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En plus, voire en place, de la « grève générale » et la « grève reconductible », des manifestations rituelles style « République-Nation », sommes-nous en train d’assister à une nouvelle forme de mobilisation sociale qui consisterait à occuper l’espace public (et donc médiatique) en permanence établissant ainsi un foyer de contestation et d’implication citoyenne continue ?

La multiplication des initiatives Nuit Debout semble aller dans ce sens : la carte des lieux de rassemblement dans toute l’Europe est impressionnante, https://nuitdebout.fr/!

Comme tou­jours dans l’irruption de formes nou­velles d’expressions citoyennes, il y a des « sachants », ceux, tou­jours les mêmes,  qui ont un fau­teuil en per­ma­nence dans toutes les émis­sions TV et radio, qui ont un avis tran­ché sur le sujet. Dans leur boule de cris­tal, ils voient là une lubie qui va s’é­teindre toute seule. Mais ils sont là en « ser­vice com­man­dé » pour peser sur les ini­tia­tives et leur avis n’est donc pas « véri­té », il relève plu­tôt de la propagande…

L’enracinement d’une expres­sion citoyenne

Tout cela est-il durable ? Nous le ver­rons bien. Mais la loi Tra­vail n’a fait que cris­tal­li­ser des mécon­ten­te­ments qui, glo­ba­le­ment, touchent à de mul­tiples sujets. Sou­vent d’ordre géné­ral (« la casse du code du tra­vail », l’emploi, une autre éco­no­mie plus res­pec­tueuse des per­sonnes et de la terre…), ils sont par­fois plus per­son­nels, plus intimes mêmes. Et sont sur­tout le reflet de l’impossibilité d’en par­ler, d’être écou­ter. Le contrôle total des médias ins­ti­tu­tion­nels avec leurs mes­sages iden­tiques quelque soit leur option poli­tique (que les autres médias ne peuvent pas tota­le­ment rem­pla­cer dans le monde de l’information) ne les auto­rise plus à par­ler des vrais pro­blèmes de la popu­la­tion. Les citoyens cherchent donc d’autres modes d’expression : inter­net et ses blogs est un de ces moyens. Pour­tant, nous sommes loin du débat démo­cra­tique en l’occurrence ! Rien ne rem­place le débat, l’échange direct, la mise en com­mun de ses réflexions… C’est bien ce que révèlent ces « nuits », espace de liber­tés et très sou­vent, de fraternité.

Une frac­ture durable dans la société

« Plus de 220 000 mani­fes­tants recen­sés ce jour aux quatre coins du pays : C’est 2 fois plus que le 12 mai et ce alors que les modes d’actions diver­si­fiés se mul­ti­plient » annonce la CGT
Les mani­fes­ta­tions contre la loi Tra­vail conti­nuent de ras­sem­bler : ain­si, celles du 17 mai ont été bien supé­rieures aux pré­cé­dentes et le 19 mai, nou­veau ren­dez-vous est annon­cé (1). La mobi­li­sa­tion s’étend à d’autres reven­di­ca­tions, plus sec­to­rielles voire corporatistes.

A Mul­house, les sala­riés de Soléa ne veulent pas fêter le 10e anni­ver­saire du TRAM sans rap­pe­ler leurs propres pro­blèmes. Par­mi leurs reven­di­ca­tions, celle de la gra­tui­té des trans­ports pour le per­son­nel méri­te­rait d’être débat­tue et dis­cu­tée plus lar­ge­ment : pour­quoi qu’aux seuls sala­riés de Soléa ? La gra­tui­té des trans­ports ne pour­raient-elles pas être une de ces reven­di­ca­tions ras­sem­blant lar­ge­ment le monde asso­cia­tif et le monde syndical ?

solea

Le 21 mai (2), dans toute l’Alsace et la Moselle, un appel à mani­fes­ter pour la défense du droit local est lan­cé et génère un large front syn­di­cal et poli­tique (à l’exception de Force ouvrière dont nous publie­rons l’analyse dans quelques jours).

Si TOUTES ces ini­tia­tives ne ras­semblent pas TOUTE la popu­la­tion, par­fois même qu’une mino­ri­té, il n’en reste pas moins qu’un malaise assez géné­ral est res­sen­ti. L’ac­cu­mu­la­tion des mécon­ten­te­ments ouvre une pos­si­bi­li­té de réac­tion beau­coup plus large et impor­tante dans notre pays actuel­le­ment… Et c’est peut être cela que le pou­voir craint le plus. Il fau­drait donc étouf­fer tout cela dans l’oeuf. Mais comment?

