La “Marseillaise”, un chant révolutionnaire ?
Sacré Rouget ! (Ou faut-il écrire « Rougez », « Rougé », comme le suggèrent certains?)
Tu as nous a bien eu avec ta particule, « de Lisle » ! Ou plutôt « de l’Isle », non ? Puisque c’est le nom du terrain que ton grand-père possédait dans les Deux-Sèvres, sur une île, justement. Ton père, qui savait y faire en tant qu’avocat, l’a utilisé pour te bricoler un patronyme nobiliaire. D’accord, il te fallait un blase d’aristo pour rentrer à l’école royale du génie de Mézières, condition requise pour y devenir officier. Mais cela ne te déplaisait pas tant que ça de porter un titre, même usurpé, ou bien ?
La monarchie, certes un peu revue et corrigée par une constitution te convenait très bien, toi qui eus des ennuis pour avoir protesté contre l’arrestation de Louis Capet après l’assaut contre les Tuileries. Ce qui te vaudra d’être limogé de ton poste d’officier à Huningue : on te concède qu’en cela tu as eu du courage, même si tu vas tenter de te faire oublier en te cachant quelque part dans le Sundgau. Mais quand tu dis : « J’y demeurai, dit-il, aussi exempt de craintes que je l’aurais été à la cîme de notre Montaigu[1]. Là, pourtant, il me prit fantaisie de courir en liberté sur la chaîne des Vosges entre le ballon d’Alsace et le Donon. », aurais-tu la prétention de nous faire croire, qu’outre « la Marseillaise », tu as aussi inventé le Club Vosgien ?
« La Marseillaise », parlons-en. Ou plutôt, laissons parler Stefan Zweig dans « Sternstunden der Menschheit » – au titre bien mal traduit, car franchouillard autant que pédant, par « les Très Riches Heures de l’humanité ». Une des nouvelles du recueil, « le génie d’une nuit », est consacré à ton rendez-vous inattendu autant qu’inespéré avec l’Histoire.
Stefan Zweig a été gentil avec toi, même s’il n’a pas été dupe. Il devait savoir, puisque tout au long du siècle de nombreuses personnes le soupçonnaient, que ta paternité sur le chant est toute relative, pour ne pas dire abusive. Déjà il nous rappelle qu’en matière de poésie et de musique, tu n’auras été qu’un «pauvre dilettante » de même, et c’est ce qui nous importe ici, que « le créateur de l’hymne révolutionnaire n’est pas un révolutionnaire ».
Rouget, dit de l’Isle, un grand poète ?
Va à la rigueur pour le texte, bien que tu n’as pas eu à te fouler, au moins pour la première strophe et le refrain : il te suffisait de t’inspirer de ce qui avait été placardé en ville à Strasbourg : on pouvait lire sur une affiche de la Société des Amis de la Constitution : « Aux armes, citoyens ! L’étendard de la guerre est déployé… Il faut combattre, vaincre ou mourir… le signal est donné… Dissipez les armées des despotes… L’éclat de la liberté luira pour tous les hommes. Montrez-vous dignes enfants de la liberté, courez à la victoire… Marchons ! Soyons libres jusqu’au dernier soupir…». Un esprit tatillon a aussi rappelé cette citation de Boileau :« Et leurs corps pourris dans nos plaines n’ont fait qu’engraisser nos sillons ». Ça ne te rappelle rien ?
Et puis, ces paroles. Tant a déjà été dit à leur sujet que je ne voudrais pas en rajouter, mais quand même, franchement, tu n’y es pas allé de main morte !
Dès le deuxième vers, – je glisse sur « patrie » qui me sort par les trous de nez – tu nous dis que l’occasion est belle d’aller se couvrir de gloire : diable ! On croyait qu’il s’agissait de sauver le pays contre l’agresseur étranger ? Alors que, soit dit en passant, c’est la France qui a déclaré la guerre à l’Autriche, et non l’inverse ; décision de Louis le 16è soutenu par toute la bourgeoisie qui se frottait déjà les mains à la perspective des gains substantiels que procurent les fournitures aux armées. Petit bémol toutefois pour quelques-uns, dont Robespierre, qui flairaient le piège.
