P. Richert, F. Bier­ry et E. Strau­mann n’osent pas regar­der la réa­li­té en face. A l’in­su de leur plein gré, ils par­ti­cipent au siphon­nage des caisses publiques, vidées pour rem­plir les coffres de la finance. Ci-des­sous, un petit aper­çu de leurs exploits récents, du même aca­bit que ceux de leurs homo­logues, par­tout en France, qui contri­buent plus ou moins consciem­ment à impo­ser une logique aus­té­ri­taire et une répar­ti­tion des richesses de plus en plus inéga­li­taire. La cam­pagne élec­to­rale qui s’ouvre, et à laquelle ils ont déjà com­men­cé à par­ti­ci­per, n’au­gure rien de bon, à moins d’y intro­duire un détour­ne­ment sub­ver­sif dont l’is­sue serait incer­taine. Mais on en connait qui essaie­ront quand même.

En qua­si faillite

Les deux patrons des dépar­te­ments du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, F. Bier­ry et E. Strau­mann, en font des tonnes en ce moment. Avec la même fré­né­sie qu’il y a quelques mois lors­qu’ils se sont atta­qués à l’hé­ber­ge­ment d’ur­gence et aux allo­ca­taires du RSA, ils se sont inves­tis ces jours-ci dans la « semaine de mobi­li­sa­tion des dépar­te­ments de France ». Lors d’une confé­rence de presse offen­sive le 15 sep­tembre der­nier, ils n’ont pas seule­ment défen­du les dépar­te­ments mena­cés de dis­pa­ri­tion, ils ont, une fois de plus, récla­mé du pognon.

C’est banal et répé­ti­tif. Tous les lea­ders et élus de toutes les col­lec­ti­vi­tés locales l’ont déjà mar­te­lé à diverses occa­sions : on n’a plus de sous ! Après des refus caté­go­riques, tou­ché par leurs sup­pliques, Hol­lande a fini par concé­der en juin der­nier aux maires réunis pour le congrès de l’AMF (Asso­cia­tion des Maires de France) un allè­ge­ment de l’ef­fort deman­dé : la dimi­nu­tion des dota­tions éta­tiques sera moindre pour les com­munes. Une conces­sion alam­bi­quée, typi­que­ment pré-élec­to­rale, à laquelle peuvent s’at­tendre l’en­semble des pré­si­dents des dépar­te­ments, pour peu qu’ils orga­nisent leur raout avec le même allant que les deux Alsaciens.

De ce point de vue, c’est bien par­ti : la bataille des com­mu­ni­qués et des inter­pel­la­tions fait rage. Une qua­ran­taine de dépar­te­ments ont annon­cé être en qua­si faillite. Ils se feront hara-kiri ?! Chiche !

Que voi­là de « bons gestionnaires » !…

S’ils attendent tous une réduc­tion… de la réduc­tion des dota­tions de L’État, la plu­part d’entre eux ont déjà pris cou­ra­geu­se­ment d’autres mesures.

En « bons ges­tion­naires », eurê­ka !, ils ont eu tout de suite une idée géniale : « faire des choix » en matière de poli­tique sociale. En clair, tailler dans les bud­gets sociaux. Pour ral­lier à leurs objec­tifs la par­tie la plus rétro­grade de l’o­pi­nion, cer­tains n’ont pas hési­té à mener une cam­pagne de stig­ma­ti­sa­tion des allo­ca­taires du RSA. Une façon de faire où E. Strau­mann s’est par­ti­cu­liè­re­ment dis­tin­gué (voir l’ar­ticle : Labeur du pauvre : Le conseil dépar­te­men­tal du Haut-Rhin œuvre pour le lar­bi­nat (février 2016)).

En « bons ges­tion­naires », ils ont su s’at­ta­quer aux ser­vices publics, comme les trans­ports sco­laires. Le rétré­cis­se­ment du champ de la gra­tui­té et la hausse des tarifs ont été au pro­gramme de cette ren­trée. Sans sus­ci­ter beau­coup de réac­tions pour l’ins­tant, hélas (voir l’ar­ticle : Trans­port sco­laire : des dingues au volant écra­bouillent la gra­tui­té (sep­tembre 2016)).

