Cigognes ?… Non, cigales ! Mais la farce a ses dindons.

Il y est allé au culot : comme s’il igno­rait tout du bud­get qu’il super­vise, lors de l’ul­time séance du Conseil régio­nal d’Al­sace, le 16 octobre 2015, Phi­lippe Richert a iro­ni­sé sur le « stock de dettes » de régions de gauche. Un coup de bluff : en réa­li­té, l’Al­sace est 5ème dans le clas­se­ment des régions les plus endet­tées, éta­bli fin 2013 sur le cri­tère de l’en­det­te­ment en euros/habitant. Quatre régions ont fait pire : la Corse, la Gua­de­loupe, la Guyane et le Nord-Pas-de-Calais.

En cam­pagne élec­to­rale encore moins qu’en temps ordi­naire, il ne faut pas s’at­tendre à beau­coup de finesse de la part du pré­sident sor­tant du conseil régio­nal d’Al­sace qui, dans l’im­mé­diat, cherche avant tout à pré­si­der la nou­velle grande région ACAL… Com­ment vou­lez-vous qu’il recon­naisse que l’Al­sace est net­te­ment plus endet­tée que la Cham­pagne-Ardenne, alors qu’à ses yeux, trop pauvre, cette der­nière n’é­tait pas digne de figu­rer dans la contrée dont il rêve de deve­nir le suzerain ?

Si la fusion des trois régions pro­voque celle des trois dettes – et com­ment pour­rait-il en être autre­ment ? – ce sont en effet les habi­tants de Cham­pagne-Ardenne qui paie­ront pour les cig…ales alsa­ciennes. Si on y perd un peu nos sym­boles ani­ma­liers, les lois de la finance sont en l’oc­cur­rence bien res­pec­tées : le tableau ci-des­sous, éta­bli à par­tir de don­nées dis­po­nibles sur « le por­tail de l’E­tat au ser­vice des col­lec­ti­vi­tés locales », montre qu’on prête plus volon­tiers aux riches. Tant pis pour les din­dons de la farce :

DetteParHabitantAcal

On voit que si elle avait beau­coup de « retard » sur l’Al­sace en 2008, la Lor­raine l’a qua­si­ment com­blé fin 2014, en accé­lé­rant consi­dé­ra­ble­ment sa « remon­tée » ces der­nières années. Est-ce que le pré­sident lor­rain, le socia­liste Mas­se­ret, aurait flai­ré ce qui se tramait ?…

Car, dans ces condi­tions, répé­tons-le, c’est la Cham­pagne-Ardenne qui va trin­quer : sur la base des rele­vés au 31 décembre 2014, du simple fait de la fusion, son endet­te­ment par habi­tant ferait un bond de 331 à 403 euros, soit une aug­men­ta­tion subite, et subie, de près de 22%. A vous dégoû­ter d’a­voir été trop sages : les Cham­par­den­nais vont bien­tôt se faire accu­ser d’a­voir vécu au-des­sus de leurs moyens par tous les experts en éco­no­mie, en dette publique et… en austérité !

La dette du TGV ? Ou une dette qui augmente à Très GV ?

En uti­li­sant des don­nées qui remontent à 2004 on peut obser­ver une aug­men­ta­tion encore plus spec­ta­cu­laire de la dette alsa­cienne. C’est essen­tiel­le­ment dû au finan­ce­ment du TGV (le TGV Est et le TGV Rhin-Rhône), vous diront les conseillers régio­naux et les membres du CÉSER-Alsace, toutes ten­dances confon­dues (voir aus­si la réponse d’An­toine Waech­ter, conseiller régio­nal sor­tant à la der­nière ques­tion du « thème 2 » posée par L’Alterpresse68).

