Nous publions ci-des­sous un texte dis­tri­bué le 18 décembre 2015 à l’en­trée de la salle du conseil de l’ag­glo­mé­ra­tion mul­hou­sienne (M2A). Ema­nant du CP68, il répond à une lettre que l’ad­joint aux finances de la ville de Mul­house avait adres­sée à L’Alterpresse68 en octobre der­nier et que nous avions mise en ligne à l’époque.

Ce texte du CP68 per­met aus­si de faire le point sur les emprunts toxiques qui vont per­tur­ber la situa­tion finan­cière de 3 col­lec­ti­vi­tés locales (Ville de Mul­house, M2A et SIVOM) pen­dant deux décennies.

Le pro­blème ne semblent pas per­tur­ber, par contre, les élus concer­nés, qui, mal­gré leur pro­messe de « ne plus rien faire comme avant », solen­nel­le­ment affir­mée au soir du deuxième tour des élec­tions régio­nales, vont pro­ba­ble­ment conti­nuer à refu­ser d’ad­mettre leur part res­pon­sa­bi­li­té dans une situa­tion deve­nue ingé­rable sur tous les plans : bud­gé­taire, éco­no­mique, éco­lo­gique, poli­tique et social. Tout cela parce qu’ils refusent de faire d’autres choix que ceux de la rési­gna­tion face à un sys­tème en pleine déliquescence.

Plus rien ne sera comme avant !?…

Arnaque et lâchetés

Dans une lettre d’oc­tobre der­nier qu’il a fait par­ve­nir à l’é­quipe de la revue élec­tro­nique L’Alterpresse68 (1), l’ad­joint char­gé des finances de la Ville de Mul­house a don­né quelques pré­ci­sions sur une opé­ra­tion de grande ampleur fina­li­sée cet été au détri­ment des Mulhousiens.

P. Mai­treau répon­dait à une inter­pel­la­tion publiée sur le site de L’Alterpresse68, trois mois plus tôt, le 29 juin 2015, à l’oc­ca­sion d’un conseil muni­ci­pal où les élus avaient été aler­tés par un tract dis­tri­bué à l’en­trée du conseil. L’a­lerte n’a ser­vi à rien : la déci­sion de dépouiller les Mul­hou­siens de plu­sieurs dizaines de mil­lions d’euros a été prise ce jour là à l’u­na­ni­mi­té des conseillers muni­ci­paux, moins quelques abstentions.

Pire : cette arnaque, dont la mise au point s’est éta­lée sur plu­sieurs mois, a été concoc­tée dans la plus grande dis­cré­tion. Les finan­ciers qui ne tiennent évi­dem­ment pas à ce que leurs méfaits soient connus du grand public ont exi­gé que les élus gardent un silence com­plet sur cette opé­ra­tion. Ils ont même eu le culot d’inter­dire l’é­vo­ca­tion de l’af­faire dans la presse. Ces inti­mi­da­tions évi­dem­ment anti­dé­mo­cra­tiques et illé­gales, sont cau­tion­nées par le gou­ver­ne­ment « socia­liste » et les ser­vices de l’État. L’in­jonc­tion à se taire a été effi­cace puis­qu’une nou­velle inter­pel­la­tion adres­sée par le CP68 (2) à une cin­quan­taine de conseillers muni­ci­paux mul­hou­siens fin juillet est res­tée sans effet : les élus sont lâche­ment res­tés silen­cieux sur cette affaire qui aura de lourdes consé­quences budgétaires.

Par contre, cer­tains ont retrou­vé du cou­rage pour… accu­ser le CP68 de les avoir « insul­tés » dans un nou­veau tract dis­tri­bué le 12 octobre devant la salle du conseil muni­ci­pal. Alors que dans ce texte, le CP68 ne fai­sait que situer les res­pon­sa­bi­li­tés. Il conti­nue­ra de le faire, n’en déplaise à ceux qui se dérobent en per­ma­nence, per­met­tant aux banques de triom­pher sur toute la ligne : non seule­ment le hold-up leur rap­por­te­ra gros ; elles ont, en plus, réus­si à l’or­ga­ni­ser à l’in­su des vic­times que sont en l’oc­cur­rence les Mul­hou­siens. Les pistes sont brouillées. Com­ment s’é­ton­ner alors que face aux pro­blèmes bud­gé­taires qui s’ac­cu­mulent une par­tie gran­dis­sante de la popu­la­tion relayée par l’ex­trême-droite désigne des boucs émis­saires à la place des vrais res­pon­sables et des vrais profiteurs ?