F. Bier­ry, dans le Bas-Rhin, a mon­tré l’exemple : sup­pres­sion de la gra­tui­té pour les col­lé­giens qui en béné­fi­ciaient encore et hausse du tarif pour les lycéens. La route est tra­cée ; on se dirige vers de nou­velles régres­sions qui s’im­po­se­ront plus tard dans tous les dépar­te­ments du Grand Est sous la conduite de P. Richert. Mais pas avant que soit pas­sé le cap des élec­tions de 2017, quand même.

S’il a main­te­nu la gra­tui­té dans le Haut-Rhin à la ren­trée 2016 pour le trans­port des col­lé­giens qui n’ha­bitent pas dans les zones urbaines de Col­mar et Mulhouse(1), E. Strau­mann s’est par contre atta­qué au ser­vice dépar­te­men­tal d’in­cen­die et de secours (SDIS).pompier68encolere Mais, là, les pom­piers se sont rebif­fés, au point que le pré­sident du CD 68 a fait mine de recu­ler. Un syn­di­ca­liste CGT du SDIS s’est dit extrê­me­ment méfiant. On le com­prend. Un « bon ges­tion­naire » comme E. Strau­mann ne va pas recu­ler, comme cela, sans s’in­quié­ter à nou­veau, à un moment ou à un autre, de la gra­vi­té de la situa­tion budgétaire.

En « bons ges­tion­naires », tou­jours, la plu­part des élus ont son­gé à dimi­nuer la masse sala­riale des agents ter­ri­to­riaux ou/et à aug­men­ter les impôts. Avec un bon­heur variable, il est vrai : fort de son sta­tut de pré­sident de l’as­so­cia­tion des régions de France (l’ARF), P. Richert a cru pou­voir se mon­trer encore plus ima­gi­na­tif et auda­cieux que d’autres, en négo­ciant car­ré­ment un nou­vel impôt en faveur des régions avec le Pre­mier ministre. Mais, incom­pris, M. Valls et lui ont dû rem­bal­ler leur trou­vaille fis­cale. On peut leur faire confiance pour trou­ver autre chose et l’an­non­cer, par exemple, lors du pro­chain congrès de l’ARF qui va se tenir à Reims le 29 sep­tembre pro­chain en pré­sence, jus­te­ment, du Pre­mier ministre.

richertvallsL’ARF va-t-elle béné­fi­cier des mêmes « avan­tages » que l’AMF ? Ou aura-t-on recours à des fonds euro­péens ? Ou au « crowd­fun­ding » ? C’est très ten­dance actuel­le­ment et par­fai­te­ment com­pa­tible avec les choix de nos « bons ges­tion­naires » qui font appel à des spon­sors pour l’or­ga­ni­sa­tion de la sau­te­rie rémoise du 29 sep­tembre. Par­mi ces « par­te­naires », il y a bien sûr l’in­con­tour­nable Cré­dit Mutuel. Et son nou­veau pré­sident, Nico­las Thé­ry, est sol­li­ci­té pour faire connaître ses ini­tia­tives en matière de créa­tion d’emplois à tra­vers un témoi­gnage vidéo. Mais pas encore pour faire une confé­rence sur le bon usage des para­dis fis­caux… (voir l’ar­ticle : Sa Sain­te­té le Cré­dit Mutuel est déjà au para­dis (février 2015)).

En « bons ges­tion­naires », encore, dotés en plus d’un sens aigu des res­pon­sa­bi­li­tés, ils admettent tous qu’il est de leur devoir de par­ti­ci­per à « l’ef­fort de redres­se­ment » du pays. Ce qu’ils demandent au gou­ver­ne­ment, par contre, c’est de payer moins et l’au­to­ri­sa­tion d’é­ta­ler davan­tage leur « effort » contri­bu­tif dans le temps. 

qui se muent en masos austéritaires

Mais, en « bons ges­tion­naires » for­ma­tés au libé­ra­lisme, ils sont prêts à des « sacri­fices ». Quitte à adop­ter les mêmes pra­tiques que celles qu’ils reprochent au gou­ver­ne­ment, en restrei­gnant les dota­tions, redis­tri­bu­tions et finan­ce­ments. Quitte à s’en­ga­ger, ce fai­sant, dans une spi­rale réces­sive où la baisse des inves­tis­se­ments locaux pro­vo­que­ra inévi­ta­ble­ment une hausse du chô­mage local. Et les obli­ge­ra à repor­ter ou à annu­ler défi­ni­ti­ve­ment la réa­li­sa­tion d’ob­jec­tifs sociaux et envi­ron­ne­men­taux pour­tant urgents.