Outre le fait qu’ac­cep­ter un fort endet­te­ment pour le TGV a été un choix poli­tique approu­vé sans rechi­gner par la plu­part des res­pon­sables alsa­ciens, il faut sou­li­gner éga­le­ment que la Lor­raine et la Cham­pagne-Ardenne ont, elles aus­si, finan­cé la ligne TGV Est. Et que le conseil régio­nal de Lor­raine y a même contri­bué davan­tage que le conseil régio­nal d’Al­sace qui, il est vrai, a aus­si par­ti­ci­pé au finan­ce­ment de la ligne TGV Rhin-Rhône. Mais, au total, pour les deux lignes TGV, les contri­bu­tions alsa­ciennes sont à peine supé­rieures à celle de la Franche-Com­té pour la seule ligne TGV Rhin-Rhône. Ce qui n’a pas empê­ché la Franche-Com­té d’être res­tée sobre­ment en fin du clas­se­ment des régions les plus endet­tées, très loin der­rière l’Alsace…

Pré­sen­ter le TGV comme la cause essen­tielle, voire unique, de la dette, cor­res­pond à un réflexe cou­rant chez beau­coup d’é­lus : celui d’oc­cul­ter l’emprise crois­sante de la finance sur les bud­gets des col­lec­ti­vi­tés pour cacher les dégâts que cela pro­voquent. Toutes les dettes publiques suivent la même ten­dance à l’aug­men­ta­tion (voir à ce sujet, page 2, le tableau réa­li­sé par la Banque Pos­tale dans une étude sur les finances locales, menée sur dix ans). D’un élu à l’autre, la volon­té de résis­tance est plus ou moins forte. C’est tout.

Minables maquillages

Plus que beau­coup d’autres élus, Phi­lippe Richert a déployé de gros efforts pour sau­ver l’i­mage d’une Alsace scru­pu­leuse et d’un pré­sident intègre et rigou­reux, évo­luant dans un monde libé­ral for­cé­ment vertueux.

Il a par exemple maquillé le mon­tant réel de la dette de la région Alsace (ce qui veut dire que le tableau ci-des­sus ne révèle qu’une par­tie de la réa­li­té). La manœuvre n’a pas échap­pé à la CRC (Chambre Régio­nale des Comptes) qui, dans un rap­port de sep­tembre 2013, sou­ligne que la région Alsace a omis de « conso­li­der au pas­sif finan­cier clas­sique » le mon­tant du cré­dit-bail lié au finan­ce­ment du maté­riel rou­lant fer­ro­viaire contrac­té en 2008 (rames TER et Tram-Train). La cachot­te­rie cor­res­pond à une somme ron­de­lette. Dans son rap­port, la CRC a fait des efforts pour mino­rer son esti­ma­tion, en ne comp­tant pas les loyers futurs. Mais cela donne quand même plus de 128 mil­lions d’eu­ros qu’il fau­drait donc ajou­ter aux 786 mil­lions d’eu­ros de dettes recon­nues en sep­tembre 2013 par la région Alsace. Fin 2014, on en était à 809 mil­lions ; en ajou­tant le cré­dit-bail, on com­mence à s’ap­pro­cher d’en endet­te­ment d’un mil­liard d’eu­ros. Bien enten­du, tout ce pas­sif, même camou­flé, sera répar­ti sur tous les « héri­tiers » de la défunte région, si on devait l’as­sas­si­ner : les Lor­rains et les Cham­par­den­nais vont sûre­ment apprécier.

Mais peut-être qu’eux aus­si ont maquillé leurs dettes ? Pour les Lor­rains, on est en droit de se poser des ques­tions. Le 29 jan­vier 2015, lors de la der­nière séance bud­gé­taire du conseil régio­nal lor­rain, les toxiques alsa­ciens ont été évo­qués. La conseillère régio­nale lor­raine Nadine Mora­no, qui, à l’é­poque, n’é­tait pas encore fâchée avec Phi­lippe Richert, a vou­lu le défendre en répé­tant un gros men­songe que venait de lui envoyer par SMS le pré­sident alsa­cien où il mino­rait l’im­por­tance de ses toxiques.

Pour ripos­ter à Nadine Mora­no, le pré­sident PS de la com­mis­sion des finances n’a pas fait dans la nuance : il a car­ré­ment affir­mé que la région Lor­raine n’a­vait aucun emprunt toxique dans ses comptes. Ce qui est pro­ba­ble­ment un autre gros men­songe : pour décou­vrir deux toxiques sous­crits par la région Lor­raine, il suf­fit de consul­ter la liste Dexia qui a fui­té en 2009 et a été publiée sur le site de « Libé­ra­tion ».

