Comme beau­coup de citoyens de ce pays, nous avons été cho­qués par les pro­pos de quelques édi­to­ria­listes, hommes poli­tiques, tenus sur la sinistre chaîne BFM, empreints d’un racisme abject et pour­tant éclai­rant pour carac­té­ri­ser cette période mar­quée par de mul­tiples conflits depuis des décen­nies et pas uni­que­ment depuis l’entrée des troupes russes en Ukraine…

LES BONS IMMIGRES ET LES MÉCHANTS RÉFUGIÉS… OU L’INVERSE,

Il y aurait donc les « bons » immi­grés et les mau­vais, les indé­si­rables ! Les bons étant les blancs occi­den­taux, les autres viennent d’ailleurs et sont « de couleurs ».

La pro­pa­gande occi­den­tale a fait son œuvre et ce depuis belle lurette. Cela fait froid dans le dos de consta­ter que la « lepé­ni­sa­tion et la zem­mou­ri­sa­tion » des esprits a conquis pra­ti­que­ment une majo­ri­té du monde poli­tique fran­çais. Il suf­fit de son­ger com­ment le Pré­sident de la Répu­blique et sa majo­ri­té traite l’immigration en France, tout comme une par­tie de la gauche.

Alors qu’on pen­sait que ces affir­ma­tions (« sau­ve­tage de la civi­li­sa­tion occi­den­tale », « grand rem­pla­ce­ment ») étaient réser­vées au Front Natio­nal et ses affi­dés, on constate qu’elles sont par­ta­gées par l’ensemble de la classe poli­tique et média­tique fran­çais et occi­den­taux. Certes, il y a des excep­tions, rares, qui s’élèvent contre cette idéo­lo­gie supré­ma­tiste blanche, mais ils sont immé­dia­te­ment insul­tés voire inju­riés. Et deviennent inaudibles.

Et, mal­heu­reu­se­ment, une grande par­tie de la popu­la­tion fran­çaise y adhère éga­le­ment tota­le­ment convain­cue par la défer­lante d’informations tron­quées, sélec­tion­nées, manipulées.

Com­ment se fait-il que d’autres vic­times soient moins bien trai­tées. Il est inté­res­sant de consta­ter de quelle manière les médias traitent sujets. Ain­si Libé­ra­tion, dans son édi­tion du 25 novembre 2021, on peut lire que depuis 2014, 23.000 morts de migrants fuyant la guerre (faite par les occi­den­taux) et la misère dans leur pays rava­gé sont comp­ta­bi­li­sés en Médi­ter­ra­née. Et d’ajouter que « ces chiffres sont assu­ré­ment sous-esti­més en rai­son du nombre de bateaux fan­tômes, ces navires qui dis­pa­raissent en mer sans aucun sur­vi­vant et qui ne sont donc pas comp­ta­bi­li­sés ». L’Organisation inter­na­tio­nale pour la migra­tion (OIM) indique avoir retrou­vé à de nom­breuses reprises, des restes humains sur les côtes libyennes qui ne sont liés à aucun nau­frage connu. La Tuni­sie fait le même constat macabre.

Et qu’en pense le quo­ti­dien dit pro­gres­siste : il relate et ferme le ban. Aucun appel à la mobi­li­sa­tion. Ces gens-là meurent dans l’indifférence générale.

LE TRAITEMENT DES NON-BLANCS EN UKRAINE

Il faut avoir évi­dem­ment de la com­pas­sion pour toutes les vic­times de guerres et cela vaut pour le cal­vaire des Ukrai­niens actuel­le­ment. Mais eux béné­fi­cient pour le moins d’une cou­ver­ture de tous les médias du monde occi­den­tale, qui orga­nisent la soli­da­ri­té, mobi­lisent les asso­cia­tions, lancent es cam­pagnes auprès d’artistes, de spor­tifs, artistes, etc.

Il faut pour­tant voir le revers de la médaille dont per­sonne ou presque ne parle, sur­tout pas les médias occi­den­taux assé­nant leur « infor­ma­tion » qui serait la « seule véri­té ». Ils glo­ri­fient la Pologne pour son accueil des popu­la­tions ukrai­niennes. Certes, il faut se féli­ci­ter que le gou­ver­ne­ment ultra­réac­tion­naire polo­nais ne traitent pas ces immi­grés comme ils traitent ceux qui viennent de l’Afrique sub­sa­ha­rienne en éri­geant des murs et des bar­be­lés… avec le sou­tien de l’Union européenne.