On ne peut pas sup­po­ser qu’au fond d’eux-mêmes ils se réjouissent vrai­ment de ces enchaî­ne­ments éco­no­miques et de leurs fâcheuses consé­quences. Non, il est fort pro­bable qu’ils en souffrent, ne serait-ce qu’à cause du risque sérieux d’une dégra­da­tion de leur popu­la­ri­té qui pour­rait en découler…

Mais, nos « bons ges­tion­naires », par confort de car­rière et atta­che­ment idéo­lo­gique, ne par­viennent pas, ou ne savent pas, résis­ter aux pres­sions et menaces du contexte qui les trans­forment petit à petit en masos aus­té­ri­taires plus ou moins assumés.

Comme sys­tème d’(auto)défense, il ne leur reste alors que la mise en accu­sa­tion du som­met dans la pyramarton854ide du pou­voir. Une mise en accu­sa­tion d’au­tant plus aisée que le déci­deur du des­sus est répu­té faire par­tie du camp poli­tique adverse, bien que fai­sant des choix iden­tiques. Ce récon­fort psy­chique qu’ap­porte la dési­gna­tion d’un bouc émis­saire, les quelques socia­listes qui sont res­tés aujourd’­hui pro-gou­ver­ne­men­taux ne peuvent même pas se l’of­frir ! Ayez une pen­sée pour ces malheureux…

Une idéo­lo­gie domi­nante com­pli­quée et mutilante

C’est com­pli­qué, le fonc­tion­ne­ment de l’i­déo­lo­gie domi­nante. Quelques rares élus semblent être capables d’é­chap­per à son emprise, au moins par­tiel­le­ment. Comme le montre l’exemple du ministre des finances du Land de Rhé­na­nie du Nord-West­pha­lie, Nor­bert Wal­ter-Bor­jans, qui a réus­si à faire entrer plus de 2 mil­liards d’eu­ros dans les caisses publiques de sa région et le triple dans les caisses de l’E­tat alle­mand en s’at­ta­quant, lui, aux frau­deurs fis­caux.

Sa per­for­mance, réa­li­sée en s’é­car­tant un peu des voies habi­tuel­le­ment emprun­tées par les libé­raux éche­ve­lés, a rap­por­té des sommes plus que suf­fi­santes pour sor­tir de la logique aus­té­ri­taire. Et encore, il sem­ble­rait que les règles alle­mandes l’ont obli­gé à se mon­trer timo­ré dans sa volon­té de récu­pé­ra­tion des sommes volées aux contribuables. 

Ima­gi­nezwalterborjans le trio Richert, Bier­ry, Strau­mann idéo­lo­gi­que­ment aus­si éman­ci­pé et lucide qu’un Nor­bert Wal­ter-Bor­jans. Ils pour­raient faire des mer­veilles, les bougres, rien qu’en uti­li­sant les don­nées que le ministre de Rhé­na­nie du Nord-West­pha­lie a déni­chées au Luxem­bourg et a géné­reu­se­ment redis­tri­buées à tra­vers l’Eu­rope. Un fichier infor­ma­tique de 42 540 don­nées a ain­si atter­ri sur le bureau de M. Sapin. Croyez-vous que nos élus ont eu (ou auront) le cou­rage de (se) poser des ques­tions et de cher­cher à en savoir plus sur les frau­deurs locaux ?… (voir l’ar­ticle : En Alsace, des élus locaux téta­ni­sés face aux délin­quants fis­caux (août 2016)).

Ne par­lons pas de M. Sapin lui-même qui a char­gé la grande presse de popu­la­ri­ser ses pro­pos fal­la­cieux qui visent à faire croire qu’il com­bat sérieu­se­ment la fraude fis­cale (voir, par exemple, les quo­ti­diens alsa­ciens du jeu­di 15 sep­tembre 2016). Pour vous faire une idée de la réa­li­té de l’ac­tion de M. Sapin et de son minis­tère, lisez plu­tôt un article signé Eva Joly : « Pour en finir avec l’im­pu­ni­té fis­cale » paru dans le Monde Diplo­ma­tique de juin 2016.