Le mon­tant total des deux toxiques Dexia lor­rains (38 mil­lions en 2009 ; le plus long devrait arri­ver à terme en 2038, sauf à effec­tuer un rem­bour­se­ment anti­ci­pé, très coû­teux : voir ci-des­sous le cas de Mul­house) est consé­quent : il dépasse le mon­tant atteint par les toxiques Dexia de la région Alsace à la même époque. Soit dit en pas­sant, la région Cham­pagne-Ardenne, déci­dé­ment très sage, n’a pas sous­crit d’emprunt toxique, du moins pas chez Dexia…

Tan­dis que les élus se payent le luxe de s’in­vec­ti­ver à coups de bobards sur leurs dettes, les contri­buables, eux, payent déjà ces dettes, et les paie­ront long­temps. Sans en connaître l’am­pleur, puisque cer­tains s’ap­pliquent à les maquiller. Mais les contri­buables ne sont pas seuls à igno­rer la gra­vi­té de la situa­tion. C’est le cas aus­si de la qua­si tota­li­té des can­di­dat-e‑s aux élec­tions régio­nales qui ignorent – ou qui veulent igno­rer – le pro­blème. Com­ment réagi­ront-ils quand un scé­na­rio de type grec s’im­po­se­ra ? On peut craindre le pire.

La CRC voudrait l’encadrer

En dépit des recom­man­da­tions de la CRC, Phi­lippe Richert a obs­ti­né­ment conti­nué à occul­ter le cré­dit-bail de 2008, en le consi­dé­rant comme « hors bilan ». Même les membres du CÉSER-Alsace en ont été per­tur­bés, puis­qu’ils en ont par­lé dans un de leurs rap­ports, inter­rom­pant, pour une fois, la suc­ces­sion fas­ti­dieuse de leurs cour­bettes et de leurs génu­flexions, presque tou­jours unanimes.

Par contre, les « socio­pro­fes­sion­nels » sont res­tés très dis­crets sur les effets récents des emprunts « struc­tu­rés » (et d’autres sous­crits en francs suisses ?), d’une toxi­ci­té éle­vée, qui ont dû coû­ter cher aux contri­buables alsa­ciens. Et ce n’est qu’un début. Au 31 décembre 2012, nous dit la CRC, le mon­tant total des emprunts toxiques de la région Alsace s’é­lève à près de 74 mil­lions d’eu­ros (pour un encours glo­bal de dettes qui attei­gnait alors 822 mil­lions d’eu­ros). Avec un sur­coût de près de 14 mil­lions d’eu­ros. C’est à dire que si, à cette date, la région avait rem­bour­sé ces 74 mil­lions pour effec­tuer une « sécu­ri­sa­tion » de ces toxiques, les banques auraient pu exi­ger une péna­li­té (par­fois appe­lée « soulte ») de 14 mil­lions, soit près de 19% du capi­tal. Aujourd’­hui, alors que le franc suisse a explo­sé, la péna­li­té à ver­ser pour « sécu­ri­ser » le(s) produit(s) Dexia pour­rait être mul­ti­pliée par 3 ou 4 (voir l’exemple mul­hou­sien ci-dessous).

Les élu-e‑s ne se pré­oc­cupent pas davan­tage de ces ques­tions que les « socio­pro­fes­sion­nels ». Quant à la vigi­lance citoyenne, elle ne peut guère s’exer­cer : sur le site de la région Alsace, seuls quelques fas­ci­cules à carac­tère publi­ci­taire, par­fois hon­teu­se­ment tra­fi­qués, sont faci­le­ment accessibles.

Transparence1Le moins que l’on puisse dire, c’est que la trans­pa­rence ne fait pas par­tie de la culture poli­tique de Phi­lippe Richert, ni même des conseillers régio­naux. Dans son rap­port de sep­tembre 2013 sur la région Alsace, la CRC s’est per­mise de poin­ter quelques unes des tech­niques d’o­pa­ci­fi­ca­tion mises en œuvre lors­qu’il est ques­tion de la dette publique. C’est ain­si qu’elle recom­mande « à la Région d’é­la­bo­rer une stra­té­gie de ges­tion de dette à sou­mettre à l’as­sem­blée déli­bé­rante ».

