« Les organisations syndicales de salarié-e‑s et de jeunesse CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF et FAFPT appellent les salarié-e‑s, privé-e‑s d’emploi, étudiant-e‑s, lycéen-ne‑s, retraité-e‑s à se mobiliser massivement et à participer à la manifestation organisée à Mulhouse à partir de 14h30, place de la Bourse et à Strasbourg à 14 h, place Kléber,  pour obtenir l’abrogation de cette loi et conquérir de nouvelles garanties et protections collectives. »

Voi­là en sub­stance, la teneur de l’appel lan­cé le 5 sep­tembre par les orga­ni­sa­tions qui ne désarment pas pour mettre en échec la loi « Travail ».

Est-il pos­sible de relan­cer une mobi­li­sa­tion qui a été forte durant les six pre­miers mois de l’année. La loi étant votée, les sala­riés vont-ils ava­ler la pilule et attendre les élec­tions pour se faire rap­pe­ler au bon sou­ve­nir du pré­sident et de son pre­mier ministre ?

CGT et FO : ça tient !

Sans évi­dem­ment négli­ger les autres orga­ni­sa­tions, la conver­gence entre CGT et FO était scru­tée de près pour savoir si elle allait tenir au-delà de l’adoption de la loi. La par­ti­ci­pa­tion conjointe de Jean-Claude Mailly (FO) et Phi­lippe Mar­ti­nez au forum social de la Fête de l’Humanité et sur­tout leurs décla­ra­tions res­pec­tives sont des signes posi­tifs : les deux orga­ni­sa­tions tout en culti­vant leurs dif­fé­rences ne font pas état de différents !

A court terme, disent-ils de concert, il s’agit d’obtenir l’abrogation de la loi tra­vail. L’appel à mani­fes­ter n’est pas le seul recours, elles veulent éga­le­ment mul­ti­plier les recours juridiques.

En effet, contrai­re­ment aux affir­ma­tions de M. Valls, le Conseil consti­tu­tion­nel n’a pas vali­dé la loi. Il n’a exa­mi­né que cinq articles, rela­ti­ve­ment « mineurs » au demeu­rant, ain­si que la pro­cé­dure d’adoption de la loi. Les points fon­da­men­taux, à com­men­cer par la pri­mau­té accor­dée à l’accord d’entreprise concer­nant le licen­cie­ment éco­no­mique n’ont pas encore été étu­dié et les syn­di­cats contestent la consti­tu­tion­na­li­té de ces articles. D’autres points, comme le réfé­ren­dum d’entreprise, semble bien aller à l’encontre des conven­tions de l’OIT (Orga­ni­sa­tion inter­na­tio­nale du tra­vail) : là aus­si les orga­ni­sa­tions syn­di­cales vont faire les recours néces­saires auprès de l’organisation à Genève.

Ne pas en res­ter à une stra­té­gie défensive

L’affiche édi­tée par la CGT pour le 15 sep­tembre évoque le retrait de la loi Tra­vail par­mi de nom­breuses autres reven­di­ca­tions, dont la réduc­tion du temps de tra­vail heb­do­ma­daire à 32 h. On pour­rait croire que la cen­trale syn­di­cale craint que la seule oppo­si­tion à la loi ne suf­fise plus pour réus­sir les actions et qu’il faille donc mul­ti­plier les objec­tifs. Une récente inter­view de Phi­lippe Mar­ti­nez dans l’Humanité Dimanche, per­met de mieux mesu­rer la stra­té­gie de la CGT et sa volon­té de conti­nuer à pro­mou­voir le « syn­di­ca­lisme rassemblé ».

Nous entrons dans une période pré­élec­to­rale en vue des pré­si­den­tielles d’avril et mai 2017… Les affaires socié­tales (bur­ki­ni entre autres) sont mon­tées en épingle pour élu­der les pro­blèmes éco­no­miques et sociaux. Tous les can­di­dats de droite se sentent d’ailleurs légi­ti­mer pour aggra­ver encore la situa­tion sociale en fai­sant de la sur­en­chère dans le déman­tè­le­ment des droits. Mais le pré­sident sor­tant ne peut se démar­quer des pré­ten­dants de droite, lui qui a com­men­cé à détri­co­ter le code du tra­vail comme aucun autre pré­sident avant lui n’a osé le faire.

La CGT compte donc bien mettre la ques­tion sociale au centre des débats, entre autres avec sa pro­po­si­tion d’un « code du tra­vail du 21e siècle ». L’objectif est louable, il n’est pas pour autant facile à atteindre.

Si l’Europe syn­di­cale s’y mettait…

Une majo­ri­té de Fran­çais ne veut pas de ce recul social : est-elle prête néan­moins à ne plus croire que le seul vote aux pré­si­den­tielles peut l’empêcher et qu’une mobi­li­sa­tion sociale est indis­pen­sable ? Les orga­ni­sa­tions syn­di­cales ont du mal à rendre cré­dibles leurs pro­po­si­tions alter­na­tives, d’autant plus que la qua­si-tota­li­té des médias font cam­pagne sur « cela est dur, mais il n’y a pas d’autres alternatives »…

Le gou­ver­ne­ment a ten­té en usant de mul­tiples ficelles, d’affaiblir les syn­di­cats qui contestent sa loi. Jusqu’à auto­ri­ser le licen­cie­ment de mili­tants CGT que pour­tant l’inspection du tra­vail avait refu­sé ! Petite mes­qui­ne­rie mais vrai drame pour les femmes et hommes qui en sont les victimes.

Ten­ta­tive aus­si de bri­ser le front uni, sans réus­site pour l’instant. Essai éga­le­ment de faire pas­ser les syn­di­cats contes­ta­taires comme des « dino­saures » iso­lés du mou­ve­ment syn­di­cale inter­na­tio­nal qui, lui, accep­te­rait les sacrifices.

Or, les choses bougent éga­le­ment de ce côté : le gou­ver­ne­ment libé­ral belge veut impo­ser une loi Tra­vail simi­laire à celle de Mme El Khom­ri. Les puis­sants syn­di­cats belges se lèvent contre cette ten­ta­tive et ont com­men­cé à mani­fes­ter. D’autres dérè­gle­men­ta­tions des lois du Tra­vail sont en cours dans d’autres pays euro­péens : les syn­di­cats belges sou­haitent la mise en œuvre d’actions com­munes avec les syn­di­cats fran­çais dans un pre­mier temps.

Cette mobi­li­sa­tion qui tend vers le « glo­bal » peut-elle favo­ri­ser l’action locale ? En tout cas, cela ne peut pas lui nuire. Voyons le résul­tat du 15 sep­tembre… et nous en reparlerons….

Et nous sau­rons s’il faut ponc­tuer « ça repart » avec un ! ou un ?…

Michel Mul­ler