« Cuve défectueuse, enquête publique viciée : le décret d’autorisation de création de l’EPR de Flamanville doit être abrogé ! »  De concert avec sept autres associations [1], le Réseau “Sortir du nucléaire“ vient de déposer un recours pré-contentieux pour faire abroger le décret d’autorisation de création de l’EPR de Flamanville, entaché de graves irrégularités. Dangereux et criblé de malfaçons qui étaient prévisibles avant même sa construction, l’EPR doit être abandonné !

Trois ans de délai pour cacher le fiasco d’un chantier catastrophique

Publié le 11 avril 2007, le décret d’autorisation de créa­tion de l’EPR de Fla­man­ville spé­ci­fiait que le pre­mier char­ge­ment en com­bus­tible du réac­teur devait être effec­tué dans les dix ans à comp­ter de cette date. À défaut, il pour­rait être abro­gé et EDF devrait alors réini­tier une pro­cé­dure com­pre­nant une enquête publique afin d’obtenir un nou­veau décret d’autorisation de créa­tion. Depuis, retards et mal­fa­çons se sont accu­mu­lés, tout comme les élé­ments acca­blants <http://www.sortirdunucleaire.org/fiasco-EPR>  sur les défauts de l’EPR. Dix ans après, le réac­teur, qui a vu ses coûts tri­pler, n’est tou­jours pas ache­vé. Plu­tôt que d’abandonner ce pro­jet incons­truc­tible et dan­ge­reux, le gou­ver­ne­ment a cédé à l’industrie nucléaire et accep­té de pro­ro­ger ce délai de trois ans par un décret publié le 24 mars

<http://www.sortirdunucleaire.org/IMG/pdf/flamanville_3 decret_du_23_mars_2017_joe_20170324_0071_0011.pdf> .

 Il ne s’agit que de recu­ler pour mieux sau­ter ! On peut légi­ti­me­ment mettre en doute la capa­ci­té des indus­triels à fina­li­ser le chan­tier : quid des innom­brables retards et mal­fa­çons déjà consta­tés ? De la situa­tion finan­cière catas­tro­phique d’EDF et Are­va ? Et sur­tout, quelle cré­di­bi­li­té accor­der à des entre­prises qui font main­te­nant l’objet d’une enquête pour usage de faux, mise sur le mar­ché et exploi­ta­tion sans res­pec­ter les exi­gences essen­tielles de sécu­ri­té d’équipements nucléaires… par­mi les­quels figu­rait la cuve de l’EPR ?

Cuve défec­tueuse : l’enquête publique a été viciée par la dis­si­mu­la­tion d’informations cruciales

Comme l’a mon­tré une enquête récente

<http://www.francetvinfo.fr/societe/nucleaire/info-franceinfo-defauts-sur-la-cuve-de-lepr-de-flamanville-l-autorite-de-surete-nucleaire-avait-alerte-edf-des-2005-de-dysfonctionnements-chez-le-fabricant_2121929.html> ,

EDF et Are­va étaient aver­tis dès 2005 des mau­vaises pra­tiques de l’usine Creu­sot Forge et ont mal­gré tout déci­dé d’y faire fabri­quer la cuve de l’EPR. L’enquête publique qui s’est dérou­lée en 2006 sur l’EPR de Fla­man­ville, et à laquelle fait réfé­rence le décret d’autorisation de créa­tion, a donc été viciée par la dis­si­mu­la­tion de ces infor­ma­tions cruciales.

Alors même qu’Areva pou­vait anti­ci­per que cette cuve com­por­te­rait des défauts, ce n’est qu’en 2014 qu’elle a effec­tué des tests, qui ont mis en évi­dence une concen­tra­tion en car­bone trop éle­vée qui com­pro­met­tait sa résis­tance. La cuve était alors déjà ins­tal­lée, sans pos­si­bi­li­té de la reti­rer sans démon­ter le reste du réacteur !

