Alors que de manière stu­pé­fiante, Emma­nuel Macron avouait hier, dans le cadre d’une entre­vue à « Le Pari­sien » que l’ob­jec­tif du passe vac­ci­nal, actuel­le­ment en dis­cus­sion à l’As­sem­blée natio­nale, ne consiste qu’ « à emmer­der les non-vac­ci­nés jus­qu’au bout », les effets de cette poli­tique de l’ex­tor­sion du consen­te­ment par la sou­mis­sion connait des effets très concrets, cela depuis au moins l’ins­tau­ra­tion du passe sani­taire, en juillet dernier.

Depuis de nom­breuses semaines, plu­sieurs mil­liers de pro­fes­sion­nels de san­té ont été sus­pen­dus, sans trai­te­ment, et sans accès au chô­mage, à défaut de pré­sen­ta­tion d’un sché­ma vac­ci­nal complet. 

D’autres ont été révo­qués par leurs éta­blis­se­ments de san­té res­pec­tifs. Une manière bien concrète d’ « emmer­der » des familles entières de soi­gnants, et d’im­pac­ter irré­mé­dia­ble­ment leur situa­tion sociale, maté­rielle et professionnelle. 

Pour autant, face au prin­cipe de réa­li­té, et à l’absence de marge de manœuvre de la part des direc­tions hos­pi­ta­lières, ce qui est for­mel­le­ment inter­dit au per­son­nel soi­gnant non vac­ci­né depuis le mois de novembre 2021, c’est à dire tra­vailler, car celui-ci serait poten­tiel­le­ment pro­pa­ga­teur du virus, est aujourd’­hui pos­sible pour les agents vac­ci­nés tes­tés posi­tifs au covid. 

Peu importe que le vac­cin ne soit pas immu­ni­sant, comme cha­cun s’en aper­çoit au tra­vers du volume record de conta­mi­na­tions, ce qui revient à admettre que les agents vac­ci­nés sont tout autant pro­pa­ga­teurs que les non-vac­ci­nés, et que la der­nière vague du variant omi­cron soit por­tée essen­tiel­le­ment par des vac­ci­nés, comme l’in­dique une pré­pu­bli­ca­tion scien­ti­fique por­tant sur la conta­gio­si­té au Dane­mark.

Les non vac­ci­nés y seraient ain­si 1,17 fois plus conta­gieux ; les vac­ci­nés 2 doses 2,61 fois plus conta­gieux ; et les vac­ci­nés 3 doses 3,66 fois plus contagieux… 

De sorte que, para­doxa­le­ment, depuis ce lun­di 3 jan­vier le retour au tra­vail des soi­gnants décla­rés posi­tifs au covid-19 bat son plein sur l’en­semble des éta­blis­se­ments de san­té du pays. 

Bru­no Megar­bane, méde­cin très pré­sent sur les pla­teaux de télé­vi­sion, et acces­soi­re­ment chef du ser­vice de réani­ma­tion de l’hô­pi­tal Lari­boi­sière, à Paris, sou­ligne qu’à défaut d’alternative, l’ab­sence de per­son­nels entrai­ne­ra néces­sai­re­ment la fer­me­ture de lits.

Il décla­rait à ce sujet le 27 décembre sur « France info » que « cer­tains soi­gnants conta­mi­nés et asymp­to­ma­tiques » devraient « tra­vailler dans des zones consa­crées à la prise en charge des patients Covid ».

Comme de nom­breux chefs de ser­vice, il recon­nait que « ce variant est à l’é­vi­dence moins dan­ge­reux à l’é­chelle indi­vi­duelle, notam­ment lors­qu’on est vac­ci­né et que l’on a reçu la dose de rap­pel : il est res­pon­sable d’un syn­drome grip­pal, voire de très peu de symp­tômes, ce qui pour­rait être com­pa­tible avec un exer­cice pro­fes­sion­nel nor­mal. Les per­sonnes qui vont déve­lop­per la forme pneu­mo­nique sont essen­tiel­le­ment les per­sonnes non vac­ci­nés. Mais à côté de cela, en rai­son du nombre mas­sif de conta­mi­na­tions, il pour­rait pro­vo­quer chez les per­sonnes très âgées une aggra­va­tion d’une mala­die sous-jacente et elles devraient venir dans les hôpitaux ».