L’é­quipe de L’Alterpresse68, qui a ren­con­tré Eric Strau­mann en avril der­nier (voir l’ar­ticle Eric Strau­mann – Une entre­vue exclu­sive (avril 2016)), a eu l’oc­ca­sion d’é­va­luer le péri­mètre étri­qué dans lequel le pré­sident du dépar­te­ment du Haut-Rhin s’au­to­rise à manœu­vrer : lors­qu’au cours de l’in­ter­view il a été ques­tion de la réduc­tion de la dota­tion de l’E­tat aux col­lec­ti­vi­tés locales, il s’est immé­dia­te­ment recro­que­villé sur sa « base fis­cale, le bâti sur le ter­ri­toire », s’empressant d’a­jou­ter que l’é­va­sion fis­cale « n’a rien à voir avec l’en­jeu dont [vous par­lez] ». Il faut se rendre à l’é­vi­dence : ce n’est pas demain qu’E­ric s’ins­pi­re­ra des har­diesses de Norbert.

Plus dérou­tant : au moment de dette_5000l’é­vo­ca­tion par L’Alterpresse68 de l’hy­po­thèse d’une annu­la­tion des dettes publiques illé­gi­times, Eric Strau­mann s’est affo­lé en voyant immé­dia­te­ment sur­gir « une guerre » à l’ho­ri­zon. Rien de moins. Une « guerre » qui se serait pro­duite « si en 2008 Sar­ko­zy n’avait pas sau­vé le sys­tème ban­caire ».

Bref, faut pas jouer avec ça ! Mieux vaut s’en prendre aux allo­ca­taires du RSA(2), ils ne seront jamais aus­si dan­ge­reux que les ban­quiers. Mieux vaut ne pas être au cou­rant de l’exis­tence d’emprunts toxiques dans les comptes du département(3). Cela vous évite d’a­voir à affron­ter, ne serait-ce qu’en pen­sée, les escrocs ban­caires qui ont arna­qué la collectivité.

Mieux vaut ne pas par­ler non plus de ces toxiques que la banque Dexia a réus­si à glis­ser en quan­ti­té non négli­geable dans les comptes du SDIS du Haut-Rhin en 2004 et 2007. Mieux vaut cacher les consé­quences bud­gé­taires de la lourde dette du SDIS 68 et ne sur­tout rien dire de ce que peuvent être les exi­gences finan­cières d’une banque de contre­par­tie comme la Gold­man Sachs qui s’est immis­cée dans le contrat de l’emprunt de 2007.

servicepublicsdisLe silence est de rigueur, avec l’es­poir que les sapeurs-pom­piers en lutte n’au­ront pas l’oc­ca­sion de prendre connais­sance de cer­taines don­nées bud­gé­taires, et que la popu­la­tion ne se ren­dra pas compte qu’aux yeux des diri­geants du dépar­te­ment la sécu­ri­té et la qua­li­té d’un ser­vice public aus­si vital que celui du SDIS comptent moins que les exi­gences de Gold­man Sachs et d’autres créan­ciers voyous. Aux­quels on ne peut rien refu­ser, n’est-ce pas ?!

Pour P. Richert, une seule solu­tion : la dissimulation

En matière de ges­tion des dettes publiques, P. Richert, lui, n’a trou­vé qu’une solu­tion : la dissimulation.

Si les pro­cé­dés qu’il a uti­li­sés n’ont pas tou­jours été très sub­tils, ils sont res­tés suf­fi­sam­ment effi­caces face à une « oppo­si­tion » au Conseil Régio­nal d’Al­sace qui n’a jamais posé beau­coup de ques­tions sur le sujet.