Lors du der­nier conseil muni­ci­pal de Mul­house du 14 décembre, les élus, una­nimes, ont trou­vé « la solu­tion » : lever la séance après l’exa­men de 19 points sur les 96 à l’ordre du jour. Une séance mas­ca­rade où quelques ténors se sont conten­tés d’in­ter­pré­ter un numé­ro post-élec­to­ral sur le thème « plus rien ne sera comme avant ». Quant aux points où il aurait pu être ques­tion des consé­quences des déci­sions finan­cières de cet été, ils n’ont évi­dem­ment pas été abordés.

Et si on sup­pri­mait car­ré­ment le conseil muni­ci­pal ? Ce ne serait plus comme avant et on don­ne­rait plei­ne­ment satis­fac­tion à la finance.

Les élus s’in­clinent face aux voyous de la finance

La réponse de P. Mai­treau dans sa lettre d’oc­tobre der­nier n’a pas grand chose à voir avec la trans­pa­rence qu’il affirme vou­loir pra­ti­quer. Quand il explique pour­quoi la Ville a reti­ré la plainte qu’elle avait dépo­sée contre les escrocs ban­caires, l’ad­joint évoque une « régu­la­ri­sa­tion » inter­ve­nue en juillet 2014 sur le « prin­ci­pal élé­ment du dos­sier qui était en faveur de la Ville ».

Une « Régu­la­ri­sa­tion » ?! Un « élé­ment de lan­gage » qui en dit long sur la rési­gna­tion de l’é­lu. Il s’a­git en fait d’un scan­da­leux tour de passe-passe juri­dique mis au point par le gou­ver­ne­ment socia­liste qui a fait voter une loi visant à amnis­tier les banques de presque tous leurs délits dans l’af­faire des prêts toxiques. Même les amis poli­tiques de MM Rott­ner et Mai­treau ont dénon­cé en juillet 2014 cette for­fai­ture du pou­voir. Étaient-ils sin­cères ? En tout cas aujourd’­hui ils se taisent et s’in­clinent face aux dik­tats de la finance. Au point qu’ils renoncent à dire (et même à savoir) à quelle banque vont aller les dizaines de mil­lions de péna­li­tés payés par les Mul­hou­siens. Cette banque, ce n’est pro­ba­ble­ment pas DEXIA/SFIL/CAFFIL. Cette banque, c’est plus sûre­ment BARCLAYS, dite « banque de contre­par­tie ». Elle a sans doute signé un contrat paral­lèle avec DEXIA/ SFIL/CAFFIL. Ce serait ce contrat occulte dont BARCLAYS exi­ge­rait dis­crè­te­ment l’exé­cu­tion aujourd’­hui. On com­prend que le maire de Mul­house et son adjoint res­tent muets sur ce sujet : ils se sont mis en situa­tion d’en­grais­ser des ban­quiers voyous à coups de mil­lions d’eu­ros en ponc­tion­nant une ville qui se trouve être par­mi les plus pauvres de France.

Il y a quelques semaines, le CP68 a sou­mis le pro­blème des banques de contre­par­tie au dépu­té-maire de Pfas­tatt, F. Hil­l­meyer. Lequel s’est enga­gé à sou­mettre la ques­tion à un de ses col­lègues, Charles de Cour­son. On attend tou­jours la réponse.

Le maire de Pfas­tatt a éga­le­ment été inter­ro­gé sur l’emprunt toxique pré­sent dans les comptes du SIVOM de Mul­house et envi­rons. Tout porte à croire, en effet, que ce pro­duit pour­ri a été rené­go­cié cet été avec à peu près les mêmes acteurs et dans les mêmes condi­tions que le pro­duit pour­ri pré­sent dans les comptes de la Ville de Mul­house. Si tel est le cas, cela vou­drait dire que les habi­tants concer­nés par le SIVOM vont débour­ser sans le savoir un nombre res­pec­table de mil­lions d’eu­ros (pro­ba­ble­ment en faveur de la banque J.P. MORGAN), puisque les sommes en jeu semblent cor­res­pondre à plus de la moi­tié de celles qui concernent la ville de Mul­house seule (indi­quées ci-des­sous). Sur ce point aus­si, on attend tou­jours la réponse de F. Hil­l­meyer qui, sié­geant au SIVOM, est en pos­ses­sion de tous les élé­ments. Certes, Pfas­tatt n’est pas, pour l’ins­tant, en « ter­ri­toire hau­te­ment citoyen » comme l’est Mul­house. Mais son maire sem­blait, par contre, après le deuxième tour des élec­tions régio­nales, être en accord avec ses col­lègues qui ont affir­mé que « plus rien ne sera comme avant »…

