Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe ont condamné la France pour ses manquements démocratiques dans le découpage régionale. Nous avons souvent, dans ces colonnes, dénoncé le fait que les citoyens n’ont absolument pas été consultés : c’est, entre beaucoup d’autres, une des critiques soulevées par les auteurs d’un rapport fort bien rédigé et adopté à une écrasante majorité le Congrès. C’est d’ailleurs le même procédé qui se poursuit dans la réforme territoriale puisque les regroupements des communes se fait sous l’autorité du préfet qui ne tient en aucun cas compte des avis des élus locaux. Preuve avec la fusion de Porte de France Rhin Sud avec M2A : alors que les élus sont majoritairement contre, le préfet vient de décider que cette fusion se fera. Et si ces élus saisissaient ce Congrès qui vient de condamné la réforme territoriale ?

Le Congrès des pou­voirs locaux et régionaux

Le pré­dé­ces­seur du Congrès, la Confé­rence des pou­voirs locaux de l’Eu­rope, a été créé au sein du Conseil de l’Eu­rope en 1957. Elle s’est trans­for­mée en « Congrès » en 1994.

Le Congrès des pou­voirs locaux et régio­naux du Conseil de l’Europe est une assem­blée poli­tique paneu­ro­péenne com­po­sée de 648 élus – conseillers régio­naux et muni­ci­paux, maires et pré­si­dents de région – repré­sen­tant plus de 200.000 col­lec­ti­vi­tés de 47 pays européens.

Il a pour mis­sion de pro­mou­voir la démo­cra­tie ter­ri­to­riale, d’améliorer la gou­ver­nance locale et régio­nale et de ren­for­cer l’autonomie des col­lec­ti­vi­tés. Le Congrès du Conseil de l’Eu­rope veille, en par­ti­cu­lier, à l’application des prin­cipes conte­nus dans la Charte euro­péenne de l’autonomie locale en 1985. Il encou­rage les pro­ces­sus de décen­tra­li­sa­tion et de régio­na­li­sa­tion ain­si que la coopé­ra­tion trans­fron­ta­lière entre les villes et les régions.

Le Congrès effec­tue régu­liè­re­ment des mis­sions de « moni­to­ring » (sur­veillance) dans chaque pays membre pour éva­luer la mise en œuvre de la Charte euro­péenne de l’au­to­no­mie locale. Si la France l’a signée en 1985, elle a atten­du… 22 ans pour la rati­fier le 17 jan­vier 2007. Il est vrai qu’au pays du cen­tra­lisme triom­phant, tout pou­voir à ancrage local était sus­pect de sépa­ra­tisme ! Les Alsa­ciens l’ont bien com­pris au cours de leur histoire…

C’est dans le cadre de cette « sur­veillance » que le Congrès a fait éta­blir un rap­port sur la situa­tion en France. https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?p=&Ref=CG30%282016%2906AMDT&Language=lanFrench&Ver=original&Site=COE&BackColorInternet=C3C3C3&BackColorIntranet=CACC9A&BackColorLogged=EFEA9C&direct=true

« La démo­cra­tie locale et régio­nale en France » vue par le Congrès

Le Congrès des pou­voirs locaux et régio­naux du Conseil de l’Eu­rope a donc adop­té, le 22 mars 2016, une recom­man­da­tion sur l’é­tat de la démo­cra­tie locale et régio­nale en France suite à une visite de moni­to­ring effec­tuée en mai 2015 à Paris, Reims, Ay-Cham­pagne et Châ­lons-en-Cham­pagne. Il s’a­git du pre­mier rap­port de moni­to­ring depuis la rati­fi­ca­tion de la Charte euro­péenne de l’autonomie locale par la France en 2007.

Dans un com­mu­ni­qué, le Congrès exprime son inquié­tude, en par­ti­cu­lier, concer­nant les pro­cé­dures de déli­mi­ta­tion des régions, (…) en ce que les régions n’ont pas été consul­tées préa­la­ble­ment de manière effec­tive. Le Congrès invite les auto­ri­tés à revoir le pro­ces­sus de consul­ta­tion des repré­sen­tants directs des col­lec­ti­vi­tés locales et régio­nales pour toutes les déci­sions les concer­nant (article 4), et notam­ment celles ayant trait à leurs fron­tières ter­ri­to­riales (article 5).

