Une situation qui déraille et une piètre qualité de service… aux fins d’une ambition transfrontalière !
Surbooké par sa présidence de la super-région Grand Est, ses vacations d’urgentiste-secouriste au GHRMSA (au sein d’un service des urgences de l’hôpital Émile Muller de Mulhouse à l’agonie), voici Jean Rottner se transformant en aiguilleur du rail. Et la perspective n’est pas des plus réjouissantes, tant la voie de garage risque bien de poindre brusquement à l’horizon !
Selon la Cour régionale des comptes, en 2017, le service TER du Grand Est se classait au 2 ème rang national, en termes de régularité, « malgré un réseau très étendu sur lequel circule un trafic important ».
Mais derrière l’apparente constance du pendule se dissimule néanmoins une mécanique oxydée, au fonctionnement grippé, dont les usagers du TER Grand-Est peuvent témoigner au quotidien.
La qualité du service baisse de manière générale, ce que documentent les magistrats financiers, dans leur « Rapport d’observations définitives sur la gestion du Transport Express Régional », publié en juin 2019. Les trains en retard et les suppressions de correspondances se multiplient, et affectent particulièrement des liaisons très fréquentées, notamment en Alsace, le long de la verticale Bâle-Strasbourg.
Mais la détérioration du service provient tout autant de « l’état dégradé du réseau ferré sur plusieurs lignes », prévient la Cour.
Une dégradation à l’ampleur « mal connue » dans les différents secteurs ferroviaires régionaux, précisent les magistrats.
Un calendrier d’investissements, encore à l’ébauche, évalue la remise à niveau des voies à un montant provisoire de 1,5 milliard d’euros, d’ici à 2050. Par ailleurs, l’évolution des infrastructures, notamment dans les zones frontalières, et le processus de renouvellement et d’homogénéisation des matériels nécessiteront de fortes capacités financières de la part de la région dans les années à venir, elle qui dispose de la compétence du secteur ferroviaire voyageur, et choisit ainsi l’exploitant à qui elle la délègue, aujourd’hui la SNCF, demain peut-être un concurrent privé.
En effet, la Région Grand-Est fait état du déploiement d’un dispositif relatif aux liaisons transfrontalières vers le Luxembourg et l’Allemagne. Il constitue désormais un enjeu majeur pour la région et la SNCF, en raison de la saturation des réseaux routiers, notamment provoquée par le nombre croissant de travailleurs frontaliers.
D’ici le 1er janvier 2020, le matériel roulant circulant vers le Luxembourg devra donc s’inscrire dans un système de gestion du trafic ferroviaire européen. De ce fait, renforcer les dessertes transfrontalières semble constituer une priorité régionale. D’où le choix de s’orienter vers des acquisitions communes de matériel roulant, en partenariat avec les voisins allemands.
C’est d’ailleurs précisément ce que Jean Rottner se prépare à consacrer le 22 octobre prochain, où il officialisera la commande de 39 trains Coradia Polyvalent lors d’une visite sur le site d’Alstom, à Reichshoffen, en compagnie du Directeur adjoint de TER Grand Est, et de représentants des Länder de Sarre, de Rhénanie-Palatinat et du Bade-Würtemberg.
Rappel du train d’enfer syndical et politique provoqué par un accident de TER en Champagne-Ardenne
Il est évidemment trop tôt pour établir une cause de l’accident survenu le 16 octobre 2019 en Champagne-Ardenne. En effet, un TER reliant Charleville-Mézières à Reims a percuté un convoi exceptionnel coincé sur un passage à niveau, vers Saint-Pierre-sur-Vence, dans les Ardennes. 70 voyageurs étaient à bord. On ne recense que 11 blessés légers.
Pourtant, un élément déclencheur a mis le feu aux poudres syndicales, dont la réplique a eu des effets rebonds en matière politique.
Le conducteur, blessé et choqué, « a dû porter secours aux passagers car c’était le seul agent SNCF à bord », selon le syndicat SUD-Rail. Il se trouve que le machiniste était soumis au dispositif de conduite dit EAS pour « équipement agent seul », aujourd’hui généralisé dans nombre de rames TER Grand-Est.
Ce mode d’exploitation du ferroviaire voyageur permet de faire circuler des trains sans la présence de contrôleur. Ou plus exactement, soumet le contrôle des usagers à un régime comparable à celui des transports urbains, c’est à dire un contrôle aléatoire.
Expérimenté depuis 2009 en Alsace sur la ligne Strasbourg-Molsheim, et généralisé en 2013 en dépit de l’opposition de quelques syndicats, dont la CGT cheminots et SUD Rail, le dispositif reste fortement contesté en interne.
Ceci expliquant la suppression d’une vingtaine de TER entre Mulhouse, Bâle, Colmar, Belfort, Kruth et Metzeral, ce vendredi. Une dizaine de contrôleurs (sur quinze) et une vingtaine de conducteurs (sur un total de 85) basés au dépôt de Mulhouse ont exercé un « droit de retrait » (sur lequel nous revenons plus bas) en réaction à l’accident survenu en Champagne-Ardenne.
L’Alsace du 19 octobre citant par ailleurs le membre du syndicat Jonathan Seiller à ce sujet : « Dès le début, nous avons listé les problèmes que cela risquait de poser, mais la direction les jugeait improbables, donc acceptables. Nous savions qu’il finirait par se passer quelque chose. » Et d’évoquer un autre problème technique survenu le 8 aout dernier en gare d’Illfurth.
Une situation hasardeuse et potentiellement dangereuse, qui n’a donc certainement pas concouru à apaiser les voyageurs lors du choc : « les usagers paniqués par l’attente ont fini par casser les vitres et se sont blessés avec les éclats. Ça ne peut plus durer, les conducteurs ne peuvent pas tout gérer seul, déclare un syndicaliste cité par « Le courrier Picard ».
De ce fait, les syndicats ont fait valoir leur droit de retrait depuis le 17 octobre. Celui-ci permet aux salariés d’opposer à leur employeur un danger « grave et imminent » , « susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée », en cas de poursuite de l’activité.
Le fait a bien sûr occasionné un arrêt de travail en chaine, et donc des suppressions de trains, y compris depuis et vers Paris, en pleine période de vacances de la Toussaint.
Depuis lors, direction de la SNCF et gouvernement spéculent sur le caractère « illégal » d’une « grève sauvage » , sur le « détournement du droit de retrait », et se livrent à un concours de disqualification syndicale assez misérable, en pensant capitaliser sur l’incompréhension des usagers.
L’exercice de basse volée politique consistant à dénier la réalité du danger éprouvé par le personnel cheminot, alors même que ce danger n’a pas à être « démontré », selon la jurisprudence en vigueur !
Les mêmes relèvent par ailleurs, de manière tout aussi grossière, l’absence de préavis, lequel n’a pas lieu d’être, s’agissant d’une réaction spontanée de la part des salariés, et non d’une grève.
Cette triste grimace politique aura au moins un temps servie de contre-feu social pour la macronie, afin de masquer les turpitudes liées aux problèmes de fond, à propos desquels aucune réponse concrète n’a été donnée par l’exécutif. A savoir, le bénéfice de conditions matérielles garantissant une mise en sécurité effective des voyageurs et agents de la SNCF, au regard d’infrastructures ferroviaires vieillissantes et défaillantes, dans le Grand Est comme dans toute la France. Donc le besoin de replacer du personnel au sein des lignes TER.