La vio­lence instrumentalisée

Deux affiches édi­tées par un obs­cur syn­di­cat de la CGT (qui est très très loin de reflé­ter l’o­pi­nion majo­ri­taire au sein de la confé­dé­ra­tion) ont ser­vi de pré­texte soit pour impu­ter aux orga­ni­sa­tions syn­di­cales le choix de moyens vio­lents, soit pour les pré­sen­ter comme inca­pables d’encadrer les mani­fes­ta­tions. Les 300 bles­sés des mili­tants du ser­vice d’ordre de la CGT sont là pour témoi­gner de l’inanité de ces pro­pos. Tout comme la décla­ra­tion de la Fédé­ra­tion CGT de la police: « Un syn­di­cat CGT a déci­dé de publier une affiche cho­quante et pro­vo­cante, n’engageant ni la CGT Police, ni la Confé­dé­ra­tion. La CGT Police comme tous les col­lègues qui effec­tuent leurs mis­sions au ser­vice de la popu­la­tion s’est sen­tie insultée ».

J’ai eu l’occasion de rela­ter dans ces colonnes, la pré­sence de drôles de per­son­nages mas­qués et cagou­lés au sein des groupes d’interventions de la police lors de la mani­fes­ta­tion du 31 mars à Paris. Comme cette manière étrange de « déga­ger » la place de la Répu­blique à Paris alors que Nuit Debout se pas­sait sans trop de pro­blèmes. Encore plus étrange : com­ment la police peut-elle lais­ser les cas­seurs s’organiser en tête de cor­tège et rece­voir des ordres (des témoi­gnages poli­ciers l’attestent) de ne pas inter­ve­nir tout de suite ?

Sans s’aventurer sur le ter­rain de la pro­vo­ca­tion orga­ni­sée, il est indis­cu­table que la vio­lence sert le pou­voir pour déna­tu­rer les mani­fes­ta­tions et ten­ter de dis­sua­der une par­ti­ci­pa­tion plus mas­sive… Et sert les médias à mettre l’accent sur la vio­lence pour amoin­drir la por­tée des rai­sons mêmes de ces mobilisations.

En ce sens et comme dans beau­coup d’autres, les « ultras » sont les meilleures auxi­liaires du pou­voir pour bri­ser les résis­tances et les mobilisations.

Et mal­gré cela…

… une contes­ta­tion sociale s’ancre dans notre pays. Et la récu­pé­ra­tion poli­tique est pour l’instant vouée à l’échec. Alors, est-ce à dire comme le font cer­tains com­men­taires, que cette contes­ta­tion sera sans len­de­main, qu’il faut sif­fler la fin de la partie ?

Si nul ne peut pré­voir la suite immé­diate de ce qui se passe, il reste l’avertissement que de plus en plus de citoyens veulent don­ner aux pou­voirs. Des citoyens de tous hori­zons qu’on ne peut pas abso­lu­ment pla­cer dans des « cases » en fonc­tion de l’actuel échi­quier poli­tique fran­çais. Si la dimen­sion « idéo­lo­gique » du débat peut en souf­frir, un cer­tain prag­ma­tisme cultive l’idée qu’on ne veut plus attendre les len­de­mains qui chantent mais chan­ger le cours des choses ici et main­te­nant. Pas si mal comme perspective…

Michel Mul­ler


fo

Communiqués de presse

Plus de 70% de la popu­la­tion rejettent le pro­jet de Loi El Khom­ri. Sala­riés du public et du pri­vé, jeunes lycéens, étu­diants, pri­vé d’emploi et pré­caires depuis deux mois le disent avec force par péti­tion et dans la rue au cours de nom­breuses manifestations

Ils refusent le déman­tè­le­ment du code du tra­vail, notam­ment par l’inversion de la hié­rar­chie des normes, fai­sant pas­ser les accords d’entreprise avant la loi com­mune. Elle engen­dre­ra une concur­rence ter­rible entre les sala­riés et ouvri­ra la voie aux pires régres­sions sociales. Ce serait un retour en arrière de près d’un siècle, depuis le Front Popu­laire de 1936.

Le gou­ver­ne­ment a d’abord répon­du avec la matraque pour ten­ter de conte­nir la mobi­li­sa­tion. Rien n’y fait !

Main­te­nant il impose l’article 49–3, pour cou­per le débat par­le­men­taire… C’est pour la deuxième fois un coup de force, un déni de démo­cra­tie, un aveu de faiblesse !

Plu­sieurs sec­teurs pro­fes­sion­nels conti­nuent de déve­lop­per des actions, des grèves (che­mi­nots, rou­tiers, éner­gie, chi­mie, construc­tion, aéro­port de Paris, etc.), qui sont autant d’éléments d’appui et de dyna­miques dans la pour­suite, l’amplification et l’élargissement du rap­port de force.

