Petite virée à Paris. J’en profite pour aller à la manifestation du 9 mars et avant faire un petit tour place de la République. Du monde, beaucoup du monde, jeunes et moins jeunes. Ambiance calme, studieuse même, un sympathique fouillis d’idées et de prises de paroles et un avis unanime. « Si nous sommes là, c’est bien parce que nous ne nous sentons plus représentés ni par les partis politiques, ni par les médias, ni par les autres structures… ». Alors, chacun devient sa propre organisation… C’est bien du chaos que naissent les grandes choses m’a‑t-on appris… Peut-être une autre vision de la démocratie ? Est-ce cela qui fait peur ? Je le pense

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Nous aurons l’occasion de reve­nir sur le phé­no­mène « Nuit Debout » qui, après les Indi­gnés à Madrid, Occu­py Wall Street à New York et d’autres ras­sem­ble­ments du même type, vient de démar­rer place de la Répu­blique à Paris pour essai­mer d’abord dans d’autres grandes villes fran­çaises (Tou­louse, Stras­bourg…) mais aus­si quelques-unes plus petites comme Gueb­willer dans notre dépar­te­ment. Même à l’étranger, cela semble prendre. Comme quoi cette aspi­ra­tion à pou­voir s’exprimer sans les entraves média­tiques et poli­tiques n’est pas que française.

Ne réprime que ceux qui n’arrivent pas à convaincre par le débat…

Ce mou­ve­ment pour­tant encore très loca­li­sé, mar­gi­nal même au sein de la socié­té, sus­cite de plus en plus de réac­tions néga­tives de la part du pou­voir poli­tique, éco­no­mique et média­tique. Cha­cun y ait allé de ses ana­lyses pour déni­grer ces ras­sem­ble­ments paci­fiques : puis on a finit par ten­ter de les délo­ger. L’évacuation place de la Répu­blique s’est pas­sé… cool ! Les occu­pants de la place n’ont pas cher­ché l’affrontement avec la police pour­tant nom­breuse et agres­sive. Ils sont par­tis… pour reve­nir le lendemain.

Il est dif­fi­cile d’u­ti­li­ser sys­té­ma­ti­que­ment la force pour une muni­ci­pa­li­té dite de gauche, ça la fout mal ! Alors on passe à la seconde phase : il faut déni­grer le mou­ve­ment auprès de l’opinion publique pour que cesse le déve­lop­pe­ment de l’occupation et sa réité­ra­tion ailleurs. Quoi de mieux que quelques cas­seurs pour que les « braves gens » soient effa­rou­chés ! Et la droite poli­tique a mis son grain de sel pour décom­plexer le gou­ver­ne­ment : « ces ras­sem­ble­ments ne peuvent être tolé­rés dans un état d’urgence ». Mais alors l’état d’urgence ce n’est pas que pour les terroristes ?

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Les cagou­lés de la police

J’affirme ici et j’assume : j’ai vu, vu de mes propres yeux, lors de la mani­fes­ta­tion du 9 avril, un déve­lop­pe­ment poli­cier étrange et inha­bi­tuel ces der­nières années. Par la masse mais aus­si par le dis­po­si­tif et les méthodes. Regrou­pés essen­tiel­le­ment en tête de la mani­fes­ta­tion (habi­tuel­le­ment, c’est à la fin que ce passe les échauf­fou­rées), les cen­taines de CRS sont accom­pa­gnés par des petits groupes d’hommes en tenue de com­bat, cinq ou six, der­rière les­quels ont dis­tingue clai­re­ment des femmes et des hommes en civils, cagou­lés, por­tant des lunettes de moto, essayant de se plan­quer der­rière les balaises en uni­forme… A quoi pou­vaient-ils bien servir ?

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Les pro­vo­ca­tions orga­ni­sées par la police ne sont pas nou­velles. Nous aurons l’occasion de publier dans les pro­chaines semaines un article d’un des res­pon­sables de la sécu­ri­té d’une grande confé­dé­ra­tion qui a ren­con­tré ce type de situation.

Peur de la jeunesse

Le pou­voir a bien conscience qu’une par­tie de la jeu­nesse veut pas­ser à autre chose. Pour l’instant, le dan­ger n’est pas très grand car avec l’absence d’un mini­mum d’organisation et de struc­ture, il est com­pli­qué de prendre le pou­voir, les Indi­gnés ont géné­ré Pode­mos pour y arriver.

Mais on n’en est pas là, per­sonne ne sait si on arri­ve­ra à ce stade. Mais rien que la pos­si­bi­li­té que les citoyens puissent, dans leur diver­si­té, cher­cher d’autres voies démo­cra­tiques dans les­quelles ils exigent d’être enten­dus et non seule­ment écou­té, dans les­quels leur avis n’est pas sol­li­ci­té uni­que­ment lors des rituelles élec­tions mais pour toutes les déci­sions les concer­nant, relè­ve­rait de la sub­ver­sion qu’il faut étouf­fer dans l’œuf. Que les jeunes géné­ra­tions portent ces aspi­ra­tions donne un ave­nir à ce mou­ve­ment : preuve que la pré­ca­ri­té impo­sée ne conduit pas à son acceptation…

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Il y a quelque chose d’irrémédiable dans cette exi­gence de vraie démo­cra­tie, ce n’est qu’une ques­tion de temps avant qu’elle ne devienne une aspi­ra­tion géné­rale. La ten­ta­tion de répri­mer et de faire preuve d’autoritarisme pour frei­ner cet élan est grande pour le pou­voir en place, mais il fau­dra bien que les poli­tiques y répondent autre­ment, le plus tôt pos­sible pour ne pas se retrou­ver hors jeu…

Michel Mul­ler

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