L’Autorité de sûre­té nucléaire, elle-même aver­tie depuis 2005 des mau­vaises pra­tiques à l’usine de Creu­sot Forge, n’a pas pu impo­ser la réa­li­sa­tion de tests avant l’installation de la cuve. Alors qu’elle doit se pro­non­cer pro­chai­ne­ment sur l’homologation de cet équi­pe­ment, le Réseau “Sor­tir du nucléaire“ vient d’ailleurs de lan­cer une péti­tion <http://www.sortirdunucleaire.org/Petition-cuve-EPR>  pour l’appeler à faire enfin fi des pres­sions des industriels.

Pro­ro­ger le décret d’autorisation de créa­tion… pour pro­lon­ger le fonc­tion­ne­ment de Fes­sen­heim La pro­ro­ga­tion du décret d’autorisation de créa­tion de l’EPR a éga­le­ment un autre effet détes­table. Tra­his­sant l’esprit de la loi de tran­si­tion éner­gé­tique, le gou­ver­ne­ment a accep­té de faire dépendre la fer­me­ture de Fes­sen­heim de la mise en ser­vice de Fla­man­ville 3. En don­nant une marge à ce chan­tier cala­mi­teux, il a four­ni à EDF un nou­veau moyen de repous­ser l’arrêt de cette cen­trale à bout de souffle !

Infor­ma­tions dis­si­mu­lées, men­songes, pres­sions sur l’Autorité de sûre­té : voi­là les manœuvres aux­quelles s’est livrée l’industrie nucléaire pour impo­ser son réac­teur inutile et dan­ge­reux ! Les irré­gu­la­ri­tés qui entachent le décret d’autorisation de créa­tion et sa modi­fi­ca­tion récente sont inac­cep­tables. Le Réseau “Sor­tir du nucléaire“ appelle les can­di­dats à la pré­si­den­tielle à prendre leurs res­pon­sa­bi­li­tés et à mettre fin défi­ni­ti­ve­ment au pro­gramme EPR.

Retrou­ver le dos­sier juridique :

http://www.sortirdunucleaire.org/Flamanville-abrogation-autorisation-EPR

Notes :    [1] CRILAN, CRIIRAD, France Nature Envi­ron­ne­ment, Green­peace, Obser­va­toire du Nucléaire, Notre Affaire à Tous, Stop EPR Ni à Pen­ly ni Ailleurs

Fessenheim : la vraie raison de l’impuissance de l’Etat

L’E­tat et ses diri­geants ne contrôlent plus grand chose. Cela vaut pour la fer­me­ture de Fes­sen­heim. Ce que beau­coup d’é­co­lo­gistes, hélas, semblent avoir oublié.

Nicole Roe­lens, pré­si­dente fon­da­trice de l’as­so­cia­tion Stop Fes­sen­heim, le leur rap­pelle dans le texte ci-des­sous. Le pou­voir est entre les mains des pro-nucléaires. Ce sont leurs lob­bies qu’il faut com­battre en prio­ri­té, sans oublier de chan­ger la régle­men­ta­tion qu’ils ont réus­si à inspirer.

Fermeture de Fessenheim :
La règlementation pro-nucléaire et l’impuissance de l’Etat

Fran­çois Hol­lande avait pro­mis de fer­mer Fes­sen­heim et tente depuis des mois, à tra­vers l’action de Ségo­lène Royal de tenir cette pro­messe avant la fin de son man­dat. Les citoyens ne com­prennent rien aux épi­sodes de ce feuille­ton de la fer­me­ture tou­jours annon­cée, tou­jours repous­sée. Ils se posent des ques­tions sur l’autorité ou la sin­cé­ri­té du Président. 

