Qui peut nier que nous sommes dans une bataille des idées qui s’intensifie au fur et à mesure du développement de la lutte contre la loi Travail et plus généralement contre la politique économique et sociale du gouvernement?

Presque tous les médias nationaux et régionaux, la télévision publique et privée, les moyens radiophoniques, sont mobilisés pour tenter de retourner une opinion publique aujourd’hui majoritairement en faveur du retrait de la loi Travail et qui considère le gouvernement comme le responsable de la situation sociale.
L’intensité de la bataille des idées est au niveau des enjeux de cette lutte sociale. 
Quasi existentiel pour ce régime  le combat social révèle crûment que les tenants du pouvoir économique et politique veulent imposer aux populations une durable, irréversible et inique répartition des richesses.
Mais les résistances croissent et touchent de nombreuses couches d’une population qui sait qu’il n’y a pas d’arrêt sur la pente de l’acceptation des régressions sociales.
Le mouvement citoyen dans sa diversité des expressions politiques et surtout des organisations syndicales – au premier rang desquelles la CGT et FO – porte ces aspirations populaires.
La « croisade » menée par le gouvernement et les milieux d’affaires mobilise toutes les plumes serviles qui partagent leurs objectifs. Et tous les moyens sont bons.
Ces derniers mois nous en avons vu, lu et entendu plus que de raison de ces arguments qui confinent très souvent à l’indigence – voire à l’escroquerie intellectuelle ou au mensonge pur et simple.
On ne peut négliger l’impact de telles campagnes : l’histoire regorge d’exemples d’opinions publiques retournées après une intense campagne de presse.
Dans cette bataille, l’argumentaire est fondamental car nous avons affaire à des citoyennes et citoyens en mesure de comprendre et de partager des analyses qui correspondent à leurs vécus et leurs attentes. Encore faut-il que les arguments du camp de la mobilisation soient à cette hauteur.
La CGT et les autres organisations du camp de la raison ont su gérer une campagne médiatique dans laquelle elles essuient quolibets et insultes en gardant la tête froide et le verbe juste.
L’opinion publique salue, à sa manière, cette attitude et continue pour l’heure, malgré les gênes apportées à ses conditions de vie au quotidien, à soutenir le retrait de cette loi .
Elle continue de considérer que le gouvernement est le principal responsable de cette impasse démocratique et que les régressions sociales pourraient ne pas avoir de limite dans un environnement mondialisé et financiarisé.
Dans ce contexte, pourquoi l’erreur de faire aux adversaires un cadeau de choix comme celui de bloquer la presse nationale, si elle refusait de publier un communiqué signé de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT ?
Ainsi Laurent Joffrin (Libération) et Nicolas Beytout (L’Opinion) plus tous les autres s’en sont donnés à cœur joie pour se refaire une virginité éditoriale qu’ils ont perdue puisque leurs lecteurs les abandonnent de jour en jour.
La CGT n’avait aucun besoin d’« imposer » un communiqué : elle est au centre du débat et ses dirigeants et ses militants occupent la scène médiatique mais surtout le terrain social et c’est cela qui importe.
Jamais Philippe Martinez n’a demandé à une organisation de faire « passer un communiqué » sous la menace d’une grève.
Et si un seul journal national, L’Humanité, a publié ce communiqué dans ces conditions, il a d’abord satisfait aux exigences prioritaires d’information des citoyens, de soutien aux salariés en lutte, fidèle à ses engagements et à ses valeurs de média responsable.
Essayer d’imposer à une presse dite « libre » (mais qui appartient en quasi totalité à une dizaine de milliardaires) la publication de ce communiqué du secrétaire général de la CGT fut donc une erreur, voire une faute .
Espérons-la sans conséquence trop néfaste pour la noble cause que représente la lutte contre cette loi rétrograde, tellement impopulaire et si grosse d’autres régressions sociétales.
Mais quand Pierre Gattaz en profite pour se draper du voile blanc du défenseur des droits démocratiques menacés, évoque la dictature stalinienne, accuse les syndicats C.G.T de se comporter « un peu comme des voyous, comme des terroristes », agite la menace d’une Union soviétique pourtant à jamais disparue de la planète, on n’est plus dans la bataille des idées, dans l’erreur ou la faute politique. On entre dans la calomnie et la diffamation pure et simple.
Écoutons plutôt Madame Camille Senon, 93 ans, rescapée du massacre d’Oradour-sur-Glane en 1944, qui vient de refuser d’être élevée au rang de commandeur de l’Ordre national du mérite par Manuel Valls en solidarité avec « les luttes menées depuis deux mois par les salariés, les jeunes, une majorité de députés et de Français contre la loi travail que vous venez d’imposer par le 49–3″.
« Accepter cette distinction dans le contexte de ce mouvement social serait renier toute ma vie militante pour plus de justice, de solidarité, de liberté, de fraternité et de paix » lui a‑t-elle écrit.
C’est qu’on est là dans le domaine des valeurs. Et elles sont du côté de ceux qui ont pu se tromper cette fois dans leur communication, mais qui ont raison dans leur lutte digne et responsable.
Christian Rubechi