… l’accuse de fautes professionnelles !
C’est l’adage patronal qui semble guider la direction du Grand Comptoir, café-restaurant de la gare de Mulhouse, pour tenter de se débarrasser de l’une de ses employées, Béatrice, serveuse dans l’établissement dont le propriétaire est la société SPP Province.

Le 14 décembre der­nier, Béa­trice est convo­quée à un entre­tien préa­lable à sanc­tion dis­ci­pli­naire sus­cep­tible d’entraîner son licen­cie­ment. Elle avait déjà subi en octobre une mise à pied dis­ci­pli­naire de cinq jours (pour une omis­sion de ser­vice dont était res­pon­sable une collègue).

Ce qui rend cepen­dant la démarche de l’employeur pour le moins sus­pecte, est le fait que Béa­trice est la secré­taire du syn­di­cat dépar­te­ment CGT de l’hôtellerie, du tou­risme et de la res­tau­ra­tion, éga­le­ment conseillère du sala­rié, ce der­nier point consti­tuant le reproche expli­cite for­mu­lé par la direc­tion à son encontre.

Béa­trice est aus­si can­di­date au man­dat de délé­guée du per­son­nel dans l’entreprise.

Or, l’entreprise en ques­tion est à la veille de négo­cia­tions avec ses sala­riés à fin d’obtenir la signa­ture d’un accord moins favo­rable à ces der­niers que la conven­tion col­lec­tive natio­nale de la res­tau­ra­tion rapide, notam­ment sur la ques­tion de la majo­ra­tion des heures sup­plé­men­taires, ce que per­met désor­mais la loi dite « El Khom­ri ». La pré­sence dans l’entreprise, en place d’une repré­sen­ta­tion du per­son­nel plus docile, d’une syn­di­ca­liste aus­si armée et réso­lue que Béa­trice consti­tue évi­dem­ment un obs­tacle de taille à cet objec­tif et la mili­tante pour­rait bien être deve­nue une tête à abattre à tout prix.

Y com­pris celui qui consiste, pour la direc­tion, à invo­quer de bien curieuses « attes­ta­tions » de clients pour ten­ter de prou­ver des man­que­ments pro­fes­sion­nels fort opportuns.

La ficelle est suf­fi­sam­ment grosse pour inci­ter une tren­taine de mili­tants CGT à se ras­sem­bler devant le café de la gare afin de sou­te­nir Béa­trice pen­dant l’entretien auquel  elle était convoquée.

A une cen­taine de mètres de là, de l’autre côté de la place de la gare, devant la sous-pré­fec­ture, avait lieu simul­ta­né­ment une mani­fes­ta­tion des ATSEM (« aides-mater­nelles »)  pour l’amélioration de leurs salaires, for­ma­tion, qua­li­fi­ca­tions, avec éga­le­ment la Cgt à leurs côtés. Plu­sieurs d’entre elles ont rejoint plus tard le groupe de sou­tien à Béa­trice, mon­trant en cela que si les pro­blèmes des sala­riés revêtent des formes dif­fé­rentes d’un sec­teur à l’autre, ce sont bien des logiques et méca­nismes iden­tiques qui les pro­voquent et qu’il est urgent de le faire com­prendre au plus grand nombre.

On ne sau­rait que regret­ter l’atonie de la plu­part des autres sala­riés de l’établissement, para­ly­sés par l’arme, peu glo­rieuse mais certes redou­table, bran­die par le patro­nat, du chan­tage à l’emploi, lais­sant à Béa­trice la charge entière de la résis­tance et de la com­ba­ti­vi­té, ain­si que le prix éven­tuel à payer pour son cou­rage et son engagement.

Même si, aujourd’hui encore plus hier avec la perte de pro­tec­tion ouvrière que la « loi-tra­vail » a induite, le risque de perdre son emploi réside bien davan­tage dans la pas­si­vi­té et le renon­ce­ment reven­di­ca­tif que dans la bagarre syndicale.

Daniel MURINGER