Vivons-nous dans le même monde ? Alors que les cor­tèges de ce 1er mai 2019 ont ras­sem­blé bien plus de monde qu’en 2018, que dans les plus de 240 mani­fes­ta­tions les gilets jaunes ont fra­ter­ni­sé avec les syn­di­cats appe­lant à la mobi­li­sa­tion, les médias n’ont vu qu’une seule infor­ma­tion digne d’être trai­tée sur toutes les chaînes, dans tous les jour­naux, quo­ti­diens et heb­do­ma­daires réunis : les vio­lences à Paris. Etait-ce vrai­ment le mes­sage prin­ci­pal que ce 1er mai 2019 nous renvoie ?

Assu­ré­ment non ! La CGT annonce 310.000 mani­fes­tants. Comme de bien enten­du, le si fiable Minis­tère de l’Intérieur en a décomp­té 151.000 ! Quant on sait que la Pré­fec­ture de Police de Paris chiffre à… 16.000 par­ti­ci­pants à Paris alors que le cabi­net man­da­té par quelques médias en dénombre 40.000… Bon, à vous de faire les règles de trois néces­saires pour arri­ver à un chiffre précis.

Mais quelque soit le comp­tage, tout le monde s’accorde à dire qu’il y avait plus de monde dans les rues qu’en 2018. Ce n’est évi­dem­ment pas une infor­ma­tion sen­sa­tion­nelle pour les médias qui annoncent à tout bout de champ la mort des syn­di­cats, la fin des luttes sociales, la dis­pa­ri­tion défi­ni­tive de la soli­da­ri­té entre tra­vailleurs, le triomphe abso­lu de l’individualisme au sein d’un monde capi­ta­liste abouti… 

Thé­ma­ti­ser la violence

Depuis plus de six mois à pré­sent, les gilets jaunes mobi­lisent chaque semaine. Là éga­le­ment, les chiffres sont sujets à cau­tion et donnent lieu à des intox dans laquelle le M. Cas­ta­ner est deve­nu un expert. Le chiffre le plus impor­tant néan­moins, c’est celui du nombre de Fran­çais qui conti­nuent de sou­te­nir les gilets jaunes : ils sont encore plus de 50% après 6 mois de lutte et moultes ten­ta­tives de déni­gre­ment du mouvement.

Bien que l’instrumentalisation de la vio­lence n’ait pas déva­lo­ri­sé la mobi­li­sa­tion, le pou­voir conti­nue d’utiliser ce thème en espé­rant rendre toute mani­fes­ta­tion impo­pu­laire. Les pré­dic­tions de mani­fes­ta­tions ultra-vio­lentes jus­ti­fiant les inter­ven­tions mus­clées des forces de police, se sont avé­rées en par­tie à Paris mais nulle part ailleurs. Voi­là une autre infor­ma­tion mar­quante de cette jour­née dont les médias n’ont qua­si­ment pas évoquée.

Même répé­té dix mille fois, un men­songe ne devient pas pour autant une vérité !

Com­ment peut-on com­prendre l’intervention de M. Cas­ta­ner et de M. Hirsch (qu’on a connu plus pru­dent que cela par le pas­sé !) qui annon­çaient de concert que l’hôpital de La Pitié Sal­pê­trière avait été « atta­qué » par des mani­fes­tants ! Dans cet éta­blis­se­ment comme dans beau­coup d’autres de l’Assistance publique, les méde­cins et per­son­nels soi­gnants sont en grève et des mani­fes­tants ont expri­mé par des tags leur sou­tien à cette lutte.

Les deux com­pères voyaient-ils un bon moyen de déna­tu­rer d’une même manière la mani­fes­ta­tion et la grève du per­son­nel ? On pour­rait le croire puisqu’il n’a pas fal­lu vingt-quatre heure pour que la véri­té appa­raisse : non, il n’y a pas eu d’attaque mais la recherche par des mani­fes­tants d’échapper à des charges policières. 

