Fré­dé­ric Mar­quet, ancien élu muni­ci­pal, et pré­sident de l’as­so­cia­tion « Mul­house j’y crois », est le mana­ger du com­merce mul­hou­sien, en charge de l’a­ni­ma­tion et de la dyna­mique com­mer­ciale. Il passe pour être à l’o­ri­gine de la bonne tenue de l’offre com­mer­ciale au sein de la ville.

On le lit par exemple sur Twit­ter, se féli­ci­tant en aout 2020 que « Mul­house pour­suit sa belle dyna­mique ! ».

Mar­quet fut aus­si l’un des can­di­dats mal­heu­reux à l’in­ves­ti­ture LREM lors de la der­nière cam­pagne muni­ci­pale de 2020. Échau­dé par sa déso­lante expé­rience poli­tique, ce diplô­mé d’é­cole de com­merce place désor­mais tous ses espoirs dans « Hori­zons », le nou­veau par­ti créé par Édouard Phi­lippe, et des­ti­né à construire une nou­velle offre poli­tique non encore déter­mi­née, mais pos­si­ble­ment redon­dante avec la vacui­té matri­cielle du macronisme.

En témoigne les quelques appré­ciables lignes direc­trices du « mani­feste » dudit par­ti, qui semblent affli­gées du même stra­bisme convergent à double rota­tion cen­tri­pète : le « en même temps », si cher au Pré­sident-ban­quier élyséen. 

Et pour­tant, l’es­poir d’un nou­veau renou­veau poli­tique à la besace, ne per­met tou­te­fois pas à M. Mar­quet d’ou­vrir ten­dan­ciel­le­ment l’ho­ri­zon du ciel com­mer­çant à Mul­house, depuis sa prise de poste en tant que mana­ger du com­merce, en 2011.

Une étude sur les dyna­miques com­mer­ciales pro­po­sée par l’a­gence urbaine de la région mul­hou­sienne (AURM), datée de juin 2021, est, à ce titre, assez édifiante. 

Le tableau ci-des­sus réca­pi­tule le nombre de com­merces et celui des emplois induits entre 2007 et 2019 dans l’en­semble des pôles com­mer­ciaux de M2A. On voit qu’en douze ans, Mul­house a per­du 36 éta­blis­se­ments, mais sur­tout un volume de 840 emplois sur la période. 

Il est vrai, cepen­dant, que si la baisse des effec­tifs a été mar­quée entre 2008 et 2014, elle s’est sta­bi­li­sée depuis lors. 

Changement de paradigme 

Fin de cycle, le chan­ge­ment de modèle de consom­ma­tion est en marche, et rien ne semble devoir l’ar­rê­ter. 50 années après l’a­vè­ne­ment et le déve­lop­pe­ment des hyper­mar­chés et super­mar­chés géné­ra­listes, l’offre com­mer­ciale mute en profondeur. 

Un mar­ché dual se met en place, qui reflète les choix-types de la consom­ma­tion actuelle. D’un côté les hard dis­coun­ters et autres spé­cia­listes des prix cas­sés, qui offrent les débou­chés pré­fé­ren­tiels du com­merce issus du capi­ta­lisme mon­dia­li­sé, notam­ment de la Chine. De l’autre de mul­tiples aspi­ra­tions à consom­mer dif­fé­rem­ment, repo­sant sur des biens de qua­li­té, sou­vent bio­lo­giques ou natu­rels, livrées en vrac, ou même de seconde main.

Les effets de géné­ra­tion jouent plei­ne­ment dans ces muta­tions : les plus jeunes n’ac­cordent que peu d’im­por­tance à l’alimentation, ou l’habillement, voire l’équipement de la mai­son. Les dépenses de loge­ment et de com­mu­ni­ca­tion (télé­pho­nie, for­fait inter­net…) pré­do­minent, et ce public est moins adepte des zones com­mer­ciales périphériques.

La concur­rence s’accroît entre grandes zones com­mer­ciales et com­merces de centre-ville car les hyper­mar­chés accueillent le même type de bou­tiques que celles des centres villes. La chose est mani­feste à Cora Wit­ten­heim ou même à Car­re­four Illzach. 

L’apparition du numé­rique, qui faci­lite la recherche du meilleur prix, offre par ailleurs de nou­veaux canaux d’achat.

En quelques années, les grandes pla­te­formes ont cap­té une par­tie non négli­geable de l’activité mar­chande, et offrent de nou­veaux mar­chés à de petits vendeurs.