Aus­si bizarre que cela puisse paraître, le sou­ci démo­cra­tique que la CRC exprime là n’est pas vrai­ment par­ta­gé par ladite « assem­blée déli­bé­rante » : ce sont en effet les conseillers régio­naux qui, confiants, ont accor­dé à leur pré­sident la délé­ga­tion de pou­voir qu’il leur a deman­dée lors d’un vote en début de man­dat. La CRC peut bien recom­man­der « à la Région de mieux enca­drer la délé­ga­tion à l’exé­cu­tif », le roi Phi­lippe n’a­vait aucune rai­son de se lais­ser enca­drer, puisque ses sujets lui avaient don­né l’au­to­ri­sa­tion d’a­gir sur la dette comme il l’en­tend. On pour­rait presque dire : l’ont sup­plié d’a­gir comme il l’en­tend. Tant cette ques­tion les gêne.

Et quand le règle­ment oblige le pré­sident à rendre compte, de temps en temps, à son « assem­blée », le résul­tat est tout aus­si navrant comme le révèle un docu­ment de décembre 2013 mira­cu­leu­se­ment visible sur le site inter­net de la région. C’est l’ex­trait d’une « déli­bé­ra­tion » qui évoque un pro­vi­sion­ne­ment d’un mil­lion d’eu­ros, vrai­sem­bla­ble­ment ren­du néces­saire suite au sou­bre­saut d’un emprunt toxique. Y‑a-t-il eu un débat au sein de « l’as­sem­blée déli­bé­rante » sur la des­ti­na­tion de ce mil­lion d’eu­ros ? Dans ce cas, il a dû être cour­tois. Et consen­suel, car ce docu­ment de décembre 2013 porte la men­tion : « déli­bé­ra­tion adop­tée à l’unanimité »…

Le ministre Richert à la question

Comme cela n’a cer­tai­ne­ment pas lais­sé des sou­ve­nirs impé­ris­sables, il convient de le rap­pe­ler : P. Richert a été ministre char­gé des col­lec­ti­vi­tés locales(1) à la fin de la man­da­ture de N. Sar­ko­zy. C’est à ce titre qu’il a dû répondre aux ques­tions que (se) posaient les dépu­tés membres de la com­mis­sion Bar­to­lone-Gorges, qui a pro­duit un rap­port sur les emprunts toxiques, très fouillé et presque sub­ver­sif, paru en décembre 2011. Il faut dire que C. Bar­to­lone était alors dans l’op­po­si­tion et pous­sait à la roue. Il était de plus à la tête d’une col­lec­ti­vi­té gra­ve­ment tou­chée par les toxiques(2).

Le ministre char­gé des col­lec­ti­vi­tés locales a beau­coup souf­fert lors de cette audi­tion : les membres de la com­mis­sion vou­laient en savoir plus sur les pro­cé­dés dou­teux des banques et sur les com­pli­ci­tés éta­tiques qu’elles ont pu obte­nir. En cli­quant ici, vous décou­vri­rez un extrait du rap­port Bar­to­lone(3), de plu­sieurs pages, où figurent l’in­té­gra­li­té des réponses de P. Richert, les tor­tures qu’il a subies et la bra­voure dont il a su faire preuve pour défendre les banques, qui n’ont pas toutes les défauts qu’on leur prête, voyons ! Les ser­vices de l’E­tat ? On ne peut pas dire qu’ils n’ont pas été à la hau­teur, quand même ! Et, quoi qu’il en soit, ils devaient se refu­ser à inter­ve­nir, au nom de l’au­to­no­mie des col­lec­ti­vi­tés locales, pas vrai ?