L’hémoglobine, quant à elle, coule à flots : le drapeau est « sanglant » ; avant même la première bataille ? On se demande où tu es allé chercher ces égorgements de civils, femmes et enfants, qui n’ont jamais eu lieu, et puis, « nos bras vengeurs » sont censés venger quoi, puisqu’il ne s’est encore rien passé ?
Dire du soldat adverse qu’il « mugit », c’est pour quoi faire ? Le ravaler au rang d’animal bovidé, tout juste bon pour l’abattoir ? En faire une bête fauve, est-ce ainsi que tu comptes « universaliser » les grands principes de 89 ?
Ma parole, ce n’est pas une marche militaire, ton truc, c’est une ritournelle pour garçons bouchers !
Ensuite, il y a le fameux « sang impur » : les inconditionnels du symbole chansonnier national donnent comme explication à cette expression aux relents racistes qu’il s’agirait de celui du peuple, en opposition au « sang bleu » de l’aristocratie, ou encore, en miroir, celui des nobles déchus, ce qui ne nous éclaire pas davantage, d’autant que l’explication ne tient pas la route puisqu’elle est en contradiction avec le fait évoqué ci-dessus, à savoir, Rouget, que ça ne te pose pas de problèmes d’être aristocrate, toi qui t’es anobli toi-même.
Mais surtout, surtout, l’expression n’est pas de toi, cher Rouget. On trouve le vers entier – et bien davantage – dans le poème d’un certain Claude-Rigobert Lefebvre de Beauvray, qui, s’en prenant pendant la guerre de Sept ans à ces «Républicains altiers despotes des mers » que sont les Anglais, rédige sur huit pages une « Adresse à la nation Anglaise »[2], publié à Amsterdam en 1757 :
« Va, pour s’entredétruire, armes tes bataillons,
Et de ton sang impur abreuver tes sillons
Quels murmures !! Quels cris ! Quelle horrible licence !
L’air mugit, l’éclair brille, et l’orage commence. »
Te voilà pris la main dans le sac, Rouget ! Même les « mugissements » ne sont pas de ton cru. Quant à l’impureté du sang, plus de doute, elle est celle de l’ennemi, tout juste bonne à servir d’engrais.
Noble, et un vrai, même si son titre ne remonte pas au-delà de son père, est ton copain le baron Frédéric de Dietrich, qui t’as rendu une fière chandelle en te suggérant de te lancer rapidement dans l’écriture d’un chant, ainsi que le maréchal Luckner, à qui tu as dédié ta production. Et tiens ! Pourquoi ne pas l’avoir dédié au baron, ton ami et frère en maçonnerie ? Ah ! Ben oui, le maréchal est ton supérieur, et ça fait si longtemps que tu végètes comme simple capitaine du génie…
Le pauvre Luckner ! Fils d’aubergiste bavarois, qui se fait repérer par la France, comme aujourd’hui un club repère un footballeur : on le recrute et hop, on l’anoblit pour qu’il puisse accéder aux grades supérieurs. Manque de bol : 1789 arrive, et sa promotion de classe lui coûtera la tête, comme à Dietrich, d’ailleurs.
C’est curieux d’ailleurs que tu ne revendiqueras la pleine paternité de ton chant que lorsque la plupart des témoins des nuits du 25 et 26 avril seront montés à l’échafaud. Toi, tu garderas la tienne, sauvée de justesse par la chute de Maximilien, mais ça t’est plutôt monté à la tête, cette histoire, quand en 1795, ta rengaine, tout juste bonne à émoustiller des va‑t’en-guerre, sera officiellement déclarée chant de la République.
Ceux qui prétendent que tu n’es qu’un piètre poète n’ont pas tort : il n’est pas étonnant non plus que le public n’ait retenu de tes rimailleries que la sanguinolente première strophe et le refrain, car les cinq autres strophes sont proprement indigestes, ampoulées et grandiloquentes à souhait. Aussi fades que les vers que tu avais commis l’année précédente pour ton « Hymne à la liberté », une liberté d’ailleurs totalement désincarnée, citant comme modèles pour cette dernière l’Angleterre et la Suisse, à qui la République, puis Bonaparte, feront la guerre. C’est l’autrichien (!) Ignace (Ignaz) Pleyel qui en signe la musique.
Rouget, dit de l’Isle, compositeur du chant de guerre de l’armée du Rhin ?