Benoît Elle­boode, direc­teur de l’ARS de la région Nou­velle Aqui­taine, annonce ce fai­sant que les soi­gnants asymp­to­ma­tiques ne devraient pas ren­trer en contact avec des patients qui ne sont pas affec­tés par le Covid-19. 

En consé­quence, « Ces soi­gnants posi­tifs seront affec­tés à la prise en charge des patients eux-mêmes Covid+. Donc ils ne risquent pas d’in­fec­ter d’autres patients ».

Mul­house n’é­chappe pas à la règle. Des consignes viennent ain­si d’être dif­fu­sées aux per­son­nels sous la forme d’une note de service. 

Pour­tant, la logique d’af­fec­ta­tion des per­son­nels y est impré­cise. Le docu­ment en ques­tion (voir ci-des­sous), signé par Cathe­rine Ravi­net, adjointe de la direc­trice du grou­pe­ment hos­pi­ta­lier, indique bien les situa­tions où il est pos­sible de main­te­nir un agent pour­tant tes­té posi­tif au covid, pour peu qu’il soit asymp­to­ma­tique, ou même pau­ci-symp­to­ma­tique (avec peu de symptômes). 

Mais il y est spé­ci­fié que les équipes auront pour charge de « défi­nir de manière col­lé­giale au sein des ser­vices les postes de ces per­son­nels soi­gnants posi­tifs asymp­to­ma­tiques : chaque fois que pos­sible évi­ter la prise en charge de patients à risques de formes graves de covid19 ou en situa­tion d’é­chec vac­ci­nal ».

Et en cas de rup­ture de la conti­nui­té des soins, (défi­ni à l’ar­ticle R.4127–47 du code de la san­té publique), il est pré­ci­sé que « les pro­fes­sion­nels posi­tifs à une infec­tion à SARS-COV‑2 par RT-PCR et pau­ci symp­to­ma­tiques (ne pré­sen­tant pas de signes res­pi­ra­toires d’excrétion virale comme la toux et les éter­nue­ments) seront main­te­nus en postes ».

Le ridi­cule, ins­ti­tu­tion­nel­le­ment assu­mé, est ain­si patent à Mul­house comme par­tout en France : alors que des per­son­nels en capa­ci­té de tra­vailler ne peuvent plus occu­per leurs postes, car ils refusent de se vac­ci­ner, les agents vac­ci­nés, mais posi­tifs ou légè­re­ment malades (pau­ci-symp­to­ma­tiques), pour peu qu’on ne les entende pas tous­ser ou éter­nuer, sont quant à eux main­te­nus en poste. Y com­pris en ser­vice covid, mais, « chaque fois que pos­sible », en évi­tant de tra­vailler aux côtés de malades pré­sen­tant des formes graves du covid ou échap­pant aux effets du vaccin.

Entre les décla­ra­tions strictes du direc­teur de l’ARS de Nou­velle Aqui­taine, comme sans doute celui du Grand Est, et la réa­li­té empi­rique de mil­liers de postes man­quants à l’hôpital, notam­ment en rai­son des sus­pen­sions de soi­gnants, il y a le mur de l’ab­surde gou­ver­ne­men­tal qu’il vaut mieux contour­ner, sauf à voir col­lap­ser l’hôpital en pleine période hiver­nale, alors que les conta­mi­na­tions entre soi­gnants se mul­ti­plient à l’hôpital.

Bref, les soi­gnants vac­ci­nés peuvent conta­mi­ner et se conta­mi­ner, tan­dis que les soi­gnants non vac­ci­nés ne peuvent aider leurs col­lègues en accep­tant le risque de s’ex­po­ser, tout comme beau­coup par­mi eux ont pu déjà l’être au cours des nom­breux mois pré­cé­dant l’ar­ri­vée du vaccin… 

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