Astuces de com’ pour cacher les mil­lions gaspillés

Dans sa lettre d’oc­tobre der­nier l’ad­joint aux finances four­nit quelques chiffres d’où il res­sort que « la restruc­tu­ra­tion mise en place va engen­drer une éco­no­mie moyenne sur les annui­tés de l’ordre de 0,410 mil­lion à par­tir de 2016 ». Il faut l’a­plomb bien connu de P. Mai­treau pour oser par­ler d’ « éco­no­mie » dans cette rui­neuse affaire où les dégâts se feront sen­tir pen­dant vingt ans.

Qu’on en juge : pour rem­bour­ser un prêt d’en­vi­ron 10 mil­lions d’eu­ros, MM Rott­ner et Mai­treau ont emprun­té cet été plus de 52 mil­lions d’eu­ros. Vous avez bien lu : 52 mil­lions d’emprunt pour rem­bour­ser un capi­tal de 10 millions.

Pour­quoi cette dif­fé­rence ? Parce que la Ville est contrainte de faire un emprunt pour payer la péna­li­té exi­gée (sans doute par la banque de contre­par­tie) qui s’é­lève à 19 mil­lions d’eu­ros. Une par­tie de cette péna­li­té est « cachée » dans les inté­rêts qui seront payés pen­dant vingt ans. Dans sa lettre à L’Alterpresse68, jamais à court d’as­tuces de com’, l’ad­joint n’é­voque que les 12 mil­lions d’eu­ros de la par­tie « visible » de la pénalité…

On a fait le cal­cul : le mon­tant total des inté­rêts sur vingt ans va se situer autour de 16,5 mil­lions d’eu­ros. Ce qui veut dire qu’au final, en plus du rem­bour­se­ment des 10 mil­lions de capi­tal de cet emprunt toxique, le contri­buable va devoir payer près de 28,5 mil­lions d’eu­ros de péna­li­tés et de frais divers (12 + 16,5 = 28,5). Soit près de trois fois le capi­tal rem­bour­sé, en « béné­fi­ciant », il est vrai, d’un nou­veau prêt inclus dans ces 52 mil­lions d’emprunts… Les­quels vont rendre car­ré­ment insou­te­nable la dette de la Ville qui bat déjà des records !…

Dans sa lettre, l’ad­joint n’hé­site pas à qua­li­fier cette opé­ra­tion de « déci­sion de sagesse et de pru­dence » et se féli­cite de pou­voir « béné­fi­cier de l’aide sub­stan­tielle d’un fonds de sou­tien ». A hau­teur de 8,7 mil­lions d’eu­ros, semble-t-il. En oubliant de dire que cette somme est ponc­tion­née sur le contri­buable (natio­nal) puis­qu’il s’a­git d’une aide que l’État accorde à toutes les col­lec­ti­vi­tés vic­times des emprunts toxiques.

D’autres oublis et d’autres astuces de com’

Dans la com’ de nos élus, il y a bien d’autres « oublis ». Un peu moins à Mul­house où l’in­sis­tance du CP68, et quelques reproches adres­sés par l’as­so­cia­tion « Démo­cra­tie Ouverte »(3) à la muni­ci­pa­li­té de Mul­house, ont ame­né P. Mai­treau à s’im­po­ser davan­tage de trans­pa­rence. Mais cet élu n’a pas consen­ti les mêmes efforts s’a­gis­sant du SIVOM ou de M2A où ses « com­pé­tences » finan­cières ont pu s’ex­pri­mer sur un troi­sième toxique, niché celui-là dans les comptes de M2A, et doté d’un capi­tal res­tant dû de 3 mil­lions d’euros.

Ou alors c’est L. Riche, vice-pré­sident délé­gué aux finances de M2A qui a été char­gé de la rené­go­cia­tion, qui s’est dérou­lée cet été ? (simul­ta­né­ment à celle du toxique de la Ville de Mul­house). L. Riche aurait pu se pré­va­loir, en tant qu’ad­joint au maire de Kin­ger­sheim, d’une belle expé­rience : par un de ces miracles de la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive dont Jo Spie­gel a le secret, ce der­nier vient en effet de réus­sir à rené­go­cier un (ou deux ?) toxique(s) sans même que son oppo­si­tion muni­ci­pale s’en aper­çoive ! En tout cas on ne l’a pas enten­due pro­tes­ter. C’est un toxique si « par­ti­cu­lier » qu’il a fait l’ob­jet d’une étude lors d’un sémi­naire à l’IEP de Stras­bourg. Le voi­là doté d’une par­ti­cu­la­ri­té sup­plé­men­taire : hor­mis MM Spie­gel et Riche, per­sonne ne sait com­bien il va coû­ter aux contri­buables de Kingersheim.