Le dictionnaire Larousse dit à l’article « Rouget de Lisle » qu’« il écrivit en 1792 les paroles et peut-être la musique du chant de guerre devenu La Marseillaise ».
Tu vois, on t’y laisse le bénéfice du doute. Mais l’ombre d’un soupçon n’en plane pas moins, car ce « peut-être » résume toutes les interrogations à ce sujet qui se sont accumulées déjà de ton vivant, même si, sur le site de l’Élysée[3], elles apparaissent comme appartenant au passé. Je cite : « les premières éditions n’étaient pas signées, ce qui fit douter que Rouget de Lisle, compositeur par ailleurs plutôt médiocre, en fût réellement l’auteur ». Le doute n’a pourtant jamais été levé.
Il faut dire que Dietrich te met une pression pas possible : « Voyons, Rouget, vous qui êtes poète et musicien, faites-nous donc quelque chose qui vaille la peine d’être chanté ». Te voilà au pied du mur et pris au piège d’une réputation que tu sais bien au fond de toi-même surfaite.
L’auteur de ces lignes, qui s’est retrouvé plus souvent qu’à son tour dans la nécessité d’écrire une chanson, paroles et musique, au pas de charge (heureusement non militaire) peut témoigner de l’extrême difficulté, voire de l’impossibilité de s’acquitter d’une telle tâche en l’espace d’une nuit, cette fameuse nuit du 25 au 26 avril 1792, de surcroît après une soirée chez le maire Dietrich bien arrosée, aux dires des témoins.
Il est hautement improbable, qu’en plus du texte, l’on puisse simultanément composer, en un laps de temps aussi court, une mélodie aboutie sans puiser dans ce qu’on a déjà sous la main, et l’on a tôt fait ce faisant de recourir dans l’urgence – sciemment ou à son insu – à des réminiscences musicales qui ne sont pas de votre cru.
Beaucoup réside dans l’ambiguïté du terme « composition » : elle s’applique autant à une création musicale que poétique.
Il est troublant aussi que tu n’aies pas signé ta partition, alors que tu n’as pas manqué de le faire pour tes autres œuvres. Autre source d’étonnement : ton instrument est le violon, que tu pratiques en amateur, et qui n’est de loin pas le plus approprié pour composer un chant et encore moins son accompagnement harmonique.
La lettre de Sybille-Louise de Dietrich, née Ochs, épouse du maire de Strasbourg, à son frère Peter Ochs, homme d’affaires bâlois, acquis aux idées révolutionnaires et qui présida, en lien avec Napoléon Bonaparte, à l’éphémère République helvétique, lève une partie du voile :
« Cher frère, je te dirai que depuis quelques jours je ne fais que copier ou transcrire de la musique, occupation qui m’amuse et me distrait beaucoup, surtout en ce moment où partout on ne parle et discute que de politique en tout genre. Comme tu sais que nous avons beaucoup de monde, et qu’il faut toujours inventer quelque chose, soit pour changer de sujet, soit pour traiter de sujets plus distrayants les uns que les autres, mon mari a imaginé de faire composer un chant de circonstance. Le capitaine du génie, Rouget de Lisle, un poète et compositeur fort aimable a rapidement fait la musique du chant de guerre.
Mon mari, qui est bon ténor, a chanté le morceau qui est fort entraînant et d’une certaine originalité. C’est du Glück en mieux, plus vif et plus alerte. Moi, de mon côté, j’ai mis mon talent d’orchestration en jeu, j’ai arrangé les partitions pour clavecin et autres instruments. J’ai donc beaucoup à travailler. Le morceau a été joué chez nous, à la grande satisfaction de l’assistance… »
Ce qui en dit long sur les limites bien vite atteintes de tes compétences musicales, cher Rouget. On apprend également au passage que c’est Dietrich qui chanta ta création pour la première fois, accompagné au clavecin par son épouse (ou par sa nièce Louise) et non pas toi-même. Tu as prétendu plus tard que tu as chanté ce soir-là « accompagné de mon (ton) instrument », en l’occurrence ton violon. Faudra que tu m’expliques comment t’as fait, car retour ici de l’auteur de ces lignes pour attester de l’énorme difficulté qu’il y a de jouer du violon tout en chantant, une quasi-impossibilité physiologique qui relève de la prouesse de cirque.