Il recom­mande aus­si de revoir le sys­tème de péréqua­tion afin de le rendre plus équi­table, de décen­tra­li­ser à nou­veau les déci­sions rela­tives aux assiettes d’impositions locales et de cla­ri­fier les pro­ve­nances des res­sources finan­cières des col­lec­ti­vi­tés locales. Enfin, le Congrès appelle les auto­ri­tés fran­çaises à cla­ri­fier la répar­ti­tion des com­pé­tences entre les dif­fé­rents niveaux d’autorités locales pour évi­ter tout che­vau­che­ment, et à pour­suivre l’augmentation de la part des res­sources propres dans le bud­get des col­lec­ti­vi­tés locales. »

Vio­la­tion de la Charte par la France

L’article 5 de la Charte qui pré­voit la consul­ta­tion des col­lec­ti­vi­tés locales n’a pas été res­pec­tée, il y a donc vio­la­tion de la Charte par la France ! Lors du débat, la repré­sen­ta­tion fran­çaise s’est cou­verte de ridi­cule : ain­si, M. Lech (PS) a consi­dé­ré qu’  « il n’y a pas eu vio­la­tion, mais non-res­pect de cet article par la France » ! Ce qui lui a valu une réponse cin­glante du rap­por­teur qui lui a rap­pe­lé que « non-res­pect veut dire violation ».

 grellier

La secré­taire d’Etat char­gée des  Col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, Mme Grel­lier, a bien ten­té de jus­ti­fier le pas­sage en force du gou­ver­ne­ment. Mais son dis­cours fut indi­gent et abso­lu­ment pas convain­cant. Vous pou­vez vous en rendre compte en sui­vant le débat dans son inté­gra­li­té sur

https://vodmanager.coe.int/coe/webcast/coe/2016–03-22–1/fr/14

On peut pour­tant regret­ter que le Congrès ne soit pas allé jusqu’au bout en exi­geant de la France de refaire la pro­cé­dure pour enté­ri­ner la réforme ter­ri­to­riale. Les recom­man­da­tions adop­tées pro­posent que la France applique « à l’avenir » la Charte… D’autre part, la consul­ta­tion des « col­lec­ti­vi­tés locales » est une chose mais pour­quoi ne pas aller jusqu’à la consul­ta­tion des citoyens. N’auraient-ils rien eu à dire dans la créa­tion de l’ACAL alors que des dizaines de mil­liers de signa­tures ont été recueillies contre la fusion!

andrée munchen

Les Alsa­ciens pro­posent un amendement !

C’est dans cet esprit que Andrée Mun­chen­bach, d’Unser Land et d’autres per­son­na­li­tés* ont pro­po­sé l’amendement sui­vant : « orga­ni­ser auprès des popu­la­tions concer­nées par des fusions de régions telles que déci­dées par la loi du 16 jan­vier 2015 des réfé­ren­dums afin de recueillir leur avis sur ces fusions ». Il ne fut mal­heu­reu­se­ment pas adop­té : mani­fes­te­ment la démo­cra­tie locale a encore du mal à s’imposer même chez ceux qui sont cen­sés la pro­mou­voir et la défendre.

Car on peut quand même légi­ti­me­ment dou­ter de la convic­tion de nos élus quand on voit com­ment d’un « refus tout net » de la créa­tion de l’ACAL, MM. Richert et Rott­ner, entre autres, ont tro­qué leur rejet pour une accep­ta­tion… en échange de postes assu­rant leur par­cours personnel !

Nous publions ci-des­sous le com­mu­ni­qué de Pierre Klein, au nom de Ini­tia­tive citoyenne alsa­cienne. D’autres voix conti­nuent de se lever tels que celles d’Unser Land ou de per­son­na­li­tés comme Jean-Marie Woer­ling ou Ray­mond Woess­ner qui conti­nuent de dénon­cer cette réforme. Le der­nier épi­sode de la nou­velle déno­mi­na­tion des Régions est en train de tour­ner à la pan­ta­lon­nade et au ridi­cule total.

Il ne faut donc pas fer­mer la porte à une révi­sion de cette loi Notre. Qu’en disent les autres par­tis poli­tiques pré­sents à l’Assemblée natio­nale ou sus­cep­tible de l’être ? Il fau­drait que cette ques­tion figure en bonne place dans les ques­tions que les citoyens devront poser aux futurs can­di­dats des élec­tions légis­la­tives de 2017…

Un recours pour les oppo­sants aux fusions impo­sées des col­lec­ti­vi­tés territoriales ?

Un exemple tout chaud : la com­mu­nau­té Porte de France Rhin Sud est com­po­sée de six com­munes : Ott­mar­sheim, Petit-Lan­dau, Nif­fer, Cha­lam­pé, Bant­zen­heim, Hom­bourg. Le pré­fet veut impo­ser la fusion avec la M2A de M. Bockel qui compte bien sur l’apport de la manne fis­cale pour faire face à son endet­te­ment colos­sal. Voir l’article http://lalterprls.cluster011.ovh.net/?p=1483

Là éga­le­ment une large majo­ri­té d’élus est oppo­sée à cet ukase et dénonce l’attitude d’autres élus, pour­tant mino­ri­taires, qui conti­nuent de prô­ner cette fusion. Prin­ci­pale visée la maire de Cha­lam­pé, par ailleurs diri­geant de Les Répu­bli­cains dans le Haut-Rhin. Mal­gré la décla­ra­tion du pré­fet qui « ne recu­le­ra pas », les oppo­sants conti­nue de se battre contra la fusion. On peut dire que le vote du Congrès des pou­voirs locaux du Conseil de l’Europe leur donne des argu­ments et ouvre peut-être la voie à un recours juri­dique inter­na­tio­nal qui condam­ne­rait à coup sûr la France une seconde fois.

