13 octobre, 20 h, dans ce lieu extraordinaire qu’est le Séchoir à Mulhouse : il n’est pas habituel de pouvoir assister à une lecture-performance menée par l’auteur Kai Pohl, en allemand, et par son traducteur français, Bernard Umbrecht. Cette lecture à deux voix nous a permis de découvrir un livre intitulé « 1964 » qui, dans sa construction et son propos, ne peut laisser indifférent.

Kaï Pohl est un poète alle­mand, né dans le Meck­lem­bourg, en… 1964, date qui donne le titre au livre. C’est déjà un indice : il y a de l’autobiographie dans ce poème en prose, mais pas seule­ment. Et grand mer­ci à Ber­nard Umbrecht d’avoir tra­duit cet auteur qui vit actuel­le­ment à Ber­lin où il est tout autant poète, édi­teur, artiste plas­ti­cien, graphiste.

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Kaï Pohl, der Autor

On retrouve cette palette de talents dans ce livre court et per­cu­tant qui, dès son entame, aver­tit le lec­teur : « … car c’est toi-même, chère lec­trice, cher lec­teur, qui porte ta part dans les mons­truo­si­tés dont il est ques­tion ici ». Le ton est don­né : il ne faut pas s’attendre à des conces­sions de la part de l’auteur pour flat­ter le lec­teur ou le cap­ter par des pro­pos dégou­li­nants de bons sentiments.

La construc­tion de ce poème en prose se fait avec des cut-ups (découpages/ col­lages) pré­le­vés sur Inter­net, des par­ties auto­bio­gra­phiques (réelles ou ima­gi­nées ?) et d’un uni­vers oni­rique et on passe d’une forme à l’autre sans aver­tis­se­ment. Ce qui fait dire à l’auteur inter­ro­gé lors de la soi­rée lec­ture: « Oui, on peut déce­ler les ori­gines des pro­pos par le style dif­fé­rent qui les carac­té­risent : mais c’est au lec­teur de trou­ver son che­min, d’y appor­ter ses propres par­cours et rêves… »

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Ber­nard Umbrecht, le traducteur

Et c’est évi­dem­ment réus­si : il faut certes jouer le jeu avec l’auteur et se plon­ger dans son uni­vers, et très rapi­de­ment on s’y sent à l’aise, on assemble les élé­ments du puzzle pro­po­sé et on est même un peu frus­tré d’arriver à la fin. On en rede­man­de­rait tel­le­ment le pro­pos inter­pelle, l’écriture est per­cu­tante, les mots sonnent justes et forts… Une phrase, en Alle­mand, pour illus­trer ce pro­pos (pour la ver­sion fran­çaise, pro­cu­rez vous le livre tra­duit par Ber­nard Umbrecht, aux Edi­tions Media­pop, au prix de 7€, à ce prix, c’est don­né !) : « Die Welt ist ein plat­zen­der Sack voll Scheisse » und wir haben sie dazu gemacht »…

Il faut lire Kaï Pohl et je ne regrette qu’une chose après la soi­rée lec­ture au Séchoir : ne pas avoir osé deman­der à l’auteur quelle était la teneur de ce mes­sage que son père a retrou­vé dans une bou­teille scel­lée, échouée sur une plage anglaise en décembre 1963… La réponse est peut être dans le livre, je vais dere­chef le relire !

Michel Mul­ler

http://www.mediapop-editions.fr/nouveaute-1964-kai-pohl/