S’il consti­tue un aveu (invo­lon­taire) des choix poli­tiques de P. Richert face au pro­blème des emprunts toxiques, ce sys­tème de défense pré­sen­tait un incon­vé­nient. Pour le rendre à peu près cohé­rent, il fal­lait dési­gner les col­lec­ti­vi­tés locales comme étant les pre­mières res­pon­sables de ce qui leur est arri­vé. Pour le ministre, ces col­lec­ti­vi­tés ont eu, par­fois, une atti­tude qui n’é­tait « guère rai­son­nable ». Elles peuvent remer­cier les banques qui « ne l’ont pas dit publi­que­ment, car tenues par le secret ban­caire ». Per­sonne jusque là n’a­vait su détec­ter cet usage par­ti­cu­lier du secret ban­caire. P. Richert l’a fait. Il n’au­ra donc pas été audi­tion­né pour rien…

Mal à l’aise dans ses habits libé­raux gros­siè­re­ment taillés, et face à des dépu­tés qui le tour­men­taient, le ministre s’est accro­ché à plu­sieurs reprises à un « exemple qu’il connaît bien » : celui de la région Alsace. Sous ser­ment devant la com­mis­sion par­le­men­taire, il pou­vait dif­fi­ci­le­ment uti­li­ser les bobards qu’il enver­ra par SMS à N. Mora­no 4 ans plus tard. Il a invo­qué devant les dépu­tés, presque reli­gieu­se­ment, le sou­ve­nir du pré­sident (c’é­tait Adrien Zel­ler, décé­dé en 2009), « très impli­qué et très infor­mé (…), très au fait des ques­tions finan­cières » qui a sous­crit « un emprunt struc­tu­ré de 20 à 30 mil­lions d’eu­ros ». 20 mil­lions ou 30 mil­lions ?… sous le coup de l’é­mo­tion, le ministre ne savait plus exac­te­ment com­bien. Il était sûr d’une chose : « j’es­time avoir la capa­ci­té de choi­sir le moment (…) de sor­tir d’un emprunt qui ne repré­sente que 20 mil­lions d’eu­ros sur un stock total de 750 mil­lions (…). Compte tenu du taux de change actuel du franc suisse, ce n’est pas le moment ».

Le ministre P. Richert pré­voyait déjà qu’une fois rede­ve­nu pré­sident de région il trou­ve­rait for­cé­ment « un bon moment » pour rené­go­cier cet emprunt qui avait été sous­crit (pro­ba­ble­ment auprès de Dexia) par un élu qui était « très au fait des ques­tions finan­cières ». Mais cet élu n’é­tant plus de ce monde, l’in­ter­pré­ta­tion de sa puis­sante pen­sée éco­no­mique, qui aurait per­mis de choi­sir « le bon moment », n’a pas dû se faire correctement.

Tout porte à croire en effet – mais l’o­pa­ci­té de la ges­tion de la dette régio­nale est telle que ce n’est pas cer­tain – que le pré­sident de la région Alsace a rené­go­cié ce (ou ces ?) toxique(s), dont le taux est lié au franc suisse, durant cet été, en catas­trophe. Et ce, pro­ba­ble­ment dans les mêmes condi­tions que celles accep­tées par son com­père J. Rott­ner, maire de Mul­house et chef de file pour le dépar­te­ment du Haut-Rhin pour la liste « Unis­sons nos éner­gies » (LR , UDI, Modem), pilo­tée sur l’A­CAL par P. Richert.

LA BANQUE VA BIEN MERCI2UTIQu’on en juge : pour « sor­tir » d’un toxique dont le capi­tal res­tant dû s’é­le­vait encore à envi­ron 10 mil­lions d’eu­ros, le maire de Mul­house a accep­té de ver­ser il y a quelques semaines une péna­li­té de 19 mil­lions d’eu­ros et de contrac­ter un emprunt for­cé de 52 mil­lions d’eu­ros. Lequel va pro­vo­quer le paie­ment de plus de 16 mil­lions d’eu­ros d’in­té­rêts sur 20 ans. Des chiffres hal­lu­ci­nants qui peuvent don­ner une idée de ce qu’a débour­sé (ou va débour­ser ?) la région Alsace pour sor­tir du (ou des) toxique(s) Dexia indexés sur le franc suisse (appa­rem­ment deux fois plus volu­mi­neux que le toxique mul­hou­sien) souscrit(s) en 2006 par un pré­sident défunt qui était « très au fait des ques­tions finan­cières ».