*   Andrée MUNCHENBACH, pré­si­dente d’Un­ser ;  Jean-Fran­çois MATTLER, pré­sident de la Fédé­ra­tion Démo­cra­tique Alsa­cienne ; Jean-Marie WOEHRLING, pré­sident de Culture et Bilin­guisme d’Alsace et de Moselle – René Schi­ckele Gesell­schaft ;  Jean-Daniel ZETER, pré­sident du Club Pers­pec­tives Alsa­ciennes ; Hen­ri SCHERB, pré­sident de Hei­mets­proch un Tra­di­tion ; Monique MATTER, pré­si­dente du Comi­té Fédé­ral pour les Langue et Culture régio­nales en Alsace et en Moselle ger­ma­no­phone ; Pierre KLEIN, pré­sident d’I­ni­tia­tive Citoyenne Alsa­cienne ; Ber­nard STOESSEL, pré­sident de l’as­so­cia­tion des Elus pour la Sau­ve­garde de la langue d’Al­sace et de Moselle ; Fré­dé­ric TURON, pré­sident des Alsa­ciens Réunis ; Chris­telle BALDECK, porte-parole des Alsa­ciennes Unies ; Phi­lippe MOURAUX, pré­sident de 57- le Par­ti des Mosel­lans / Par­tei des Mosel­lo­thrin­ger ; Tho­mas RIBOULET, pré­sident du Par­ti Lorrain.


ica

Com­mu­ni­qué Ini­tia­tive Citoyenne Alsacienne

Le Congrès des pou­voirs locaux du Conseil de l’Europe a pris hier acte et consta­té le  non-res­pect par la France de la Charte euro­péenne de l’autonomie locale. Il lui recom­mande, à défaut de pou­voir la sanc­tion­ner, d’adapter sa légis­la­tion aux enga­ge­ments euro­péens aux­quels elle a souscrit.

L’ICA avait été la pre­mière à atti­rer l’attention sur le fait que la réforme ter­ri­to­riale telle que son pro­ces­sus était enga­gé n’allait pas tenir compte de la charte euro­péenne de l’autonomie locale que la France avait signée et rati­fiée. Nous avions alors fait un cour­rier d’abord aux par­le­men­taires alsa­ciens, ensuite à tous les par­le­men­taires français.

Ce que nous pres­sen­tions s’est pro­duit. La France par son gou­ver­ne­ment s’est assise sur ses enga­ge­ments et la réforme a été menée à terme sans les consul­ta­tions requises. Denis de démo­cra­tie ou pas, un constat s’impose. La France qui se reven­dique sans cesse des droits de l’homme et d’une démo­cra­tie exem­plaire s’est dans cette affaire pla­cée au-des­sous de la règle qu’elle s’était elle-même donnée.

Les parents et les édu­ca­teurs enseignent aux enfants qu’il faut res­pec­ter les règles et se montrent eux-mêmes exem­plaires. Par son com­por­te­ment, on ne peut que consta­ter que la France ne l’a pas été, c’est le moins que l’on puisse dire. Comme elle ne l’a pas été au niveau euro­péen. L’Europe, on ne peut à la fois être dedans quand ça arrange et dehors quand cela dérange. Et puis, c’est aus­si un coup por­té à l’image de Stras­bourg qui se reven­dique capi­tale de la démo­cra­tie européenne.

Der­rière ce com­por­te­ment, il y a sans doute aus­si que le fait que le gou­ver­ne­ment n’a pas vou­lu prendre le risque de se voir désa­vouer, en par­ti­cu­lier en Alsace où les élec­teurs étaient hos­tiles à la sup­pres­sion du Conseil régio­nal d’Alsace, et a conduit la réforme à marche forcée.

Quoi qu’il en soit, la France ne sort pas enno­blie de cette affaire et cer­tains pour­ront encore évo­quer la fameuse arro­gance fran­çaise.  Faut-il conclure de tout cela que la France est bien davan­tage une démo­cra­tie par­ti­sane qu’une démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive, les poli­tiques étant conduites bien plus par les par­tis que par les citoyens, les­quels ne sont véri­ta­ble­ment sol­li­ci­tés qu’à l’occasion des élec­tions, une démo­cra­tie inter­mit­tente donc ? 

Pierre Klein, pré­sident de l’Initiative citoyenne alsa­cienne, 23 mars 2016