Trois occa­sions ont per­mis de lever un peu le voile : 1) La publi­ca­tion en 2013 d’un rap­port de la Chambre Régio­nale des Comptes d’Al­sace fai­sant état d’une pré­sence forte de toxiques, dans une dette glo­bale impor­tante, par­tiel­le­ment camou­flée der­rière un cré­dit-bail contrac­té pour l’a­chat de maté­riel fer­ro­viaire. 2) L’au­di­tion en décembre 2011 de P. Richert – qui exer­çait alors sous Sar­ko­zy les fonc­tions de ministre des col­lec­ti­vi­tés locales – par la com­mis­sion par­le­men­taire, dite Bar­to­lone, créée pour ten­ter de situer les res­pon­sa­bi­li­tés dans le scan­dale des emprunts toxiques qui com­men­çait à faire du bruit et des dégâts dans les bud­gets des com­munes et des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales. 3) La publi­ca­tion en sep­tembre 2011 dans le quo­ti­dien « Libé­ra­tion » d’une carte de France des toxiques dres­sée à par­tir d’un lis­ting de la banque Dexia qui a fuité.

Lors de son audi­tion par la com­mis­sion Bar­to­lone en 2011, P. Richert, mis en dif­fi­cul­té par les par­le­men­taires qui le ques­tion­naient, a fait quelques aveux sur les toxiques de la région Alsace et n’a pas su dis­si­mu­ler sa pro­pen­sion à défendre les ban­quiers. On le voit mal, aujourd’­hui, se mobi­li­ser pour les atta­quer dans leur rôle de com­plices des frau­deurs fis­caux, comme le fait avec déter­mi­na­tion Nor­bert Walter-Borjans.

Pour le pré­sident du Grand Est, dis­cré­tion et dis­si­mu­la­tion vont de pair. Il a réus­si l’es­ca­mo­tage par­tiel de la dette de la région Alsace en la noyant dans celle de la grande région. Et ce, aux dépens des régions qui ne l’ont pas contrac­tée : la Lor­raine et sur­tout la Cham­pagne-Ardenne vont trinquer(4).

Dis­cret sur les dettes publiques et sur ce qu’elles coûtent au contri­buable, il ne va pas repro­cher aux frau­deurs d’être dis­crets sur les sommes qu’ils ont plan­quées pour échap­per au fisc. Chef d’or­chestre de cette sym­pho­nie du silence en vol majeur : le sys­tème ban­caire, qui ramasse la mise en empo­chant les inté­rêts des dettes publiques ain­si que les péna­li­tés exor­bi­tantes ver­sées par des élus résignés(5) suite au vote, en 2014, d’une amnis­tie rela­tive aux escro­que­ries com­mises par les banques qui ont four­gué les toxiques aux col­lec­ti­vi­tés. Un sys­tème ban­caire qui encaisse éga­le­ment les « récom­penses » que leur accordent les frau­deurs fis­caux qui ont béné­fi­cié de ses ser­vices et de ses tech­niques de camou­flage dans les para­dis fiscaux.

S’a­gis­sant encore de P. Richert, tout porte à croire qu’il a accep­té, comme les élus mulhousiens(5), et pro­ba­ble­ment à la même époque, de ver­ser une forte ran­çon à des banques de contre­par­tie (très cer­tai­ne­ment la Deutsche Bank et JP Mor­gan) en embus­cade au mojpmorganment de la trans­for­ma­tion (offi­ciel­le­ment appe­lée « sécu­ri­sa­tion »!…) des toxiques pré­sents dans les comptes de la Région Alsace. Comme à Mul­house, le paie­ment de cette ran­çon a sans doute pro­vo­qué la dis­pa­ri­tion de plu­sieurs dizaines de mil­lions d’eu­ros des caisses de la région Alsace qui se sont retrou­vés dans les coffres des banques.

Si une oppo­si­tion digne de ce nom avait exis­té au conseil Régio­nal d’Al­sace, elle aurait ren­du publics les faits et les chiffres exacts. Et au moment de la cam­pagne élec­to­rale des régio­nales fin 2015 la plu­part des élec­teurs de Lor­raine et de Cham­pagne-Ardenne auraient pu être mis en garde(4) : ils vont devoir, comme les Alsa­ciens, com­bler un trou de plu­sieurs dizaines de mil­lions d’eu­ros, creu­sé avant la consti­tu­tion de la grande région pour payer une ran­çon. Comme quoi l’ef­fi­ca­ci­té des tech­niques de dis­si­mu­la­tion de P. Richert ne dépendent pas seule­ment de son habi­le­té. L’i­ner­tie (ou l’i­gno­rance ?) de ses « oppo­sants » lui a bien faci­li­té la tâche.

