La question de la sûreté des installations industrielles se pose de plus en plus: risques liés aux produits, risques liés aux process, risques d’attaques criminelles d’origine diverse.
Sans remonter aux catastrophes de Seveso et au nuage de dioxine ou à l’explosion d’AZF on peut rappeler les attentats plus récents, aux conditions peu claires, sur le site d’Air Products de Saint Quentin Fallavier et les « incendies criminels » sur deux cuves d’hydrocarbures de la raffinerie Lyundell Bassell à Berre l’Etang.

Les réponses par prise de textes légis­la­tifs sup­plé­men­taires avaient déjà été nom­breuses (notam­ment direc­tives euro­péennes, loi du 30 juillet 2003 rela­tive à la pré­ven­tion des risques natu­rels et tech­no­lo­giques, créa­tion des plans de pré­ven­tion des risques technologiques…).

Après le rap­port du Bureau d’a­na­lyse des risques et des pol­lu­tions atmo­sphé­riques sur la mal­veillance dans ce domaine et un audit géné­ral de la sécu­ri­té fin 2015 l’E­tat a déci­dé d’a­gir pour la sûre­té des ins­tal­la­tions indus­trielles dangereuses…comme il agit dans le domaine spé­ci­fique du risque majeur que repré­sente l’in­dus­trie nucléaire: moins de trans­pa­rence et plus de répression.

Le fac­teur ambiant aggra­vant du « risque ter­ro­riste » rend cette approche par­ti­cu­liè­re­ment signi­fi­ca­tive pour  l’a­na­lyse  des logiques mises en oeuvre dans la concep­tion de la prévention.

Limi­ter l’information:

Le 5 sep­tembre 2017, lors du conseil supé­rieur de la pré­ven­tion des risques tech­no­lo­giques, une ins­truc­tion qui doit être sou­mise à signa­ture minis­té­rielle a été pré­sen­tée; elle ne sera pas publiée au Jour­nal offi­ciel de la Répu­blique fran­çaise et met donc de fait fin à la transparence.

Même si le texte est cen­sé conci­lier infor­ma­tion des popu­la­tions et pro­tec­tion des ins­tal­la­tions clas­sées on peut craindre qu’il ne soit opé­rant dans la res­tric­tion du besoin d’in­for­ma­tion légi­time du public et inopé­rant dans celui de la pré­ven­tion des actions malveillantes.

Par ailleurs, motifs « ter­ro­ristes » ou pas, le risque d’ac­ci­dent nucléaire est suf­fi­sam­ment connu, notam­ment en Alsace, sans qu’il soit besoin de développer.

Mais l’ac­tion récente des mili­tants de Geen­peace est impor­tante et  remar­quable: le feu d’ar­ti­fice tiré au pied de la cen­trale de Cat­te­nom vou­lait dénon­cer le risque pré­sen­té par les pis­cines de com­bus­tible radio­ac­tif non pro­té­gées suf­fi­sam­ment (pas de double enceinte ou d’en­ceintes ren­for­cées pour confi­ne­ment de ces com­bus­tibles usés qui peuvent conte­nir plus de com­bus­tible que les coeurs de réac­teurs – 63 pis­cines de ce type en France.

Dès 2015 le Par­le­ment avait alour­di les peines encou­rues pour ce type d’ac­tions et les mili­tants de Green­peace risquent plu­sieurs années de pri­son et des dizaines de mil­liers d’eu­ros d’amende.

Certes don­ner des infor­ma­tions à des per­sonnes mal inten­tion­nées est un risque réel et la trans­pa­rence sur cer­taines don­nées peut l’aggraver.

Mais y répondre par la ten­ta­tion de la répres­sion ne peut être consi­dé­ré comme une réponse satisfaisante.

 Parce que la rai­son « sécu­ri­té » « sécu­ri­taire » évo­quée ne prend pas en compte l’o­ri­gine du risque et les res­pon­sa­bi­li­tés de ceux qui orga­nisent ces risques – ain­si les Alsa­ciens connaissent trop le dos­sier Sto­ca­mine, comme ils connaissent les démê­lées judi­ciaires d’EDF avec les fuites non révé­lées à Fes­sen­heim – la réponse « opa­ci­té et répres­sion » est déjà contestable.

Mais l’es­sen­tiel est ailleurs: les citoyens sont consi­dé­rés a prio­ri comme des inca­pables, au sens juri­dique du terme, dans la lutte pour la sécu­ri­té de ces ins­tal­la­tions dan­ge­reuses, clas­sées ou non. Il n’est pas ques­tion de consul­ta­tions, sinon formelles.

 En fait, c’est bien le droit à l’in­for­ma­tion tel que pré­vu par exemple par des direc­tives euro­péennes qui pré­voient acces­si­bi­li­té et par­tage de l’in­for­ma­tion, qui est mena­cé dans son prin­cipe même: « le citoyen a droit à l’in­for­ma­tion sur les risques qu’il encourt en cer­tains points du ter­ri­toire et sur les mesures de sau­ve­garde pour s’en pro­té­ger (loi de 1987 rela­tive aux incen­dies de forêts et à la pré­ven­tion de risques majeurs » – article abro­gé depuis.

 Alors?

Menaces sur la trans­pa­rence et le droit à l’in­for­ma­tion, lourdes sanc­tions pénales contre les « dénon­cia­teurs »  – venant après les mesures de répres­sion contre les lan­ceurs d’a­lerte qui ont abou­ti à une évo­lu­tion légis­la­tive -, c’est toute une phi­lo­so­phie qui est en jeu dans le débat socié­tal actuel du droit à l’in­for­ma­tion, dans ces domaines comme dans bien d’autres, dans un contexte sécu­ri­taire exacerbé.

 « Dor­mez braves gens, on s’oc­cupe du reste »: les citoyens ne sont pas obli­gés de croire  ni d’ac­cep­ter, dans ces domaines des ins­tal­la­tions clas­sées et du  nucléaire, la poli­tique du chlo­ro­forme et du bâton.

L’ap­proche sécu­ri­taire, la volon­té de contrôle de l’in­for­ma­tion sont les recours de pou­voirs poli­tiques impuis­sants. On peut pré­fé­rer les pou­voirs orga­ni­sés de citoyens conscients et responsables.

 C.R

[Action Green­peace] Feu d’ar­ti­fice à Cat­te­nom pour dénon­cer le risque nucléaire