Et on peut apprendre, en s’intéressant au sujet et en cher­chant du côté des médias étran­gers, en l’occurrence Radio 2M du Maroc, que les réfu­giés non-blancs venant à la fron­tière ukrai­no-polo­naise ont été refou­lés, inter­dit d’’entrée pour des rai­sons de faciès ! Et devant la réac­tion y com­pris de la popu­la­tion polo­naise, les auto­ri­tés ont cédé mais en fixant un quo­ta : 5 non-blancs pour 10 Ukrai­niens. Voi­là donc ce que pèse un non-blanc : la moi­tié d’un indi­vi­du blanc ! Si (presque) tout le monde accepte cela, même par­mi les âmes sen­sibles les plus enga­gés, c’est bien qu’il y a des cer­ti­tudes bien ancrées !

En France, on retrouve des cas simi­laires. La maire de Calais, Mme Bou­chard, connue pour sa xéno­pho­bie et sa chasse aux « migrants », est inter­ve­nue car neuf res­sor­tis­sants ukrai­niens ont ten­té de rejoindre le Royaume-Uni mais ont été refou­lés à la fron­tière bri­tan­nique. Ni une ni deux, celle qui rase les cam­pe­ments de for­tune des pauvres gens qui sont en attente de rejoindre l’Angleterre, les héberge dans une auberge de jeu­nesse. Un trai­te­ment qui se veut exem­plaire et salué par la classe poli­tique et les édi­to­ria­listes qui rap­pellent triom­pha­le­ment « que les réfu­giés ukrai­niens seraient accueillis digne­ment en France. ! » Certes, mais tout dépend de la cou­leur de leur peau !

DISCRIMINATIONS ET CHOC DES CIVILISATIONS

Nous pour­rions mul­ti­plier les cas qui démontrent clai­re­ment un trai­te­ment infor­ma­tion­nel dis­cri­mi­nant en rai­son de l’origine des gens qui fuient les conflits.

Dans son ouvrage paru en 1996, Samuel Hun­ting­ton, pro­fes­seur US de sciences poli­tiques « Le choc des civi­li­sa­tions » tente d’expliquer la situa­tion du monde après la chute du com­mu­nisme. Selon lui, « le monde est divi­sé en huit civi­li­sa­tions: occi­den­tale, slave-ortho­doxe, isla­mique, afri­caine, hin­doue, confu­céenne, japo­naise et lati­no-amé­ri­caine. Une civi­li­sa­tion est, selon Hun­ting­ton, « le mode le plus éle­vé de regrou­pe­ment et le niveau le plus haut d’identité cultu­relle dont les humains ont besoin pour se distinguer ».

La notion de « choc » en découle : un conflit a plus de chance de deve­nir une crise majeure s’il met aux prises des États issus de civi­li­sa­tions dif­fé­rentes. Autre­ment dit, l’existence même de ces civi­li­sa­tions dif­fé­rentes annonce une conflic­tua­li­té irré­duc­tible sur la scène inter­na­tio­nale. » dit Manon-Nour Tan­nous, maître de confé­rences à l’Université de Reims (Paris II Col­lège de France) en ana­ly­sant les thèses de Huntington.

Celles-ci ont recueillis des cri­tiques par­fois vio­lentes. En effet, elles sont par­fois trop sim­plistes, voire réduc­trice en occul­tant que les « civi­li­sa­tions » qu’ils citent ne sont pas homo­gènes. Même le terme « civi­li­sa­tion » est sujet à cau­tion. Par ailleurs, il ne prend pas en compte que la chute du com­mu­nisme n’a pas sup­pri­mé l’affrontement de classe entre exploi­teurs et exploi­tés et que celui-ci reste d’actualité et se retrouve au centre des conflits et guerres qui n’ont pas ces­sés depuis la chute du mur.

Pour­tant, il faut bien recon­naître que la « civi­li­sa­tion » occi­den­tale s’est éri­gée en maître de ce monde depuis quelques siècles. Et, par tous les moyens (cultu­rels, édu­ca­tifs, infor­ma­tion­nels, mili­taires, éco­no­miques…), elle a convain­cu les peuples de cet espace qu’ils étaient supé­rieurs aux autres. Tout en connais­sant, en sont sein, des luttes féroces et fra­tri­cide (deux guerres mon­diales tout de même !) pour déter­mi­ner le pays ayant le lea­der­ship de ce monde occidental.

