Une bonne nou­velle pour tous les amis du bon ciné­ma : le ciné­ma BEL AIR de Mul­house s’agrandit, çà y est, c’est déci­dé, c’est par­ti ! Quand on dit amis du bon ciné­ma cela veut dire bien-sûr ama­teurs de bons films mais aus­si une foule de per­sonnes qui, dans une ambiance ami­cale, convi­viale, aiment s’y retrou­ver à maintes occasions.

La bonne nouvelle

La pres­sion du public, la demande des gens, le sou­hait des dis­tri­bu­teurs, le res­sen­ti de toute l’équipe du ciné­ma (les quatre sala­riés, les admi­nis­tra­teurs, la cin­quan­taine de béné­voles) ont été des fac­teurs déclen­chants. Tout comme l’encouragement appor­té très récem­ment par le cabi­net Ciné­con­seil dans son étude de mar­ché qui a confir­mé ce que le pré­sident Moham­med Den­dane annon­çait lors de la der­nière Assem­blée Géné­rale du 27 mai 2016, en accord avec toute l’équipe.

Et de nom­breux autres sou­tiens, un des der­niers en date étant celui de Michel-Samuel Weiss, adjoint à la culture de la ville de Mul­house, qui lors du der­nier Conseil d’Administration du ciné­ma, le 23 novembre der­nier, nous fai­sait part de son enthou­siasme pour ce pro­jet d’extension.

L’Alterpresse68 ne peut que se réjouir aus­si de la crois­sance d’un tel lieu de culture, de ren­contres et d’échanges. Le sou­tien de la presse est très impor­tant dans cette aven­ture col­lec­tive. Plus de 80 soi­rées-débats par an se tiennent, ani­mées par des réa­li­sa­teurs, des asso­cia­tions enga­gées dans la socié­té… Ce ciné­ma est aus­si un lieu où la presse libre et cri­tique est la bienvenue.

Le tra­vail de l’étude de mar­ché et de fai­sa­bi­li­té com­man­dé avant l’été par le C.A .du ciné­ma Bel Air a donc pro­duit ses conclu­sions : concrè­te­ment il pré­co­nise la créa­tion de deux nou­velles salles : une salle de 70 places et une salle de 50 places. La capa­ci­té totale du ciné­ma avec les 120 places actuelles serait alors de 240 fau­teuils. Le mono-écran devient à un tel point une contrainte, qui oblige à se pri­ver de nom­breuses séances et de nom­breux films, que le mar­ché poten­tiel final du nou­veau ciné­ma est esti­mé par Ciné­con­seil à envi­ron 73.000 entrées annuelles. A titre de repère, cette année, qui est une bonne année, le ciné­ma ver­ra envi­ron 33 .000 spec­ta­teurs. C’est dire l’ouverture pos­sible, pres­sen­tie très fort par toute l’équipe, qui est près du « terrain ».

Quelques pré­ci­sions sur le contexte et les soutiens

Le volume d’entrées, pour les films art & essai, réa­li­sé dans l’unité urbaine de Mul­house est aujourd’hui faible en com­pa­rai­son avec les autres villes de même taille. 

Glo­ba­le­ment, l’analyse de l’évolution ciné­ma­to­gra­phique de Mul­house sur une longue période montre que celle-ci a d’une part sui­vi l’évolution natio­nale jusqu’en 2007 et a même connu une pro­gres­sion supé­rieure au début des années 2000 avec l’ouverture du mul­ti­plexe KINEPOLIS. Et que, d’autre part, elle a for­te­ment décro­ché par rap­port à l’évolution natio­nale à par­tir de 2008. Ce décro­chage, ne cesse de s’amplifier : entre 2007 et 2014 le BEL AIR reste à 11.000 spec­ta­teurs en-des­sous de la fré­quen­ta­tion de 2006, le KINEPOLIS à 209.000 en des­sous, alors que LE PALACE n’accueille que 140.000 spec­ta­teurs par an depuis son ouver­ture fin 2007. Donc une dimi­nu­tion, glo­bale encore une fois, d’environ 80.000 entrées par an. 