Aujourd’­hui, le site inter­net de la région Grand Est est aus­si opaque que l’é­tait celui de la région Alsace… Qui pro­teste ?… En tout cas L’Alterpresse68 se ferait un plai­sir de recueillir et de publier des ren­sei­gne­ments ou/et des élé­ments bud­gé­taires que pour­rait lui four­nir un inter­naute du Grand Est pour infir­mer ou confir­mer les hypo­thèses émises ci-des­sus !… Car il est dif­fi­cile de comp­ter pour ce faire sur la « nou­velle » oppo­si­tion à P. Richert dans l’as­sem­blée du Grand Est…

Agir au lieu d’élire

Ce qui pré­oc­cupe tout ce beau monde, bien plus que les effets délé­tères de leurs choix aus­té­ri­taires, c’est la proxi­mi­té de l’an 2017 avec ses élec­tions consi­dé­rées comme « déci­sives ». Les membres du trio Richert, Bier­ry, Strau­mann ont déjà choi­si leur écu­rie pré­si­den­tielle dans le cadre des pri­maires de la droite (voir l’ar­ticle de Rue89-Stras­bourg : Pré­si­den­tielle : en Alsace, qui sou­tient qui à la pri­maire de la droite ?). P. Richert a « choi­si » Sarkozy(6), tan­dis que F. Bier­ry et E. Strau­mann en pincent pour Bru­no Le Maire.

S’il est un domaine où l’i­déo­lo­gie domi­nante sub­jugue les esprits, c’est bien celui des élec­tions. Pas seule­ment chez les can­di­dats, qua­si­ment tous fas­ci­nés par le pou­voir, y com­pris quand ils savent n’a­voir aucune chance d’y accé­der. Mais aus­si chez les « citoyens » qui se contentent sans trop rechi­gner du rôle qui leur est attri­bué, celui d’é­lec­teurs qui délèguent.

Peut-être que les par­ti­cu­la­ri­tés du contexte poli­tique actuel, avec des « élites » à bout de souffle et décré­di­bi­li­sées, per­met­tront, mieux que lors des pré­cé­dents épi­sodes élec­to­raux, de rendre davan­tage per­cep­tibles et iden­ti­fiables les forces qui neu­tra­lisent toute vel­léi­té de chan­ge­ment de cap. Ce serait au moins un début de prise de conscience.

Mais l’es­poir d’une sub­ver­sion reste mince. Si ces pro­chains mois nous devions vivre des temps ordi­naires, c’est à dire sans lutte d’am­pleur signi­fi­ca­tive, on ne pour­ra, une fois de plus, que faire le constat de la puis­sance de coer­ci­tion consi­dé­rable du sys­tème et de ses appa­reils idéologiques.

Elle pour­ra se mesu­rer au nombre de ceux qui, comme par le pas­sé, vont s’illu­sion­ner sur la capa­ci­té des élus issus des pro­chaines élec­tions pré­si­den­tielles et légis­la­tives à se débar­ras­ser des bou­lets qu’ils trimbalent.

Aux­quels il fau­dra ajou­ter tous ceux qui ne voient que des avan­tages aux attaches idéo­lo­giques du trio Richert-Bier­ry-Strau­mann – pour reprendre l’exemple ci-des­sus -, là où les pro­gres­sistes voient des « boulets » !…

Aux­quels il fau­dra ajou­ter encore tous ceux qui recher­che­ront la « solu­tion la moins pire » (contre le FN), pri­son­niers du cadre élec­to­ral qu’ils n’osent pas ou qu’ils n’i­ma­ginent pas pou­voir dépasser.