Le bouquet final. Chiche Masseret ! Chiche Bachy !

Le pré­sident de la région Alsace vient de finir son man­dat en beauté.

Beau­coup plus à l’aise qu’il ne l’é­tait en 2011 devant la com­mis­sion Bar­to­lone-Gorges, il a su amu­sé la gale­rie, par­don, son « assem­blée déli­bé­rante », lors de la der­nière réunion plé­nière du conseil régio­nal d’Al­sace le 16 octobre 2015, dis­tri­buant géné­reu­se­ment com­pli­ments et médailles aux conseillers régio­naux qui ont bat­tu des records de lon­gé­vi­té dans cette ins­tance. Ça crée du consen­sus, mais ça prend du temps. Il ne pou­vait pas en res­ter beau­coup pour d’autres « délibérations ».

Qu’à cela ne tienne. P. Richert a réuni une com­mis­sion per­ma­nente moins d’un mois après, le 13 novembre 2015. Là, on ne rigo­lait plus : « Nous n’au­rons plus de com­mis­sion avant février et il nous faut anti­ci­per » a dit le pré­sident (rap­por­té par les DNA du 14 novembre 2015). Pas moins de 240 rap­ports pour 2800 pages. Pro­tes­ta­tion des éco­los, d’au­tant qu’il a fait approu­ver, entre autres, une conven­tion de finan­ce­ment du Grand Contour­ne­ment Ouest (GCO) de Stras­bourg. Mal­gré les luttes qui ont été menées pen­dant des années contre ce Grand Projet Inutile et Impo­sé », pour P. Richert et sa majo­ri­té, l’af­faire doit être réglée au plus vite.

Même si, au total, cela devrait coû­ter, au bas mot, 500 mil­lions d’eu­ros. Qui va finan­cer le concours public si ce der­nier s’a­vère néces­saire ? C’est l’E­tat, P. Richert en est sûr. Oui, mais alors pour­quoi la conven­tion de finan­ce­ment est-elle si vague et confuse sur cer­tains points ? Et si le conces­sion­naire pri­vé est défaillant ? Et si ce n’est pas l’E­tat – qui lui aus­si donne prio­ri­té au rem­bour­se­ment de ses dettes – qui donc va payer ?

Ne vous posez pas toutes ces ques­tions, ne vous inquié­tez pas pour tout ça : Phi­lippe Richert, volon­taire pour gérer l’hé­ri­tage de la région défunte, sau­ra cer­tai­ne­ment y faire.

Pour ce point de l’ordre du jour qui concer­nait donc une affaire de 500 mil­lions d’eu­ros pour le GCO, les socia­listes stras­bour­geois s’é­taient débi­nés. Les éco­los ont voté contre : ils se sont tou­jours bat­tus contre le GCO et ils ont dénon­cé la méthode « incor­recte » qui a consis­té à faire prendre cette déci­sion par une simple com­mis­sion permanente.

Par contre, l’u­na­ni­mi­té s’est faite sur une autre affaire, de 450 mil­lions celle-là : « Le très haut débit pour tous ! ». L’ex­cla­ma­tion figure en titre dans l’ar­ticle des DNA. On com­prend que ce quo­ti­dien, pro­prié­té du Cré­dit Mutuel, ait du mal à cacher son enthou­siasme : c’est une belle vic­toire, en effet, pour le Cré­dit-Mutuel-CIC qui figure dans le grou­pe­ment d’en­tre­prises pri­vées délé­ga­taire de l’o­pé­ra­tion, laquelle vise à ins­tal­ler 380 000 prises dans les com­munes alsaciennes.

41% de ce chcadtmfranceanti­er qui va durer 6 ans seront finan­cés sur fonds publics. Avec une forte contri­bu­tion de la région ACAL : 6 mil­lions d’eu­ros par an. C’est une somme mini­male, certes. Mais le payeur a été dési­gné sans détours, ni contour­ne­ment. C’est net­te­ment moins clair pour ce qui concerne l’E­tat qui aurait pro­mis entre 120 et 150 mil­lions d’eu­ros sur ce dos­sier. Est-ce cré­dible en ces temps où les dota­tions aux col­lec­ti­vi­tés sont dras­ti­que­ment diminuées ?