Là éga­le­ment, sans véri­fi­ca­tion aucune, les médias ont repris sans sour­ciller les pro­pos de MM. Cas­ta­ner et Hirsch quitte à rétro­pé­da­ler le lendemain… 

3.500 mani­fes­tants en Alsace

Dans notre région éga­le­ment, le nombre de par­ti­ci­pants était bien plus impor­tant qu’en 2018. La pré­sence en nombre de gilets jaunes a étof­fé le cor­tège mul­hou­sien et une ambiance bon enfant pla­nait sur la mani­fes­ta­tion qui se ter­mi­na par un raout sym­pa­thique parc Salvator.

Mais chez nous comme ailleurs se pose bien la ques­tion : et maintenant ?

Ce 1er mai a démon­tré qu’une grande par­tie de la popu­la­tion n’a pas été abu­sée par la diver­sion que devait être le « Grand » débat ! Les annonces de M. Macron n’ont pas convain­cu pour une rai­son simple : entê­té, le Pré­sident de la Répu­blique ne veut recon­naître que sa poli­tique menée depuis sont élec­tion dans la conti­nui­té de cette de M. Hol­lande, est la cause fon­da­men­tale des dif­fi­cul­tés que ren­contre les Fran­çais. Qui peut croire qu’on peut en même temps bais­ser les impôts tout en refu­sant de réins­tau­rer l’ISF et aug­men­ter les ser­vices publics ? Qui peut croire que la crise démo­cra­tique peut se régler par des arti­fices tels que le tirage au sort d’une assem­blée devant soli­lo­quer sur le cli­mat… dont on connaît déjà les enjeux et les solutions…

La dés­union du mou­ve­ment syn­di­cal contri­bue à son affai­blis­se­ment. La CFDT crie vic­toire car elle a obte­nu du Gou­ver­ne­ment, la tenue d’une « confé­rence sur l’emploi et les enjeux éco­lo­giques » le 6 mai pro­chain. Pour la cen­trale de M. Ber­ger c’est qua­si­ment une obses­sion de vou­loir être consi­dé­ré par M. Macron comme un « par­te­naire » : mais le risque est gros. Si cette « confé­rence » est de la même veine que le « grand débat », c’est-à-dire une affaire au stric­to sen­su de com­mu­ni­ca­tion, le syn­di­ca­lisme  va encore perdre en crédibilité.

La CGT quand à elle, tout comme FO, tente de rebon­dir sur la  colère expri­mée par le mou­ve­ment des gilets jaunes. Mais la méfiance envers les syn­di­cats dans leur glo­ba­li­té n’aide pas d’autant plus que les deux cen­trales n’ont pas bien ana­ly­sé le mou­ve­ment à son ori­gine, y voyant plus un épi­sode réac­tion­naire mani­pu­lée par l’extrême-droite.

La CGT pré­pare son congrès qui se tien­dra dans quelques jours, du 13 au 19 mai à Dijon. Lors des pré­cé­dentes assises, peu de choses en sor­taient : il s’agissait plus d’affrontements de pos­ture alors que ce syn­di­cat, comme tous les autres, devrait réflé­chir sur l’affaiblissement durable du syn­di­ca­lisme non seule­ment en France mais dans tous les pays déve­lop­pés. L’absence qua­si géné­rale de la jeu­nesse dans le syn­di­ca­lisme pose la ques­tion de son ave­nir. Pour­tant, dans un monde du tra­vail tota­le­ment pré­ca­ri­sé, avec des injus­tices sociales de plus en plus impor­tantes et fla­grantes, le syn­di­ca­lisme devrait trou­ver matière à se développer.

Nous sommes sur une voie de dis­pa­ra­tion de la majeure par­tie des acquis sociaux. Les réformes à venir sur la retraite et l’assurance chô­mage entre autres, seront de nou­velles remises en cause. Pour­tant, res­ter cam­per sur la « défense des acquis sociaux » n’est pas une pers­pec­tive qui remue les masses qui attendent tou­jours encore, les idées révo­lu­tion­naires des orga­ni­sa­tions syn­di­cales pour réen­chan­ter leur vie…