Ceci ne cor­res­pond pas à une dimi­nu­tion de la demande puisque au cours de la même période la fré­quen­ta­tion dépar­te­men­tale a pro­gres­sé de 15,5% et la fré­quen­ta­tion natio­nale de 17,1%. Il s’agit d’une grosse dif­fi­cul­té à écou­ler les films pro­po­sés. En par­ti­cu­lier au niveau de l’art & essai. Les dis­tri­bu­teurs « attendent » l’extension du ciné­ma BEL AIR.

Le ciné­ma BEL AIR est le seul ciné­ma à pro­po­ser, dans un rayon de 30 minutes autour de Mul­house, une pro­gram­ma­tion spé­ci­fi­que­ment dédiée à l’art & essai, avec plus de 70% de films clas­sés et à béné­fi­cier des 3 labels (Art & Essai, Jeunes Publics et Patrimoine/Recherche). Si toutes les sor­ties natio­nales pou­vaient être pré­sen­tées et expo­sées suf­fi­sam­ment long­temps, la fré­quen­ta­tion du ciné BEL AIR serait donc de l’ordre de 73.000, pos­sible avec les futures 3 salles. La réa­li­sa­tion de deux salles sup­plé­men­taires, per­met­tant de pro­po­ser plus de 5.000 séances par an, rend donc pos­sible, pour l’association, une pro­gram­ma­tion com­po­sée d’au moins 70 films sup­plé­men­taires par an avec une durée moyenne d’exposition de chaque film plus que dou­blée par rap­port à aujourd’hui(près de 19 séances par film contre moins de 8 en moyenne pour 2015).

Le sou­tien appor­té par la ville de Mul­house est déter­mi­nant. Le CNC (Centre Natio­nal du Ciné­ma et de l’image ani­mée) pour­ra aider sub­stan­tiel­le­ment aus­si le ciné­ma pen­dant les tra­vaux. La CAF (Caisse d’Allocations Fami­liales), pro­prié­taire des locaux, sera « faci­li­ta­teur » : elle accueille favo­ra­ble­ment le pro­jet et, d’ores et déjà, le chan­tier de réamé­na­ge­ment en cours du CSC (Centre Socio-Cultu­rel) BEL AIR se fait en coor­di­na­tion avec le pro­jet ciné­ma (Ascen­seur,…). Des ren­contres avec M2A (Mul­house et Agglo­mé­ra­tion) et la Région sont en cours.

Le pro­jet architectural

Il est pré­vu de construire les deux nou­velles salles au-des­sus de la salle actuelle. Le cabi­net d’architecte Alex Da Sil­va vient d’établir l’Avant-Projet, qui a été trans­mis à l’Agence de Déve­lop­pe­ment Régio­nal du Ciné­ma (ADRC), pour com­plé­ments. Le bud­get serait de l’ordre de 800.000€. L’ADEME sub­ven­tion­ne­ra tous les tra­vaux rela­tifs à l’isolation. Le chan­tier serait fina­li­sé en 2018. Un ren­for­ce­ment du Conseil d’Administration du ciné­ma est lan­cé, en par­ti­cu­lier dans le domaine du sui­vi de chan­tier/­comp­ta­bi­li­té-tré­so­re­rie. L’architecte tra­vaille en entente avec Madame Rapp, conseillère muni­ci­pale à l’urbanisme et vivant dans le quartier.

Un peu d’histoire…

Mais au fait, pour ceux qui ont pris le train en marche, il est bien de faire un peu d’histoire, De prendre du recul aus­si pour voir toutes les facettes.

Le ciné­ma Bel Air est deve­nu, au fil des ans, une struc­ture cultu­relle incon­tour­nable de la vie mul­hou­sienne. Il a été créé en 1969 à la demande des habi­tants du quar­tier. Situé au sein du Centre Socio-Cultu­rel Bel Air, il n’offrait alors que quelques séances par semaine, son acti­vi­té étant assu­rée par une équipe de béné­voles. A par­tir de 1984 il déve­loppe pro­gres­si­ve­ment une pro­gram­ma­tion Art & Essai.

