Alors qu’aucune inter­dic­tion ne semble encore pré­vue pour le same­di 23 mars, à Mul­house ou Col­mar, les deux prin­ci­pales villes du Haut-Rhin où se sont régu­liè­re­ment consti­tués des cor­tèges de gilets jaunes ces der­nières semaines, les inter­dic­tions de mani­fes­ter com­ment à pleu­voir sur tout le territoire. 

Pas­sant de l’interdiction à quelques quar­tiers, notam­ment pari­siens, ayant subi les assauts des « émeu­tiers » lors de l’acte 18 des mani­fes­ta­tions du same­di 16 mars, le gou­ver­ne­ment accède aux sou­haits de poli­ti­ciens qui ins­tru­men­ta­lisent la ten­sion, en récla­mant une inter­dic­tion totale de mani­fes­ta­tion sur leurs territoires. 

Ain­si, les villes de Nice (sur la demande expresse de son maire, Chris­tian Estro­si), Mar­seille et Metz pour le Grand Est (MAJ: à Metz les ras­sem­ble­ments seront auto­ri­sés, mais pas les défi­lés !), ont d’ores et déjà inter­dit tout ras­sem­ble­ment pour le same­di 23 mars, par le biais d’arrêtés préfectoraux. 

Le gou­ver­ne­ment pro­met inter­pel­la­tions et amendes, en cas de ras­sem­ble­ments irré­gu­liers consta­tés par les forces de l’ordre.  

Bien évi­dem­ment, les groupes de gilets jaunes des sec­teurs concer­nés ont fer­me­ment l’intention de conti­nuer à faire usage de leur droit consti­tu­tion­nel le plus élé­men­taire, et donc de se ras­sem­bler, ain­si qu’ils l’ont fait chaque same­di durant dix-huit semaines.

Mais au cours des der­niers jours, le plus lourd de consé­quence de la part des res­pon­sables gou­ver­ne­men­taux, fut d’annoncer que la sol­da­tesque de la mis­sion anti­ter­ro­riste « sen­ti­nelle », serait désor­mais mobi­li­sée de manière « ren­for­cée », cela offi­ciel­le­ment afin de pro­té­ger les bâti­ments publics. 

Sachant qu’il s’agit évi­dem­ment d’a­ver­tir l’opinion publique que le main­tien de l’ordre serait conjoin­te­ment assu­ré par des mili­taires en armes, et prêts à tirer sur la popu­la­tion mani­fes­tante, en cas de besoin. Et d’ac­cré­di­ter l’i­dée folle qu’il existe un enne­mi inté­rieur qu’il fau­drait abattre. 

Au demeu­rant, le gou­ver­neur mili­taire de Paris n’a pas exclu « l’ouverture du feu », ce matin sur France-Info, comme aux plus belles heures ver­saillaises, ou de la grève de 350 000 mineurs en1948, qui s’é­tait sodée par l’in­ter­ven­tion de l’ar­mée aux côtés des CRS. Bilan: un couvre-feu, 6 morts, des mil­liers de bles­sés, et 3000 licenciements. 

Cela alors même que les sol­dats de sen­ti­nelle, sur­me­nés depuis de nom­breux mois par leurs mis­sions de pro­tec­tion et de sécu­ri­sa­tion de lieux « sen­sibles », s’in­quiètent par avance des nou­velles tâches qui leur incombent. Un sol­dat témoi­gnant encore sur la radio publique de ce qu’il « ne sait pas faire du main­tien de l’ordre ». Et qu’il ne se sen­tait pas le devoir de défendre un gou­ver­ne­ment, mais son pays. 

Un droit consti­tu­tion­nel est ain­si métho­di­que­ment fou­lé aux pieds par ses propres garants. Et les mêmes cherchent aujourd’hui à dis­sua­der, sinon inti­mi­der, les citoyens sus­cep­tibles d’exer­cer libre­ment l’une de leurs pré­ro­ga­tives les plus fon­da­men­tales, au risque d’y lais­ser leur peau. 

C’est là un geste révé­la­teur de la part d’un gou­ver­ne­ment sup­po­sé­ment démo­crate, qui conti­nue sciem­ment à ali­men­ter l’escalade de la colère et de la haine contre lui, au pro­fit de l’é­lite sociale qu’il sur-repré­sente, mais ne par­vient tou­te­fois plus à défendre sans encombre. 

Au point de se com­por­ter rien moins que comme une clique de fac­tieux légaux, dans toute sa splen­deur autocrate.