Aux­quels il fau­drait ajou­ter éga­le­ment ceux qui croi­ront pou­voir échap­per aux contra­dic­tions et aux affres de la situa­tion en s’abs­te­nant. En s’au­to-per­sua­dant, par­fois, que l’abs­ten­tion qu’ils pra­tiquent est « révolutionnaire »…

Aux­quels il fau­dra ajouter …

Tout le monde connaît la for­mule : « les pro­messes n’en­gagent que ceux qui y croient ». Mais qui ose­ra en tirer une leçon immé­dia­te­ment uti­li­sable ? Qui ose­ra vrai­ment « Pira­ter 2017″, par exemple ? La for­mule a été lan­cée suite à « Nuit debout » et à la péti­tion contre « la loi tra­vail » qui a été signée par plus de 1,3 mil­lions de per­sonnes. Péti­tion ini­tiée notam­ment par Caro­line De Haas. Cette der­nière a lâché ses amis en rejoi­gnant sou­dai­ne­ment, début sep­tembre, l’é­cu­rie pré­si­den­tielle de Cécile Duflot, juste avant le lan­ce­ment de l’o­pé­ra­tion « Pira­ter 2017″. Dif­fi­cile de don­ner une preuve plus écla­tante de la force de récu­pé­ra­tion du sys­tème ! Un de ses amis, membre d’AT­TAC, Tho­mas Cou­trot, un peu fâché – on le serait à moins – a fait savoir publi­que­ment, dans une « Lettre à Caro­line », que lui ne lâche rien. Avec d’autres, il conti­nue­ra à ani­mer le col­lec­tif « Pira­ter 2017″ et ses « assem­blées citoyennes ».

Quel col­lec­tif ose­ra – par exemple -, en guise de pira­tage, ne pas se conten­ter de pro­messes et exi­ge­ra des can­di­dats, ain­si que de leurs repré­sen­tants et sou­tiens, une par­ti­ci­pa­tion forte à des actions immé­diates pour faire entrer dans les caisses publiques des sommes volées par les frau­deurs fis­caux ? Là où Nor­bert Wal­ter-Bor­jans a bien réus­si, des can­di­dats réel­le­ment moti­vés pour­raient aus­si obte­nir quelques résul­tats, non ?…

Et si les futurs élus et leurs grou­pies s’avéraient inca­pables de faire leurs preuves à l’oc­ca­sion de ce test pré­élec­to­ral ? Il fau­drait pou­voir leur annon­cer sans ambages qu’ils viennent de perdre toute chance d’ob­te­nir les (nom­breuses ?…) voix de ceux qui défendent l’im­pé­rieuse néces­si­té de redis­tri­buer illi­co des richesses, de sau­ver sans tar­der les ser­vices publics et de pour­suivre l’ac­tion. Sachant qu’au pas­sage, ces sub­ver­sifs acti­vistes devraient se conten­ter de dépo­ser dans l’urne un bul­le­tin nul motivé.

Quel col­lec­tif ose­ra – autre dettefraudefiscaleexemple -, en coor­di­na­tion avec des can­di­dats déter­mi­nés, exi­ger d’é­lus d’une col­lec­ti­vi­té locale la ces­sa­tion immé­diate du rem­bour­se­ment de tout ou par­tie de la dette illé­gi­time et insou­te­nable de cette col­lec­ti­vi­té, afin d’u­ti­li­ser les sommes éco­no­mi­sées à la pro­mo­tion des ser­vices publics et des inté­rêts fon­da­men­taux de la popu­la­tion ? Rien que le fait d’en­tre­voir la taille des obs­tacles idéo­lo­giques à sur­mon­ter pour avan­cer sur cette piste, risque de décou­ra­ger par avance pas mal d’en­thou­siastes velléitaires…

En sui­vant le même type de démarche, quel col­lec­tif ose­ra – der­nier exemple -, exi­ger des pré­ten­dants à l’é­lec­tion de contri­buer sans tar­der et concrè­te­ment à l’accueil des immi­grés ? Là aus­si, les réti­cences de « l’o­pi­nion » et autres obs­tacles idéo­lo­giques à sur­mon­ter, risquent d’être ter­ri­ble­ment dissuasifs…

Ce der­nier exemple – on pour­rait en trou­ver bien d’autres – est ins­pi­ré d’un com­men­taire à un texte paru récem­ment dans L’Alterpresse68 : Alliance éco­lo: nébu­leuse ou nou­velle constel­la­tion ? Ce texte trans­crit les débats d’une « alliance éco­lo­gique » où cer­tains pro­blèmes « ne sont pas pris en compte », comme celui de la « ques­tion de l’im­mi­gra­tion », sou­ligne le com­men­taire d’un lec­teur de L’Alterpresse68. Dans ces débats, d’autres aspects sont à sou­li­gner (voir les com­men­taires au bas de l’ar­ticle). Aux côtés de pro­pos dou­teux et du très ambi­gu « ni droite, ni gauche », on découvre l’af­fir­ma­tion qui est pro­ba­ble­ment à l’o­ri­gine de ce ras­sem­ble­ment de plu­sieurs dizaines d’or­ga­ni­sa­tions « Eco­lo-citoyenne » : « la par­ti­ci­pa­tion élec­to­rale est incon­tour­nable ».