S’il vous plaît, évi­tez les ques­tions subal­ternes ! Le 14 novembre der­nier nous avions à faire à un pré­sident de région plus dyna­mique, déter­mi­né et géné­reux que jamais : il a signé des chèques avec une rapi­di­té épous­tou­flante. Un pour rendre plus éco­lo­gique les moteurs de 26 auto­rails alsa­ciens (11,6 mil­lions d’eu­ros), un autre pour cofi­nan­cer le conser­va­toire de Mul­house (3 mil­lions d’eu­ros), un autre pour l’aé­ro­port d’Entz­heim. Plu­sieurs mil­lions dis­tri­bués pour d’autres pro­jets fer­ro­viaires. 13 mil­lions pour une ving­taine de pro­jets d’in­no­va­tion, etc, etc…

P. Richert a pen­sé à tout : même à une obole pour les défen­seurs de la langue et de la culture régio­nale : 0,05 mil­lion d’eu­ros. Soit 50 000, si on prend l’eu­ro comme uni­té. Mais l’u­ni­té qui avait cours ce jour là, c’é­tait bien le mil­lion d’eu­ros. L’ad­di­tion des mon­tants des affaires trai­tées lors de cette com­mis­sion per­ma­nente nous mène à un bon mil­lier de ces uni­tés. Soit un mil­liard d’eu­ros, pour prendre une uni­té qui montre qu’on devient capable de jouer dans la cour des grands.

Un mil­liard d’eu­ros ? C’est à dire l’é­qui­valent de l’en­cours de la dette de la région Alsace ?!

S’il vous plaît, évi­tez les com­pa­rai­sons dépla­cées ! Vous pour­riez don­ner des idées aux Lor­rains et aux Cham­par­den­nais qui…

… Et pour­quoi pas, après tout ? Main­te­nant que le pré­sident Hol­lande a remis l’aus­té­ri­té au second plan, allons‑y ! Chiche Mas­se­ret ! Chiche Bachy ! Réunis­sez fis­sa vos com­mis­sions per­ma­nentes res­pec­tives pour faire aus­si bien que l’Al­sa­cien avant la fin de vos mandats.

Le 22 novembre 2015

B. Schaef­fer

(membre d’un col­lec­tif haut-rhi­nois pour l’a­bo­li­tion des dettes publiques : le CP68)

(1) A ce titre, il a contri­bué à la mise en place des lois de décen­tra­li­sa­tion, en pilo­tant notam­ment une opé­ra­tion visant à créer un conseil unique d’Al­sace par le biais d’un réfé­ren­dum. Cela devait pré­fi­gu­rer les futures grandes régions. L’af­faire a tour­né au fias­co en avril 2013.

(2) Une fois au pou­voir, C. Bar­to­lone a tour­né casaque en accom­pa­gnant le gou­ver­ne­ment dans la mise en place d’une loi scé­lé­rate qui a amnis­tié les banques d’une grande par­tie de leurs for­faits, afin d’a­me­ner les col­lec­ti­vi­tés locales, à l’aide d’autres pro­cé­dés per­vers, à payer des sommes colos­sales pour échap­per aux effets des emprunts toxiques. Ce que la plu­part sont en train de faire. Ce qu’a fait la Ville de Mul­house. Avec des cen­taines de col­lec­ti­vi­tés concer­nées, des mil­liards sont en jeu. Ils n’i­ront même pas dans les coffres de la Sfil (ex Dexia), mais dans ceux de banques étran­gères, dites de « contre­par­tie ». Ils ne seront pas nom­breux, les can­di­dats aux élec­tions régio­nales qui évo­que­ront le pro­blème. Et comme presque per­sonne n’en parle, l’or­ga­ni­sa­tion d’une riposte est qua­si impos­sible. Le contri­buable paie­ra sans savoir. Soit au niveau local. Soit au niveau national.

(3) Cet extrait du rap­port Bar­to­lone-Gorges est accom­pa­gné du docu­ment de décembre 2013 cité dans le pré­sent article et de com­men­taires (en rouge) du CP68.