Pour sau­ver les Urgences de Thann, et d’ailleurs, l’ur­gence devrait être à la mobi­li­sa­tion sur des bases claires. On en est loin : l’am­bi­gui­té, voire la dupli­ci­té, des élus qui ont par­ti­ci­pé aux mani­fes­ta­tions than­noises ont été sou­li­gnées lors de l’é­mis­sion « Un autre son de cloche »(1) du jeu­di 10 novembre 2013 (pour l’é­cou­ter cli­quez ici) où des infos et des pro­po­si­tions d’ac­tion plus mobi­li­sa­trices ont été mises en avant.

Des don­nées à découvrir

Cette dupli­ci­té des édiles contri­bue à mas­quer les choix poli­tiques et finan­ciers qui sont à l’o­ri­gine de la situa­tion, ain­si que l’i­den­ti­té et le degré de res­pon­sa­bi­li­té de ceux qui ont fait ces choix. La confu­sion qui s’en­suit rend pour l’ins­tant dif­fi­cile, voire qua­si impos­sible, cette large mobi­li­sa­tion qui serait nécessaire.

Durant la der­nière demi-heure de l’é­mis­sion, des élé­ments ont été four­nis pour iden­ti­fier plus clai­re­ment la nature du pro­blème. Pour illus­trer la situa­tion, quelques chiffres ont été avan­cés concer­nant les hôpi­taux alsa­ciens, vic­times, comme beau­coup d’autres hôpi­taux dans tout le pays, de ban­quiers sans scru­pules qui ont four­gué des emprunts toxiques aux direc­teurs des centres hospitaliers.

Pour vous per­mettre de vous faire une idée du désastre, L’Alterpresse68 met ici à votre dis­po­si­tion un extrait du rap­port d’une dépu­tée PS, Gisèle Bié­mou­ret, pré­sen­té à l’As­sem­blée Natio­nale en juillet 2015. Pour décou­vrir l’in­té­gra­li­té de ce rap­port et les don­nées qui concernent d’autres régions que l’Al­sace, cli­quez ici. Vous les décou­vri­rez pages 35, 36 et 37. 

Pour les Alsa­ciens qui vou­draient pous­ser leurs inves­ti­ga­tions plus loin, le CP68 (2) a ras­sem­blé ici la liste de tous les hôpi­taux du 67 et du 68 trou­vés dans le fameux lis­ting des toxiques Dexia publié en 2011 par le jour­nal « Libé­ra­tion » (la carte de France com­plète de tous les toxiques Dexia est tou­jours en ligne). On y trou­ve­ra des hôpi­taux qui ne sont pas men­tion­nés dans le rap­port de Gisèle Bié­mou­ret et, pour chaque prêt toxique, le nom de la banque délin­quante, dite de « contre­par­tie », qui empo­che­ra de grosses sommes en « récom­pense » de son for­fait. Mais les sommes indi­quées (« sur­coûts »), cal­cu­lées en 2009, sont en géné­ral net­te­ment en des­sous de celles qui ont pro­ba­ble­ment été ver­sées à la banque de contre­par­tie si la « sécu­ri­sa­tion du toxique » a déjà eu lieu ces der­niers mois.

Ain­si, si le rap­port Bié­mou­ret pré­cise que le mon­tant des « emprunts struc­tu­rés » du centre hos­pi­ta­lier de Séles­tat est de plus de 8 mil­lions d’eu­ros, qu’il est de près de 2 mil­lions d’eu­ros pour celui de Mul­house et de plus de 25 mil­lions d’eu­ros pour celui de Stras­bourg, ledit rap­port ne pou­vait pas indi­quer à l’é­poque le mon­tant de la ran­çon de « sécu­ri­sa­tion » exi­gée, en plus, par les banques de contre­par­tie (en l’occurrence JP Mor­gan et Gold­man Sachs pour Séles­tat, Royal Bank of Scot­land pour Mul­house, Bar­clays et JP Mor­gan pour Stras­bourg, pour n’en citer que quelques unes).

Ces ran­çons de « sécu­ri­sa­tion », plus poli­ment appe­lées IRA (Indem­ni­tés de Rem­bour­se­ment anti­ci­pé), varient en effet dans le temps. Car ces pro­duits spé­cu­la­tifs sont cotés quo­ti­dien­ne­ment sur les marchés !… 

Pre­nons un exemple : la ville de Mul­house a « sécu­ri­sé » un toxique d’en­vi­ron 10 mil­lions d’eu­ros durant l’é­té 2015, dans la panique, au moment où le taux d’in­té­rêt de cet emprunt était voi­sin de 25%. La ran­çon de « sécu­ri­sa­tion » exi­gée repré­sen­te­ra plus du triple (envi­ron 35 mil­lions d’eu­ros) du capi­tal res­tant dû si on compte les frais annexes. Le contri­buable mul­hou­sien a déjà com­men­cé à payer. Sans le savoir, sauf s’il lit L’Alterpresse68 (voir : Dette et fis­ca­li­té à Mul­house : c’est Mai­treau, bon­ne­teau, gogos ! (octobre 2016)).

