A pro­pos d’un article de l’Alsace paru le 9 juillet, inti­tu­lé « Fabri­quer des voi­tures en période de pan­dé­mie », article concer­nant le site de PSA Mul­house, je tiens à réta­blir ma véri­té, car la véri­té his­to­rique racon­tée par ceux d’en haut n’est jamais celle vécue par ceux d’en bas.

Je suis sala­rié à PSA Mul­house au Mon­tage et mili­tant CGT.

Dans l’article en ques­tion, il est expli­qué que Peu­geot a tout fait pour pro­té­ger ses sala­riés et était à la pointe des mesures barrière.

S’il est vrai qu’à par­tir du 26 février, des affiches étaient pla­car­dées pour deman­der « d’éviter tout contact phy­sique pour se saluer, se laver régu­liè­re­ment les mains, se mou­cher ou éter­nuer dans son coude », il est faux de dire que « depuis le 26 février, plus per­sonne chez PSA ne se ser­rait la main. »

Au contraire, le dis­cours de la hié­rar­chie était qu’il est mal­po­li de ne pas se ser­rer la main, qu’il faut arrê­ter la psy­chose, etc.

Ce qui a fait un élec­tro­choc, une prise de conscience de la gra­vi­té de la situa­tion à l’usine, çà a été la fer­me­ture des écoles, une semaine avant le reste de la France, pas l’attitude de la Direc­tion de PSA.

S’il est vrai que les sala­riés reve­nant de week-end en Ita­lie ce mois de février étaient mis en qua­tor­zaine, il n’en a pas été de même pour les proches et contacts des sala­riés qui tom­baient malades du COVID au sein de l’usine, et il y en a eu..

Lorsqu’en tant que syn­di­ca­liste on essayait de savoir si tel sala­rié qui a été ren­voyé chez lui était malade du COVID, la hié­rar­chie nous répon­dait « secret médi­cal », et ne pré­ve­nait pas l’équipe du malade !

Le 5 mars, au Mon­tage, une ving­taine de caristes débrayèrent et se mirent en « droit de retrait » car un des leurs était malade du COVID,  depuis quelques jours et la Direc­tion ne fai­sait et ne disait rien. Ce col­lègue avait été hos­pi­ta­li­sé le 1er mars puis est décé­dé le 9 mai.

L’article de l’Alsace affirme que « le site haut-rhi­nois aurait dû être un clus­ter majeur sur le plan sani­taire. » … « Mais glo­ba­le­ment, l’industriel a réus­si à évi­ter l’hécatombe qui se pro­dui­sait dans le Sud Alsace. » Mais en fait le nombre de  malades Peu­geot a explo­sé pen­dant le confi­ne­ment. Ces malades ont attra­pé le virus les jours avant la fermeture.

 Je connais un sala­rié qui a per­du son père, son oncle et le fils de son oncle. J’en connais un qui est encore en réédu­ca­tion après avoir été intu­bé et dans le coma. Au début du confi­ne­ment, chaque jour, une dizaine de sala­riés du site appe­laient l’infirmerie pour dire qu’ils étaient atteints par le virus. Et beau­coup de malades n’appelaient pas.

« Com­bien ont été atteints en réa­li­té ? Et ce n’est pas pen­dant le confi­ne­ment que la majeure par­tie d’entre eux ont été conta­mi­nés, mais avant, sans doute sur les lignes de mon­tage, les ves­tiaires où on est tous les uns sur les autres, dans les bus, puisque des chauf­feurs ont éga­le­ment été touchés ».

L’article dit éga­le­ment qu’il n’y a eu qu’un décès par­mi les sala­riés du site, or à notre connais­sance il y en a eu au moins 2. (un en Logis­tique et un au sec­teur Habillage Porte.) Mais com­bien ont trans­mis le virus dans leur famille et ain­si fait mou­rir invo­lon­tai­re­ment des proches ? Com­bien en ont souf­fert et ont des lésions à vie ?

Oui, com­bien ont été atteints en réa­li­té ? Et ce n’est pas pen­dant le confi­ne­ment que la majeure par­tie d’entre eux ont été conta­mi­nés, mais avant, sans doute sur les lignes de mon­tage, les ves­tiaires où on est tous les uns sur les autres, dans les bus, puisque des chauf­feurs ont éga­le­ment été touchés.

L’article de l’Alsace dit : « Le site a fer­mé ses portes le 16 mars pour res­pec­ter le confi­ne­ment. » Mais ce qu’il ne dit pas, c’est les ten­ta­tives de droit de retrait dans l’usine. Le 12 mars dans le sec­teur PCI, une nou­velle fois une dizaine de sala­riés ont uti­li­sé leur droit de retrait, ne se sen­tant plus en sécu­ri­té. Et ce n’est pas le seul sec­teur dans lequel les sala­riés mena­çaient de se reti­rer de la pro­duc­tion pour se protéger.

Dans la mati­née du 16 mars, un pre­mier CSE eut lieu vers 9h, au cours duquel la Direc­tion annon­çait qu’elle vou­lait conti­nuer à pro­duire en nous fai­sant por­ter des masques, alors même que les hôpi­taux et les Ehpad en man­quaient. Très vite l’information a cir­cu­lé dans les ate­liers et plus per­sonne ne com­pre­nait les mesures de la Direc­tion : pour­quoi conti­nuer à pro­duire des bagnoles dans ces condi­tions ? Un ras­sem­ble­ment appe­lé par la CGT « à l’arrache » a réuni envi­ron 80 per­sonnes au Mon­tage à l’entrée de l’atelier lors de la pause de 11H. La colère et le refus de conti­nuer à tra­vailler montait.

A midi, le deuxième CSE de la mati­née annon­çait l’arrêt de la pro­duc­tion jusqu’à nou­vel ordre. Les sala­riés de la tour­née de l’après-midi étaient déjà dans les bus pour venir à l’usine, et les bus ont fait demi-tour. Le soir, le gou­ve­ne­ment annon­çait le début du confinement.

Le Direc­teur de PSA a dit « Notre objec­tif… a tou­jours été que les sala­riés se sentent en sécu­ri­té. Qu’ils rentrent chez eux le soir en étant ras­su­ré. » Com­ment le croire ?!

Ce sont les sala­riés qui ont impo­sé la fer­me­ture de l’usine car ils ne vou­laient plus tra­vailler dans ces condi­tions plus longtemps !

Et ce mou­ve­ment de rejet, de grève qui ne dit pas son nom, a lieu dans bien des entreprises !

En impo­sant la fer­me­ture, les sala­riés ont pris leur pro­tec­tion, leur san­té, leur vie en mains.