Bien sûr, c’est bien ainsi qu’Isidore Pils représente la scène du salon du maire Dietrich dans son célèbre tableau peint en 1849 (soit un demi-siècle plus tard) tableau aussi romantique que sa source, en l’occurrence la narration de l’épisode par Lamartine dans son bouquin «les Girondins » paru deux ans auparavant : toi (sans violon), dans une posture théâtrale, et… accompagné au clavecin.
Quelle mélodie t’est revenue la veille en mémoire, Rouget, quand il t’a fallu trouver dare-dare un air pour caler tes couplets dessus ?
Il y eut plusieurs hypothèses : on en écartera plusieurs, dont la maigre et peu convaincante ressemblance du thème avec le concerto pour piano n°25 de Mozart, pour n’en garder que deux pistes, qui pourraient bien être la même.
La première nous emmène à St-Omer, dans le Pas-de-Calais, dont le maître de chapelle, Jean-Baptiste Grisons, composa à l’orgue en 1787 un oratorio, « Esther » (d’après le livre de l’Ancien testament), dont le moins qu’on puisse dire, c’est que l’air du début ressemble à s’y méprendre à ton chant pour l’armée du Rhin. Rouget, suis le lien, et écoute. Tu rougis, Rouget ? N’étais-tu pas en garnison à St-Omer, précisément, par hasard ? Ben oui, gênant, n’est-ce pas ?
Le hic, c’est que Grisons n’a jamais revendiqué de paternité sur le « tube » révolutionnaire. Là encore, il y a une explication : ses religieuses « stances à la calomnie » étaient dédiées à Louis XIV, et c’est le genre de truc qui pouvait vous mener tout droit à l’échafaud.
Ou alors, c’est que cet air n’était pas de lui non plus. Les emprunts entre compositeurs étaient courants en ces temps où le droit d’auteur était encore balbutiant.
Car voici notre deuxième hypothèse, un oratorio pouvant en cacher un autre, surtout quand les deux s’appellent « Esther ».
Sylvie Pécot-Douatt, claveciniste décédée prématurément en 2004, spécialiste de la musique française de la deuxième moitié du XVIIIè siècle, a été très intriguée par une lettre du grand compositeur d’opéra Grétry dans laquelle il te remercie pour ton envoi d’une copie de La Marseillaise. On y lit : « Votre hymne est chanté dans tous les spectacles, mais, à propos, vous ne m’avez pas dit le nom du musicien. Est-ce Edelmann ? » C’est dire qu’on ne croyait déjà pas à l’époque en ta paternité musicale sur le morceau, Rouget, et qu’on te considérait unanimement comme un piètre musicien.
Jean-Frédéric Edelmann était strasbourgeois et un proche du maire Dietrich (ils étaient ensemble au Gymnasium (lycée) protestant et ont étudié ensemble le droit à Strasbourg), il compose en 1782 un oratorio, « Esther », dont on ne retrouva jamais le manuscrit. On peut imaginer, au vu de l’amitié qui liait les trois hommes, du moins jusqu’à ce que Edelmann, jacobin, prit, à l’inverse de Dietrich et de Rouget, fait et cause pour la République, que le musicien et compositeur fut complice d’un emprunt musical qui ne portait, après tout, que sur moins de trente mesures. Un silence convenu que le couteau de la guillotine rendit définitif deux ans plus tard.
Et si les deux oratorios « Esther » n’en n’étaient qu’un ? Il y a là, en tout cas, un concours de circonstances et de rencontres troublant. Toi seul pourrais répondre, Rouget, mais désormais peinard aux Invalides, ton « jour de gloire » étant enfin « arrivé », tu te gardes bien de répondre, et on comprend bien pourquoi : tu vises encore le transfert au Panthéon, et ce n’est pas le moment d’éventer ta supercherie. Tu as par ailleurs sagement attendu que la plupart des témoins soient guillotinés ou disparus pour revendiquer ouvertement ta paternité entière sur « ton » œuvre…
La Marseillaise : un hymne national peut-être, mais pas républicain
On ne trouve dans l’hymne républicain aucune référence à la République, en tout cas pas dans les six strophes qui sont de ta main ; une seule occurrence du mot figure dans un des neuf couplets supplémentaires qui ont été ajoutés postérieurement aux tiens.