Quels sont les hôpi­taux concer­nés qui ont déjà réa­li­sé la « sécu­ri­sa­tion » ? Et, s’ils l’ont réa­li­sée, à quel prix l’ont-ils obtenue ?…

C’est en se mobi­li­sant qu’il sera pos­sible de répondre à ces questions : 

Des élé­ments pour l’action

Vers la fin de l’é­mis­sion, l’é­quipe de L’Alterpresse68 a pré­sen­té les grandes lignes d’une action sug­gé­rée par Patrick Sau­rin (mili­tant et bon connais­seur des emprunts toxiques) en s’en­ga­geant à mettre en ligne les élé­ments de la démarche pro­po­sée. Chose pro­mise, chose due :

L’i­dée consiste à contraindre les direc­tions des hôpi­taux à four­nir les élé­ments qui per­met­tront de réa­li­ser un pre­mier audit des dettes de chaque éta­blis­se­ment. En s’at­tar­dant par­ti­cu­liè­re­ment sur les ravages bud­gé­taires occa­sion­nés par le (ou les) toxique(s) éven­tuel­le­ment pré­sents dans les comptes. Des « toxiques » en cours de « sécu­ri­sa­tion », ou peut-être déjà « sécu­ri­sés », moyen­nant, répé­tons-le, le paie­ment de ran­çons consi­dé­rables ver­sées à des banques délin­quantes. La démarche est résu­mée ici, sous le titre « enga­geons un audit ».

La direc­tion d’un hôpi­tal est en prin­cipe obli­gée de four­nir cer­taines infor­ma­tions 1) aux repré­sen­tants du per­son­nel au conseil de sur­veillance et 2) aux repré­sen­tants du per­son­nel au comi­té tech­nique d’é­ta­blis­se­ment. Dans la boîte à outils qu’il a pré­pa­rée, Patrick Sau­rin four­nit deux modèles de lettres dont les élus de ces ins­tances pour­ront s’ins­pi­rer. L’une, pour le conseil de sur­veillance, est télé­char­geable ici. L’autre, pour le comi­té tech­nique d’é­ta­blis­se­ment, est télé­char­geable là.

La mobi­li­sa­tion d’un grand nombre d’u­sa­gers et de per­son­nels hos­pi­ta­liers sera néces­saire pour que cette cam­pagne porte quelques fruits. Aux hési­tants qui affirment ne rien com­prendre aux banderoleques­tions finan­cières (comme on l’a enten­du lors de l’é­mis­sion sur radio MNE), on sug­gère la lec­ture d’un article que vient de rédi­ger Patrick Sau­rin pour faire le point sur le sujet. Il est inti­tu­lé « Les hôpi­taux publics et les emprunts toxiques ». Vous le décou­vri­rez en cli­quant ici.

Et pour dif­fu­ser rapi­de­ment autour de vous l’en­semble de la boîte à outils, c’est simple : il vous suf­fi­ra d’ex­pé­dier le lien condui­sant au pré­sent article.

Une fois l’au­dit réa­li­sé, vous pour­rez com­men­cer à vous faire une idée de ce qu’il serait pos­sible de réa­li­ser en faveur du ser­vice public de san­té si on ces­sait enfin de se sou­mettre aux dik­tats des voyous de la finance.

D’autres élé­ments. Pour d’autres actions ?

Sans cher­cher très loin, vous pour­rez décou­vrir d’autres res­sources qui pour­raient requin­quer le ser­vice public de san­té. Ce sont les moyens finan­ciers qu’ap­por­te­rait la chasse aux frau­deurs fis­caux. Des moyens que nos élus locaux ou natio­naux, pri­son­niers de l’i­déo­lo­gie néo­li­bé­rale, renoncent par avance à mobi­li­ser. Alors qu’un de leurs col­lègues – le ministre des finances du Land de Rhé­na­nie-du-Nord-West­pha­lie – a, lui, brillam­ment réus­si dans cette voie (voir l’ar­ticle : Des élus téta­ni­sés face aux délin­quants fis­caux (août 2016)).

