Un métier peu (re)connu
On les remarque bien moins souvent que les professeur(e)s des écoles, avec lesquelles elles travaillent pourtant au quotidien de manière complémentaire. Elles, ce sont les ATSEM. Un acronyme pas très mélodieux, pour désigner les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles. Par le passé, elles ont souvent été confinées à des fonctions subalternes au sein des établissements scolaires : le dodo, le pipi, le nettoyage des jeunes enfants, c’était toujours pour elles. Ça l’est resté. Mais la fonction évolue. Selon les anciennes dispositions règlementaires, leurs fonctions se bornaient en effet à « l’accueil et au maintien de l’hygiène des petits ». Un nouveau décret, signé le 1er mars 2018, reconnait enfin une fonction éducative à ces agents, ce qui allait de soi pour de nombreux d’enseignants. Ainsi, la loi affirme désormais que « Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles appartiennent à la communauté éducative. Ils peuvent participer à la mise en œuvre des activités pédagogiques prévues par les enseignants et sous la responsabilité de ces derniers ».
Cela n’a l’air de rien, mais ça change beaucoup de choses pour elles, dont on n’attendait jusqu’alors qu’une simple « participation » à cette communauté éducative. Là encore, le nouveau décret leur permet d’évoluer désormais vers des postes à responsabilité, ainsi qu’à la catégorie B de la fonction publique territoriale, plus rémunératrice.
Ces droits nouveaux ne leur sont bien sûr pas tombés du ciel. Les grèves de 2016 et 2017 ont alerté sur les conditions d’exercice de ces femmes, de sorte qu’Annick Girardin, ministre de la Fonction Publique de François Hollande, s’était fendue de promesses quant à l’amélioration de leurs conditions de travail. Reprenant alors les pistes envisagées par un rapport du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale sur le sujet.
Mais en termes administratifs concrets, elles sont encore pour la plupart des agents de catégorie C de la fonction publique territoriale (de loin la moins rémunératrice). 87% sont titulaires. Le reliquat de 13% est constitué par des contractuelles, encore plus mal rémunérées, souvent peu formées et employées à temps partiel, mais surtout en situation de grande précarité. Comme on s’y attendrait, compte tenu la dureté de la profession et son faible niveau de rémunération, les 51 700 agents recensés sur le territoire national sont à 99,6% des femmes. Et 20% parmi elles ont plus de 55 ans.
La situation à Mulhouse
Reconnaitre le rôle des ATSEM à l’école et dans les classes est certes une chose essentielle. Améliorer leur cadre de travail en est une autre. Or, à Mulhouse, la situation est à l’unisson du mot d’ordre général en matière de dépenses publiques. Couper dans toutes les dépenses, quel qu’en soit le prix social… et éducatif ! Car pour ces agents, qui officient sous la coupe de la municipalité mulhousienne, la saignée budgétaire a déjà deux ans d’âge ! Bien entendu, la ville jure ne viser que l’amélioration des conditions pratiques de leur exercice au quotidien. A ceci près que cela se traduit par une baisse de leurs effectifs ! Convoquées pour une réunion organisée en mairie le mardi 16 octobre 2018, de 9h30 à 11h30, soit en pleine période de cours, occasionnant de ce fait une protestation de certains enseignant-e‑s pour motif d’insécurité, (comme en témoignent deux courriers rédigés par le syndicat SNUIPP-FSU, ainsi que par FO, restés lettre morte, à destination de la maire de Mulhouse), les responsables municipaux semblent avoir laissé les agents dans la stupeur.
Des remerciements qui sonnent creux à leurs oreilles
Après les avoir abondamment pommadés pour la qualité de leur travail, il leur a été confirmé que le principe du « N‑1 » serait dorénavant le standard de fonctionnement dans les écoles maternelles de la ville. C’est-à-dire une ATSEM de moins que le total des classes dans une école. Par exemple, 4 ATSEM à disposition de 5 classes. La ville met ainsi un terme au principe de binôme enseignant-ATSEM dans chaque classe maternelle à Mulhouse. Elles auront donc pour obligation de fractionner leurs interventions dans chacune des classes d’un établissement. Sont confirmées à cette occasion la suppression progressive de postes, par le non remplacement des départs à la retraite.
Jocelyne Martin, ATSEM à Mulhouse, raconte par le menu dans une interpellation écrite son sentiment d’incompréhension et d’abandon, et la façon dont:
« sous couvert de certaines excuses déplorables et qui sont pour notre bien », on leur laisse croire qu’elles sont « exploitées et prisonnières des enseignants » !
Chercher à diviser des salariés pour mieux justifier une attaque contre d’autres salariés, une technique politique pas vraiment nouvelle, mais qui semble connaitre quelques ratées auprès des élus mulhousiens. Ce faisant, Jocelyne s’inquiète par ailleurs du devenir des enfants non francophones et non sociabilisés, qui ont besoin de sécurité et d’au moins deux adultes auprès d’eux. Elle évoque également la fait que la charge mentale risque de peser davantage pour elle et toutes ses collègues, qui auront sur 5 classes, par exemple, à reconnaitre 130 visages, prénoms et parents, et à évoluer dans 5 organisations différentes, et autant de repères distincts !
Nathalie Baldassi est quant à elle professeure des écoles à Mulhouse. Elle souligne dans son témoignage le rôle essentiel de l’ATSEM dans la pratique pédagogique. Et de les comparer à des EJE (éducatrices de jeunes enfants, une formation reconnue au niveau Bac+3), fonction d’autant plus essentielle que toutes les écoles de Mulhouse sont situées en zone « REP+ » (à l’exception de l’école de Dornach, qui n’est qu’en REP !), soulignant ainsi le besoin fondamental de moyens humains et matériels dans ces zones socialement défavorisées.
« Les priorités budgétaires de la mairie concernant les jeunes élèves ne sont pas à la hauteur des difficultés que rencontrent nos élèves ». Clame-t-elle. De sorte que « ce ne sont ni des augmentations de salaire ni des locaux neufs qui compenseront de mauvaises conditions de travail », dès lors que « les missions de plus en plus nombreuses des ATSEM ne sont absolument pas valorisées ».
Regrettant à ce sujet que:
« leur implication dans les projets des classes avait bien évolué en étant une ATSEM par classe. Mais maintenant il faut revenir en arrière, se contenter des préparations matérielles. Elles ne peuvent plus établir de liens avec les enfants » …
De ce fait, Jocelyne Martin et Nathalie Baldassi réclament toutes deux le retour au principe d’une ATSEM pour chacune des classes des écoles maternelles de la ville de Mulhouse.
En dépit de 2 appels téléphoniques et un courriel envoyé auprès de ses services, Chantal Risser, ajointe en charge de l’éducation auprès de la ville de Mulhouse, n’a pas répondu à nos sollicitations.