Recon­nais­sons que pour les membres de l’Ag­glo, il est déli­cat de par­ler d’emprunts toxiques : Le risque est grand de ter­nir l’i­mage et la fin de car­rière du pré­sident Bockel qui pour­rait mal sup­por­ter le rap­pel de ses res­pon­sa­bi­li­tés dans la sous­crip­tion en 2007 des trois Dexia (Ville, SIVOM et M2A) aux effets désas­treux. J.M. Bockel a tout fait pour que ses « per­for­mances » passent inaper­çues. Il a même fait sem­blant de s’op­po­ser à loi scé­lé­rate d’am­nis­tie des banques, en votant contre. Puis, inter­pel­lé, il a refu­sé de par­ti­ci­per à une riposte, avec d’autres par­le­men­taires, qui aurait per­mis de défendre les inté­rêts des col­lec­ti­vi­tés locales contres les banques.

Le pré­sident de M2A aurait dû com­mu­ni­quer le mon­tant exact des pertes subies en péna­li­tés et frais divers consé­cu­tifs à la rené­go­cia­tion du toxique lors du conseil de ren­trée. Il a « oublié » de le faire. Y pen­se­ra-t-il lors de ce conseil du 18 décembre 2015 ?

Ils sont for­mi­dables. Il ne faut sur­tout pas qu’ils changent !

Il est quand même plus facile de com­mu­ni­quer sur l’é­co­lo­gie que sur la dette publique. C’est sous la res­pon­sa­bi­li­té de Jo Spie­gel, « com­mis­saire à la tran­si­tion éner­gé­tique au sein de M2A », que se sont dérou­lés les débats du conseil du jeu­di 10 décembre 2015, consa­crés à l’é­la­bo­ra­tion d’un « plan stra­té­gique et opé­ra­tion­nel » à l’heure de la Cop 21. De beaux pro­jets ont vu le jour. Mieux : « ils seront tous finan­cés dans les bud­gets actuels ». Nos élus sont vrai­ment for­mi­dables : ils vont encore une fois réus­sir à faire beau­coup mieux avec beau­coup moins ! Dans ces condi­tions, mieux vaut qu’ils oublient leur pro­messe du soir du second tour des régio­nales, et que sur­tout, ils ne changent pas !…

Il y a bien eu un ou deux trouble-fête pour poser la ques­tion des moyens à mettre en œuvre et pour pro­po­ser la gra­tui­té des trans­ports. La gra­tui­té des trans­ports ?! Où est-ce qu’ils sont allés cher­cher cela ?! Est-ce que ce ne serait pas dans un tract du CP68 qui, de manière tota­le­ment irres­pon­sable, a pro­po­sé il y a deux ans d’ins­tau­rer un mora­toire sur les inté­rêts de la dette des com­munes de M2A pour finan­cer la gra­tui­té des trans­ports sur toute l’agglomération ?…

Mul­house, le 17 décembre 2015,

Le CP68

(1) En vous ren­dant sur le site de L’Alterpresse68 vous trou­ve­rez une ver­sion élec­tro­nique du pré­sent docu­ment où vous aurez la pos­si­bi­li­té d’ac­cé­der à l’in­té­gra­li­té de la lettre de l’ad­joint aux finances et à bien d’autres pièces du dos­sier, notam­ment dans l’ar­ticle Dettes publiques de Mul­house et d’ailleurs : dos­sier pour infor­mer et pour agir, publié en juillet dernier.

(2) Le CP68 : le Conseil Popu­laire 68 pour l’an­nu­la­tion des dettes publiques, qui est à l’o­ri­gine du pré­sent tract. Pour tout contact écrire à L’Alterpresse68 : postmaster@lalterpresse.info.

(3) « Démo­cra­tie Ouverte » est à l’o­ri­gine du concept de « ter­ri­toire hau­te­ment citoyen » dont l’ap­pli­ca­tion, à Mul­house, a fait l’ob­jet d’un contrat avec la municipalité.