Si vous êtes par­tants pour mener des inves­ti­ga­tions plus appro­fon­dies, vous lirez avec inté­rêts une bro­chure (de 68 pages) rédi­gée par Pas­cal Fran­chet en jan­vier 2015. Publiée par le CADTM, elle est dis­po­nible en ligne : cli­quez ici. Il y est, entre autres, ques­tion de la CADES. Créée en 1996 par un Jup­pé « droit dans ses bottes », elle devait dis­pa­raître, pro­mis-juré, une fois réglé le pro­blème de la dette sociale (le « trou de la Sécu ») qu’elle était char­gée de com­pen­ser en emprun­tant sur les mar­chés finan­ciers inter­na­tio­naux. Abon­dée éga­le­ment par le pro­duit de la CRDS (qui elle aus­si devait être pro­vi­soire !), ain­si que par une par­tie de la CSG, la CADES existe tou­jours. « Elle emprunte, explique P. Fran­chet, en fai­sant fruc­ti­fier un mar­ché qui pro­fite sur­tout aux créan­ciers ».

En effet, depuis la créa­tion de la CADES qui gère une dette grandissante(3), des dizaines de mil­liards d’eu­ros d’in­té­rêts ont été dila­pi­dés pour arro­ser la finance inter­na­tio­nale. Qui le sait ?… Et dans ces condi­tions, qui peut se mobiliser ?…

Le doute n’est guère per­mis : « l’ad­ver­saire, c’est la finance » ! Mais il ne faut pas se conten­ter, comme qui vous savez, de faire le constat. Il faut le com­battre, cet adversaire.

B. Schaef­fer

le 12 novembre 2016

Notes

    1. « Un autre son de cloche » est désor­mais une émis­sion heb­do­ma­daire ani­mée par l’é­quipe de L’Alterpresse68 et dif­fu­sée tous les jeu­dis à 20h sur radio MNE 107.5 FM pour Mul­house et envi­rons et sur inter­net http://radiomne.com/ par­tout ailleurs. De plus, tous les ven­dre­dis, après la mati­nale frühs­tuck de radio MNE, l’é­mis­sion « Un autre son de cloche », dif­fu­sée la veille, est redif­fu­sée. Tous les pod­casts de toutes les émis­sions pro­duites par L’Alterpresse68 sont dis­po­nibles sur une page dédiée acces­sible sur de la page d’ac­cueil, sous le titre. Ou en cli­quant ici.

    1. Un col­lec­tif haut-rhi­nois : le Conseil Popu­laire 68 pour l’a­bo­li­tion des dettes publiques.

    2. Par un arti­fice comp­table, la dette de la CADES est « oubliée » dans l’é­va­lua­tion de la dette publique fran­çaise !… Sans cet esca­mo­tage sta­tis­tique qui per­met de la « dimi­nuer » de 4 à 5%, cette dette dépas­se­rait aujourd’­hui les 100% du PIB.

Pour en savoir plus :

A) Trois articles parus dans les colonnes de L’Alterpresse68 :

8 novembre, Thann : SOS Urgences ! (novembre 2016)

Dettes publiques de Mul­house et d’ailleurs : dos­sier pour infor­mer et pour agir (juillet 2015)

Grèce, col­lec­ti­vi­tés locales : même Troï­ka, même com­bat ! (juillet 2015) : un article de P. Sau­rin qui évoque, entre autres, le toxique mulhousien.

B) Deux émis­sions de radio pro­duites par L’Alterpresse68 :

L’une sur le régime local d’as­su­rance mala­die enre­gis­trée en février 2016 :

Régime local d’as­su­rance mala­die en péril. D. Lor­thiois et R. Ruck (Radio MNE 11 fév 2016)

L’autre sur les emprunts toxiques en géné­ral, et mul­hou­siens en par­ti­cu­lier, à tra­vers une inter­view de Patrick Sau­rin réa­li­sée dans les locaux de radio MNE en jan­vier 2016 :

Dettes et toxiques : entre­vue audio avec Patrick Sau­rin (jan­vier 2016)

Rap­pel de l’a­dresse URL du rap­port Biémouret :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i2944.pdf

Rap­pel de l’a­dresse URL du pod­cast de l’é­mis­sion « Un autre son de cloche » du 10 novembre 2016, consa­crée à la défense des urgences de Thann et à la réforme hos­pi­ta­lière. Emis­sion où L’Al­ter­presse 68 a reçu Ber­trand Grosz, secré­taire géné­ral CGT du Grou­pe­ment hos­pi­ta­lier Mul­house Sud Alsace et de l’U­nion dépar­te­men­tale san­té CGT du Haut-Rhin, ain­si que Hen­ri Metz­ger, ancien res­pon­sable du ser­vice méde­cine de l’hô­pi­tal de Thann :

https://www.mixcloud.com/radio-mne/sauver-les-urgences-de-thann-une‑r%C3%A9ponse-%C3%A0-la‑r%C3%A9forme-sant%C3%A9-du-gouvernement/