En 1990, la salle est bap­ti­sée Salle William Wyler (du nom du cinéaste hol­ly­woo­dien né à Mul­house). En 1993, il recrute son pre­mier sala­rié ; dès lors l’art & essai devient le prin­ci­pal cré­neau du ciné­ma. En 1997, le suc­cès aidant, la Ville lui pro­pose d’animer une seconde salle à la Fila­ture (Scène Natio­nale). Cette seconde salle connaît un vif suc­cès qui contri­bue à dyna­mi­ser la Fila­ture jusqu’en 2005. Des contraintes logis­tiques mettent fin à cette expé­rience réussie.

En 2012, elle s’équipe d’un pro­jec­teur numé­rique. Entiè­re­ment réno­vée en 2014, la salle William Wyler est avant tout convi­viale (fau­teuils han­di­ca­pés, un bar de 25 m².…). Quatre sala­riés, un cin­quan­taine de béné­voles et un CA de 25 per­sonnes, assurent avec pas­sion son activité.

Les moteurs du ciné­ma Bel Air

  • Les ren­contres : le ciné­ma pro­pose de nom­breux débats avec des asso­cia­tions, des réa­li­sa­teurs, des acteurs. En ce qui concerne les asso­cia­tions, soit le ciné­ma les sol­li­cite soit c’est l’association qui fait une pro­po­si­tion. Quelques-unes par­mi tant d’autres : Col­lec­tif Pales­tine, Amnes­ty Inter­na­tio­nal, la LDH, Attac, la FEDEPSY, Alsace Nature, des syn­di­ca­listes, Les Eco­no­mistes Atter­rés…. Ces ren­dez-vous confèrent au Bel Air son iden­ti­té sin­gu­lière : faire se ren­con­trer les gens, ins­tau­rer un dia­logue. C’est deve­nu son cré­do et il est connu pour cela dans la région et au-delà.

  • Le Fes­ti­val « Plein Air au Bel Air » : 21ème édi­tion en juillet : une ambiance garan­tie : bons films, bonnes ani­ma­tions, bons petits plats, dans un cadre agréable de ver­dure pen­dant huit soi­rées. Cette année 2016, un groupe de jeunes réfu­giés syriens sont venus ren­for­cer l’équipe des bénévoles.

  • Le Fes­ti­val Augen­blick : ciné­ma en langue alle­mande . Orga­ni­sé par Alsace Ciné­ma. Le Bel Air fait par­tie du comi­té d’organisation et de sélection.

  • Les Petites Bobines : fes­ti­val des­ti­né au jeune public, qui pré­sente des films européens.

  • Une action conti­nue d’Education à l’Image (école, col­lège, lycée) : des dis­po­si­tifs natio­naux d’éducation à l’image per­mettent aux éta­blis­se­ments sco­laires de voir des films à moindre coût (2,5€). Les ensei­gnants qui s’engagent à voir 3 films dans l’année avec leurs élèves, béné­fi­cient de for­ma­tions qui leur per­mettent de faire un tra­vail péda­go­gique sur le film en classe. Le Bel Air est coor­di­na­teur pour « Ecole et ciné­ma » depuis 1998.. « Col­lège et ciné­ma » est coor­don­né par Alsace Ciné­ma ain­si que « Lycéens au ciné­ma » (Lam­bert, Schweit­zer, Louis Armand, Lavoi­sier..) Ces 3 dis­po­si­tifs d’éducation drainent plus de 7.000 entrées par an. La relève est assurée !

Voi­là pour ne citer que cer­tains « moteurs ».. La plu­part des axes pré­cé­dents ont vu une fré­quen­ta­tion sou­te­nue et en pro­gres­sion cette année 2016. 

Une bonne nou­velle donc que la trans­for­ma­tion, l’agrandissement de ce ciné­ma-là ! Par­mi les sou­tiens que l’on a lar­ge­ment évo­qués, il y a la presse, les médias alter­na­tifs , locaux. Ces der­niers contri­buent à tis­ser les liens qui nous font du bien à tous et nous faci­litent les com­bats, la mise en public de l’esprit cri­tique. Dans l’autre sens, les salles du ciné­ma Bel Air agran­di pour­ront encore plus don­ner la parole à ces médias, entre autres.

Jean-Paul Bour­geois

(admi­nis­tra­teur et béné­vole du ciné BEL AIR)