Les orga­ni­sa­tions syn­di­cales, étu­diantes et lycéennes CGT, FO, FSU, Soli­daires, UNEF, UNL, FIDL appellent leurs orga­ni­sa­tions à construire deux nou­velles jour­nées de grèves et mani­fes­ta­tions le mar­di 17 mai et le jeu­di 19 mai pro­chains. Elles n’écartent aucun type d’initiatives pour les semaines à venir, y com­pris une mani­fes­ta­tion nationale.

JEUDI 19 MAI

A MULHOUSE A PARTIR DE 16H  PLACE DE LA BOURSE

A COLMAR A PARTIR DE 17H DEVANT LA GARE DE COLMAR ENTRÉE EST


régime

Défense du régime local

Same­di 21 mai à 10 h

Tous mobi­li­sés

      • à Stras­bourg place Kléber
      • à Mul­house place de la bourse
      • à Metz devant la préfecture

Pour la sau­ve­garde du régime local d’assurance mala­die, la sécu­ri­té sociale d’Alsace-Moselle

Pour défendre un sys­tème soli­daire entre actifs, chô­meurs, inva­lides, retrai­tés et ayant-droits

Contre le déve­lop­pe­ment de la mar­chan­di­sa­tion de la san­té et le cha­cun pour soi.

Le décret du 13 mai 2016 qui vient d’être publié va à l’encontre de nos reven­di­ca­tions d’une coti­sa­tion à la charge de l’employeur et d’une élé­va­tion des pres­ta­tions. Il  laisse  ain­si  per­sis­ter le dan­ger de la dis­pa­ri­tion du régime local. Mais un décret comme une loi ça se change. La prise de conscience gran­dit dans la popu­la­tion, mal­gré la col­lu­sion des par­le­men­taires du PS et des Répu­bli­cains pour jeter le trouble.

Plus de 30 000 signa­tures col­lec­tées à ce jour, plus de 300 muni­ci­pa­li­tés, de nom­breux comi­tés d’entreprises  par l’adoption de la motion du régime local valident nos revendications.

La CGT de la CTS (Com­pa­gnie de Trans­port Stras­bour­geoise) a dépo­sé un pré­avis de grève pour le same­di 21 mai pour défendre le régime local.

Pas un mili­tant, pas un adhé­rent, pas un sym­pa­thi­sant de la CGT ne doit man­quer le same­di 21 mai car conso­li­der et péren­ni­ser le régime local, héri­tage social his­to­rique en Alsace Moselle,  c’est le marche pied per­met­tant l’engagement dans le cadre natio­nal d’une bataille pour conqué­rir une sécu­ri­té sociale uni­ver­selle, unique, soli­daire et démo­cra­tique. A ce titre les affi­liés au régime local  ne sont pas seuls à être concer­nés tous les sala­riés quel que soit leur sta­tut le sont.


gueb

Nuit debout Guebwiller : ça marche ! Et comment !

Le 15 avril 2016, nous avons par­ti­ci­pé à la pre­mière Nuit Debout dans le sud du Haut-Rhin. Envi­ron 80 per­sonnes étaient pré­sentes en face de l’Hô­tel de Ville de Gueb­willer. Après des acco­lades et bon­jour aux têtes mili­tantes connues, un petit quart d’heure d’apartés divers et variés, l’i­ni­tia­tive d’une par­ti­ci­pante per­met la mise en place d’un cercle pour lais­ser place à des échanges plus organisés.

Après quelques hési­ta­tions et regards inter­ro­ga­tifs, une pre­mière per­sonne prend la parole pour expli­quer sa pré­sence. Une seconde enchaîne et au fil des inter­ven­tions sont expri­més les pro­blèmes géné­raux du moment : détri­co­tage des grands acquis sociaux, mal-être géné­ral, perte de confiance envers les ins­ti­tu­tions  (poli­tiques, média­tiques…), néces­si­té de réécrire la consti­tu­tion, volon­té de se réap­pro­prier l’es­pace et l’ex­pres­sion publique. 

C’est un état des lieux de la situa­tion « fran­co-locale » qui s’est esquis­sé au fur et à mesure des inter­ven­tions des dif­fé­rentes per­sonnes pré­sentes ce soir là. Une vraie assem­blée hété­ro­clite était regrou­pée, autant de femmes que d’hommes, une cer­taine pro­por­tion de jeunes était repré­sen­tée pen­dant que cer­tains enfants redé­co­raient à la craie la place de Gueb­willer. Un bâton de parole a été mis en place afin de per­mettre à cha­cun de s’ex­pri­mer. Pas de micro, c’est un bâton qui per­met­tait de gérer la prise de parole. Cette tech­nique a per­mis de libé­rer l’ex­pres­sion de per­sonnes n’ayant pas l’ha­bi­tude de s’ex­pri­mer en groupe ou en public tout simplement. 

