin muni­ci­pal de juillet 2015 où les effets de l’emprunt toxique sont détaillés (comme ils l’a­vaient déjà été dans les DNA du 17 jan­vier der­nier) relève certes d’une saine démarche d’ex­pli­ca­tion et d’une volon­té de transparence.

Mais la trans­pa­rence devrait alors aller jus­qu’à l’ex­pli­ca­tion de la remise des inté­rêts dûs par la ville à Dexia pour 2013 et 2014 au titre du toxique; l’ex­pli­ca­tion réside – t – elle dans la négo­cia­tion alors en cours et concer­nant un autre emprunt – contrac­té en francs suisses – que la ville vou­lait rené­go­cier grâce à un nou­vel emprunt? Contraint? Auprès de Dexia?

Le bul­le­tin muni­ci­pal n’ex­plique pas les rai­sons de ce « cadeau » – unique en France à notre connais­sance – dont la ville est appa­rem­ment pri­vée cette année, mal­gré ses besoins criants.

Où cette géné­ro­si­té s’ex­pli­que­rait – t ‑elle par une autre négo­cia­tion en cours à l’é­poque et concer­nant un autre emprunt – en francs suisses – et à quelles conditions?

Et tant qu’à être trans­pa­rent le maire aurait pu rap­pe­ler qu’il a refu­sé, en sep­tembre 2014, d’en­vi­sa­ger une réponse col­lec­tive comme le pro­po­sait le CP 68 (cf.article de l’Al­sace du 24 août 2014 et la « lettre à des dépu­tés alsaciens »).

(Il aurait pu éga­le­ment rap­pe­ler son refus de mise à dis­po­si­tion d’une salle pour une réunion publique avec un expert recon­nu des emprunts toxiques des col­lec­ti­vi­tés locales!).

Reste que la démarche du maire de Soulz a au moins un mérite: une infor­ma­tion et une trans­pa­rence (même rela­tives..), et une com­mu­ni­ca­tion directe de don­nées aux administrés.

ET SI LE MAIRE DE MULHOUSE EN FAISAIT AUTANT…

Ce n’est certes pas le che­min que semble vou­loir suivre le maire de Mul­house qui vient seule­ment de rendre compte de la com­mis­sion des finances ouverte du 29 mai en pré­sen­tant, de manière « péda­go­gique » la dette muni­ci­pale dans un docu­ment sur « la dette des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales », en insis­tant sur le « finan­ce­ment des inves­tis­se­ments » en géné­ral, et sur le carac­tère « équi­li­bré et maî­tri­sé à la fin 2014 »  de cette dette.…en se gar­dant bien de  don­ner des infor­ma­tions sur le pro­jet de pro­to­cole tran­sac­tion­nel sur les condi­tions de rené­go­cia­tions d’un prêt toxique Dexia/SFIL de 2007, déjà rené­go­cié en 2010, et dont les inté­rêts, indexés sur le franc suisse, s’envolent.

Et ce n’est pas le conseil muni­ci­pal de Mul­house  de ce 29 juin qui a choi­si de faire payer le contri­buable avec le choix d’une for­mule impli­quant une ving­taine de mil­lions d’eu­ros d’in­dem­ni­tés au béné­fice de banques (dont Dexia/SFIL) à l’oc­ca­sion du rem­bour­se­ment anti­ci­pé (hors rem­bour­se­ment du capi­tal res­tant dû natu­rel­le­ment ) de ce toxique.…

On peut prendre connais­sance de ces élé­ments dans le numé­ro du 23 juillet de l’heb­do­ma­daire Poli­tis comme sur le blog sur Media­part de Patrick Sau­rin, expert recon­nu au plan natio­nal comme inter­na­tio­nal de la dette publique, et la Chambre régio­nale des comptes d’Al­sace, aler­tée, a pris bonne note.

Dans cette affaire mul­hou­sienne, les prin­cipes démo­cra­tiques élé­men­taires ont été oubliés: élus pri­vés d’in­for­ma­tions essen­tielles, inter­dic­tion sti­pu­lée de com­mu­ni­quer les infor­ma­tions à la presse, pour ne rien dire des administrés.

Soulz – Mul­house: autres stra­té­gies de renégociations?Autres lec­tures de la démo­cra­tie? Et pour quels choix finaux?

La ques­tion de l’en­det­te­ment des struc­tures publiques est d’une extrême gra­vi­té pour notre démo­cra­tie qui est née his­to­ri­que­ment du consen­te­ment à l’impôt.

Les réponses appor­tées aux dik­tats ban­caires par les élus  – des col­lec­ti­vi­tés locales comme des struc­tures publiques en géné­ral –  diront au cas par cas l’é­tat de cette démocratie.

En tous cas l’on peut être cer­tain qu’il n’y aura de pos­sibles résis­tances aux pré­da­tions ban­caires qu’en y asso­ciant des contri­buables citoyens, c’est à dire d’a­bord et avant tout sérieu­se­ment et com­plè­te­ment informés.

Hors toute autre consi­dé­ra­tion il faut  don­ner acte à Mon­sieur le maire de Soulz qu’il va dans ce sens.

Chris­tian Rubechi