L’in­di­vi­dua­li­sa­tion de la consom­ma­tion, de plus en plus sou­vent com­man­dée par le numé­rique, le choix des livrai­sons à domi­cile ou en point relais, se tra­duit par une prise de dis­tance d’a­vec le com­merce phy­sique. Les confi­ne­ments et la crise liée au covid n’ont fait que ren­for­cer le phénomène. 

De toute évi­dence, nombre de com­merces phy­siques ne résis­te­ront qu’à la condi­tion de se dif­fé­ren­cier, et offrir des ser­vices et conseils que le numé­rique ne pro­pose que peu, ou bien mal. 

Numérisation des commerces mulhousiens

Pour ten­ter de limi­ter les effets sur le com­merce phy­sique de centre-ville, une plate-forme « mon shop­ping à Mul­house » vou­drait faci­li­ter la bas­cule d’une par­tie des com­merces vers l’in­ter­net. L’ef­fort est louable mais peu concluant : nombre de com­merces ren­voient de fait à un numé­ro de télé­phone et ne pro­posent pas néces­sai­re­ment d’achats en ligne. 

Évolutions et dynamiques 

Glo­ba­le­ment, la dyna­mique com­mer­ciale demeure assez faible dans l’agglomération mul­hou­sienne ain­si que dans le reste du Haut-Rhin.

Deux ter­ri­toires sont tou­te­fois à dis­tin­guer. Le Haut-Rhin (hors m2A) gagne des emplois, tan­dis que l’agglomération mul­hou­sienne en perd. C’est d’ailleurs le cas pour l’en­semble des grands pôles commerciaux. 

Les com­merces liés au bien-être et à la san­té sont en nombre crois­sant, le vieillis­se­ment de la popu­la­tion aidant à l’es­sor du sec­teur. Le suc­cès du « click and col­lect » témoigne de l’avancée de l’e-com­merce, et le nombre d’emplois crois­sant dans le com­merce ali­men­taire et les com­merces spé­cia­li­sés tra­duit la recherche de pro­duits de qua­li­té et la proxi­mi­té entre consom­ma­teurs et vendeurs.

Au contraire, les com­merces phy­siques liés à la culture et aux loi­sirs voient leur volume d’emploi bais­ser, au pro­fit de pla­te­formes dif­fu­sant des pro­duits sous un for­mat dématérialisé. 

Baisse iden­tique dans les com­merces d’équipement du foyer et dans la grande dis­tri­bu­tion de la région mul­hou­sienne, éga­le­ment concer­née par une baisse sen­sible des emplois dans le com­merce de bien d’équipement des per­sonnes, ain­si que l’illustre le gra­phique ci-dessous : 

Des emplois en berne 

Si le nombre d’établissements com­mer­ciaux est stable, la den­si­té d’emplois dans le sec­teur éco­no­mique est quant à elle net­te­ment orien­tée à la baisse. Ceci est-il le pré­lude à une fer­me­ture d’établissements, dans le seul objec­tif de main­te­nir des marges au détri­ment de l’emploi salarié ? 

Dans une ana­lyse du com­merce de l’agglomération mul­hou­sienne menée en 2019, le cabi­net de pros­pec­tive Les­toux notait qu’il n’y a aucun poten­tiel de déve­lop­pe­ment dans les acti­vi­tés liées au bri­co­lage, aux meubles, à la déco­ra­tion et aux arts de la table, au linge de maison…

Le même cabi­net concluant ain­si que, compte tenu le niveau d’équipement exis­tant dans le sud Alsace, il n’y a plus de place pour de nou­veaux pôles com­mer­ciaux. Quant aux pôles exis­tants, ils connai­tront un déve­lop­pe­ment extrê­me­ment contraint par une demande peu dynamique.

On voit ci-des­sus (illus­tra­tion de gauche) que le niveau de déve­lop­pe­ment des zones com­mer­ciales de M2A est proche de zéro, même s’il y a pire, avec Orléans, Dijon, Cler­mont, Le Havre, ou encore Nan­cy et Tours. 

Quant à la masse sala­riale (illus­tra­tion de droite), elle est par­ti­cu­liè­re­ment affec­tée en sec­teur M2A, où elle recule de près de 3 points. Seuls Nan­cy et Orléans réus­sissent à faire pire en la matière… 

Évi­dem­ment, il res­te­rait à évo­quer symé­tri­que­ment l’épouvantable lai­deur de ces « boites à chaus­sures » qui forment nos zones com­mer­ciales péri­phé­riques. Le rap­port illustre le phé­no­mène par l’exemple de la route de Soultz, soit entre le Kali­gone de Kin­ger­sheim et le pôle 430 de Wit­ten­heim, mais ceci est un sujet à trai­ter isolément… 

Rap­port de l’AURM

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