Dans la plu­part des assem­blées géné­rales ou confé­rences ce sont les per­sonnes qui ont l’aisance de la parole qui s’ex­priment le plus. Donc mal­gré les hési­ta­tions les per­sonnes déte­nant le bâton de parole pou­vait expri­mer leur point de vue libre­ment sans crainte d’être cou­pées. Nuit Debout apporte sur ce point une cer­taine libé­ra­tion de la parole face à une socié­té où les espaces de dis­cus­sion phy­sique sont de plus en plus res­treints. Ce mou­ve­ment répond à un cer­tain besoin de réap­pro­pria­tion de l’es­pace public. Regrou­per des per­sonnes dif­fé­rentes que ce soit poli­ti­que­ment, socia­le­ment, cultu­rel­le­ment ou encore idéo­lo­gi­que­ment est une ini­tia­tive fort vivi­fiante en ces temps où l’in­di­vi­dua­lisme s’est ins­ti­tué dans notre socié­té. Ce mou­ve­ment est symp­to­ma­tique d’un dys­fonc­tion­ne­ment de nos ins­ti­tu­tions dites démocratiques.

Très rapi­de­ment, le débat s’est enga­gé sur ces ques­tions : faut-il encore aller voter ? Que peut-on encore attendre de la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive actuelle ? Com­ment peut-on encore faire confiance à des repré­sen­tants étant majo­ri­tai­re­ment issus d’un même milieu social et cultu­rel, sou­vent for­ma­tés par le même cur­sus sco­laire et donc cou­pé du monde « réel », c’est à dire les per­sonnes qui font tour­ner « la machine » : arti­sans, ouvriers, ser­vice public… ?

De belles dis­cus­sions ont per­mis de mettre en avant un vrai malaise socié­tal, notam­ment de la part des plus jeunes, mais éga­le­ment de toute une par­tie du groupe, pour les­quels voter ne sert plus à rien, dans l’é­tat actuel, sinon pour faire per­du­rer le sys­tème via ce que l’on appelle le devoir citoyen.

Ceci nous inter­roge sur la ques­tion même de la citoyenneté.

D’autres sujets ont été abor­dés (forte cri­tique des médias, éco­lo­gie, orga­ni­sa­tion admi­nis­tra­tive et légale des mani­fes­ta­tions…), un rap­por­teur s’est spon­ta­né­ment char­gé de réa­li­ser un compte-ren­du de cette pre­mière Nuit Debout et le rdv a été pris pour le ven­dre­di suivant.

C’est avec un enthou­siasme cer­tain que nous avons assis­té à ces dis­cus­sions. Etant enga­gés et sen­sibles à divers mou­ve­ments alter­na­tifs, les thèmes nous étaient déjà fami­liers mais avons beau­coup appré­cié cette volon­té de reprendre en main du pou­voir sur nos vies, nos existences.

Nuit Debout pour­rait deve­nir le moteur d’un grand mou­ve­ment de prise de conscience et de déso­béis­sance civile vis à vis d’une tech­no-struc­ture qui nous dirige sans nous écou­ter et sur­tout sans tenir compte de l’in­té­rêt général.

En guise de conclu­sion, c’est une boîte à idée qui nous est venue à l’es­prit pour le mou­ve­ment Nuit Debout :

- essai­mer en mul­tiples groupes locaux coor­don­nés entre eux

- agir loca­le­ment mais de façon directe

- agir dans la convi­via­li­té pour réen­chan­ter la réflexion et l’action

- faire la pro­mo­tion des médias alternatifs

- don­ner envie aux gens de réflé­chir par eux-même, de cher­cher l’information

- éveiller les consciences

- mettre en pra­tique une édu­ca­tion populaire

- don­ner la parole à tout le monde

- don­ner envie aux gens de s’en­ga­ger dans des associations

- entre­voir les mul­tiples pos­si­bi­li­tés d’actions

- consti­tu­tion de groupes d’ob­jec­teurs de croissance

- RALENTIR : avec inter­net il faut aller tou­jours plus vite, du coup plus le temps réflé­chir, Nuit Debout pour­rait per­mettre d’être fédé­ra­teur de ce type de pensée

Et pour ter­mi­ner, nous avons une pen­sée pour notre ami Siné, grand pour­fen­deur de cons jus­qu’à ses 87 ans, pre­nons exemple sur ces per­sonnes pour conti­nuer nos luttes.

Mathieu, Nor­bert et Jérôme