L’Etat devrait pou­voir déci­der puisque c’est bien l’argent des contri­buables qui a finan­cé la construc­tion et l’entretien des cen­trales nucléaires ! Et même si EDF a été pri­va­ti­sée en 2005, L’Etat reste action­naire majo­ri­taire !  Alors que signi­fient  ces trac­ta­tions obs­cures entre l’Etat et EDF ? En fait, ce qui appa­raît à pro­pos du feuille­ton de la fer­me­ture, c’est quelque chose de grave pour la démo­cra­tie : il y a un loup dans la ber­ge­rie et ce loup c’est la règle­men­ta­tion mise en place pour assu­rer les pleins pou­voirs au lob­by nucléaire. Autre­ment dit ce sont les règles de droit spé­ci­fique à l’activité nucléaire  qui laissent toute lati­tude à EDF pour déci­der de notre ave­nir éner­gé­tique et qui orga­nise l’impuissance des politiques.

Plus pré­ci­sé­ment, c’est l’Etat qui au départ donne l’autorisation d’exploiter une cen­trale, mais l’Etat ne peut pas déci­der de reti­rer cette auto­ri­sa­tion. C’est l’exploitant qui a le pou­voir de deman­der l’abrogation de cette auto­ri­sa­tion si cela peut ser­vir sa stra­té­gie éner­gé­tique ! Lors du conseil d’administration d’EDF les repré­sen­tants de l’Etat n’ont pas le droit de voter au sujet de l’abrogation de l’autorisation d’exploiter, sous pré­texte de leurs pos­sibles conflits d’intérêts, comme si la direc­tion d’EDF et les autres action­naires et mêmes les sala­riés étaient indemnes de tout conflit d’intérêt !  C’est une plai­san­te­rie mais une plai­san­te­rie très signi­fi­ca­tive des pleins pou­voirs règle­men­taires don­nés à l’industrie nucléaire.

L’exploitant n’a pas à tenir compte de l’intérêt du pays, de l’intérêt des citoyens. Il n’a même pas à prendre en compte les risques énormes qu’il peut faire cou­rir à la popu­la­tion. En prin­cipe c’est l’Etat qui devrait agir dans l’intérêt géné­ral et parer aux risques sani­taires et aux  risques d’accident, mais il n’est pas en état actuel­le­ment de le faire.

Certes l’Autorité de Sûre­té Nucléaire peut deman­der la fer­me­ture d’une cen­trale en cas de risques majeurs,  mais les pro­cé­dures de contrôle, très poin­tillistes et ana­ly­tiques, obéissent à une théo­rie de la sûre­té qui exclue les risques sys­té­miques et l’enchaînement cau­sal  de dys­fonc­tion­ne­ments mineurs menant à une catas­trophe majeure. L’ASN n’a encore jamais deman­dé la fer­me­ture d’une cen­trale, alors qu’on a vu déjà des inci­dents graves et répé­tés sus­cep­tibles, un jour, de débou­cher sur un désastre nucléaire et qui, d’ores et déjà, pro­voquent une conta­mi­na­tion pro­gres­sive de l’environnement. L’ASN est une ins­tance tech­ni­co-admi­nis­tra­tive, c’est à dire tech­no­cra­tique, dont les membres sont for­més dans la même logique que les tech­ni­ciens du nucléaire. L’ASN ne repré­sente pas le peuple.  Le pou­voir poli­tique en matière d’infrastructures éner­gé­tiques est pas­sé à la trappe.

J’entends  beau­coup de monde, y com­pris chez les éco­lo­gistes, cri­ti­quer la  stra­té­gie actuelle de Ségo­lène Royal pour contour­ner l’impuissance orga­ni­sée des pou­voirs publics en matière de nucléaire, mais je n’entends per­sonne dire qu’il est impé­ra­tif de chan­ger cette règle­men­ta­tion qui per­met au lob­by nucléaire de domi­ner l’Etat. En cette période de cam­pagne élec­to­rale, au lieu de cra­cher, de manière infan­tile, sur le gou­ver­ne­ment, il est capi­tal d’agir en tant que citoyens et en tant que mili­tants poli­tiques pour débus­quer dans notre appa­reil légis­la­tif et règle­men­taire – et pour les éra­di­quer – toutes les dis­po­si­tions qui donnent  le pou­voir aux lob­bies et privent les pou­voirs publics de leur capacité.

Nicole Roe­lens,

pré­si­dente fon­da­trice de l’Association Stop Fessenheim