On est bien loin d’une démarche du genre : « agir au lieu d’é­lire », telle qu’es­quis­sée dans les trois exemples ci-dessus.

Ça ne peut plus conti­nuer comme ça !

Alté­riennes, Alté­riens, vous l’a­vez com­pris : pour L’Alterpresse68, ces quelques lignes polé­miques visent aus­si à pro­vo­quer un débat dans nos colonnes et à sus­ci­ter des pro­po­si­tions qui, on l’es­père, nous per­met­tront d’é­chap­per un peu aux déses­pé­rantes et inquié­tantes « offres poli­tiques » qui obs­truent l’horizon.

Soyez à l’af­fût et met­tez-vous à vos cla­viers. Et sur­tout soyez actifs. Ça ne peut plus conti­nuer comme ça !

Ber­nard Schaeffer

Le 22 sep­tembre 2016

Notes :

(1) Toutes les familles des autres col­lé­giens du Haut-Rhin sont obli­gées de ver­ser une contri­bu­tion, variable sui­vant la com­mune de la zone urbaine où elles habitent. Tan­dis que toutes les familles des lycéens haut-rhi­nois paient quelque chose, qu’elles résident, ou non, en zone urbaine. Beau­coup de pagaille et d’in­jus­tices, donc. La Meurthe-et-Moselle fait excep­tion : c’est le seul dépar­te­ment de la région Grand Est où tous les trans­ports sco­laires sont res­tés gra­tuits à la ren­trée 2016. Quand P. Richert, confor­mé­ment à la loi NOTRe, va prendre ce dos­sier en charge, que croyez-vous qu’il fera, une fois les élec­tions pas­sées ?… Pour plus de détails (re)lire l’ar­ticle : Trans­port sco­laire : des dingues au volant écra­bouillent la gra­tui­té (sep­tembre 2016).

(2) Voir l’ar­ticle : Strau­mann a choi­si la finance contre l’humain. Pas (encore) l’inverse… (mars 2016).

(3) Voir l’ar­ticle : Au Conseil Dépar­te­men­tal 68 : des toxiques qui piquent (février 2015).

(4) Voir l’ar­ticle publié pen­dant la cam­pagne des élec­tions régio­nales: Richert : du culot à revendre, des dettes à four­guer (novembre 2015).

(5) Voir l’ar­ticle : Dettes publiques de Mul­house et d’ailleurs : dos­sier pour infor­mer et pour agir (juillet 2015) et l’ar­ticle : Conseil muni­ci­pal de Mul­house : res­pon­sable et cou­pable ? (octobre 2015) qui concernent le cas de la ville de Mul­house et l’at­ti­tude rési­gnée de ses élus qui ont accep­té de payer une péna­li­té astro­no­mique à des voyous de la finance cachés dans une banque de contrepartie.

(6) Il s’est jus­ti­fié en se disant « fillo­niste » ! Mais il pense que Fillon ne sera pas au second tour des pri­maires. Et Jup­pé lui « convient aus­si ». P. Richert ratisse large, c’est aus­si ça la pru­dence « cen­triste » de « l’hu­ma­niste rhénan » !

Autres articles connexes :

D’autres articles parus dans L’Alterpresse68 et un pod­cast en ligne sur le site de Radio MNE pour­ront être consul­tés utilement :

De rugueux com­men­taires après l’en­tre­vue avec Eric Strau­mann (Radio MNE 21 avril 2016)

Ser­vice béné­vole obli­ga­toire : convaincre ! (25 jan­vier 2016)

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Ser­vice du béné­vo­lat obli­ga­toire au RSA: des asso­cia­tions pro­testent (février 2016)

Fau­chés, ils deviennent abjects : les CD du 67 et du 68 prennent les pauvres en otage (février 2016)