Comment pouvait-il en être autrement ? Le 25 avril 1792, la République n’est pas encore d’actualité, peu de révolutionnaires y songent : il faudra attendre que l’idée en fasse son chemin et s’impose par la force des choses, car que faire d’autre quand le monarque de droit divin est sous les verrous ?
Ce n’est pas que tu ne sois pas sincèrement révolutionnaire, Rouget s’entend bien : mais ainsi que pour le baron maître de forges – et homme de sciences reconnu – Dietrich, tout comme le maréchal Luckner, la Révolution s’arrête à votre sens à l’obtention d’une Constitution. L’arrestation de Louis Capet suscitera vos protestations et en 1814 tu taquineras derechef la muse pour saluer d’un chant intitulé « Vive le Roi » Louis XVIII et la Restauration.
Quand en 1879 le camp républicain devenu majoritaire (parmi lesquels figurent des massacreurs de la Commune de Paris) fait de la « Marseillaise » l’hymne républicain, il entend marquer une rupture dans un régime ambigu, quinze jours après la démission du comte Patrice de Mac Mahon, premier président de la Troisième république, dont le rôle se limitait à assurer l’intérim en attendant que légitimistes, orléanistes et bonapartistes s’accordent sur la lignée à laquelle confier le trône. Les républicains entendaient sans nul doute faire ce faisant référence au 14 juillet 1795, jour où la Convention conféra au « chant de guerre de l’armée du Rhin » une dimension nationale et graver l’option républicaine dans le marbre.
Pourtant, à cette date, la Révolution de 89, qui avait eu depuis la peau des exigences sociales populaires, n’était plus que l’ombre d’elle-même, et la bourgeoisie qui avait atteint son but, celui de la prise de pouvoir, ne pouvait que trouver dans les paroles belliqueuses du chant un allié tombant à point nommé pour la poursuite des guerres expansionnistes à visées mercantiles, sous couvert d’universalisme philanthropique, qu’elle menait depuis déjà trois ans.
Preuve de son caractère identitaire national – qu’est-ce qu’une nation d’ailleurs, au juste ? – plutôt que républicain, est le fait que, si la Marseillaise est interdite en zone occupée par l’envahisseur hitlérien, elle reste un chant officiel de Vichy en zone libre, même si son utilisation est soumise à autorisation en l’absence d’un membre du gouvernement et si le texte en est toiletté : on ne conserve, de la version originale, que le premier couplet, « Allons, enfants de la patrie » et le dernier, devenu bien trouble dans le contexte, « Amour sacré de la patrie ».
Pas touche à mon mythe national !
L’historien strasbourgeois Claude Betzinger avait affirmé que le lieu de la première exécution du chant n’était pas la maison familiale des Dietrich, mais la demeure personnelle du maire. À cette thèse qui remettait en cause deux siècles de consensus, il a été répondu quatre ans après qu’il n’y avait pas lieu de changer le lieu de la première exécution…
La Marseillaise, un chant écrit par un royaliste, sur instigation d’un royaliste et dédié à un royaliste qui devient un des symboles de la République ? À l’instar de son drapeau dont les trois couleurs signifient – plus monarchiste et centralisateur, tu meurs ! – l’alliance de la royauté (le blanc) avec la ville de Paris (bleu et rouge), ou encore une Marianne, quasi divinité, qui syncrétise dans son prénom celui de la mère et de la grand-mère du Christ, et cette obstination à revendiquer l’universalité (du grec καθολικός (katholikos), qui signifie « universel ».
Et si on laissait la Marseillaise aux paras qui avaient voulu empêcher Gainsbourg (à Strasbourg !) de chanter sa version reggae de l’hymne patriotique ? Après tout, elle était destinée à servir de chant de guerre, et rien qu’à cela.
Puis, s’il fallait changer d’hymne du coup, je voterais pour « Lily » de Pierre Perret, sans la moindre hésitation.
[1]Village près de Lons-le-Saunier, où se trouvait une maison familiale des Rouget.
[2]https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5467585m/f14.item.texteImage (page 11)
[3]https://www.elysee.fr/la-presidence/la-marseillaise-de-rouget-de-lisle