Mais depuis quelques temps, cette domi­na­tion tient de moins en moins et l’annonce de Hun­ting­ton sur la « conflic­tua­li­té irré­duc­tible » semble se véri­fier depuis 1990. La crise du modèle social que l’Occident connaît fra­gi­lise son pou­voir. La mon­dia­li­sa­tion éco­no­mique fait dépendre l’Occident de plus en plus de pays d’autres civi­li­sa­tions qui étaient ses vas­saux (colo­nies par­fois !) aupa­ra­vant. La prise de conscience du pou­voir nou­veau que cela leur confère fait appa­raître une volon­té d’arracher une part de pou­voir au monde occi­den­tal, blanc, chrétien…

Tous les conflits depuis un quart de siècle relèvent de cette ten­ta­tive déses­pé­rée de l’Occident de conti­nuer à régner sur le monde sans par­tage. L’intérêt des thèses de Hun­ting­ton, c’est qu’elles semblent avoir impré­gné les diri­geants poli­tiques, essen­tiel­le­ment états-uniens, pour dési­gner de nou­veaux enne­mis après la chute de l’URSS. Et ils piochent allè­gre­ment dans les « civi­li­sa­tions » que Hun­ting­ton a décrites.

OTAN BRAS ARME

Que ce soit dans les Bal­kans (de 1991 à 2001) ou au Moyen-Orient (depuis 2003), les guerres ont été menées sous l’égide de l’OTAN qui n’est pas une orga­ni­sa­tion « défen­sive » comme veut le faire croire la pro­pa­gande occi­den­tale, mais bien une force offen­sive qui bom­bar­dé Bel­grade sans man­dat en avril 1999… Par­mi d’autres…

L’Occident contrôle encore la plu­part des orga­nismes inter­na­tio­naux. Ain­si l’ONU a démon­tré qu’elle fonc­tion­nait à géo­mé­trie variable : quand les pays occi­den­taux décident de mater les autres, ils se moquent de l’ONU sans ver­gogne. Ain­si, Israël refuse d’appliquer des réso­lu­tions l’intimant à ces­ser sa poli­tique de colo­ni­sa­tion, sans aucune réac­tion des pays occi­den­taux pour qui les Pales­ti­niens sont des « dégâts col­la­té­raux » de la guerre des civi­li­sa­tions.

Quant après l’effondrement de l’URSS, la Rus­sie eut l’assurance que le « bras armé de l’Occident » ne se déploie­rait pas dans sa zone d’influence, assu­rance écrite quoiqu’en disent les « experts » des pla­teaux télé­vi­sés fran­çais, (encore de la dés­in­for­ma­tion) *, l’OTAN se pres­sa d’installer des bases aux portes de la Russie…

Ajou­ter à toutes les autres opé­ra­tions entre­prises depuis 1990 dans le monde par l’Occident chré­tien, on n’a pas besoin d’être para­no pour se sen­tir quelque peu titillé par un adver­saire déclaré.

Le propre de la situa­tion actuelle, c’est que chaque camp à ses fau­cons et peu de colombes. La réac­tion de Vla­di­mir Pou­tine en Ukraine est tota­le­ment dis­pro­por­tion­née mais elle peut se s’expliquer. Il adhère à cet affron­te­ment civi­li­sa­tion­nel en jouant uni­que­ment la carte du rap­port de force et entre donc dans une logique de guerre. A quoi les fau­cons de l’autre camp répondent avec la même logique. Jusqu’où une telle vision du monde peut nous mener ?

C’est pour­quoi nous vivons une période dan­ge­reuse, cet « entre-deux » qui peut débou­cher sur n’importe quoi. Et jus­ti­fie tota­le­ment les mobi­li­sa­tions pour que cesse la guerre et que triomphe la paix. Cela passe indis­cu­ta­ble­ment non pas par un réar­me­ment des pays, mais par le désarmement.

N’est-il pas inquié­tant de voir l’Allemagne déci­der d’investir en masse pour ren­for­cer son arse­nal et, quelques jours après, la Chine prendre le même che­min en arguant de son retard sur les forces de l’OTAN.

LES PROPOSITIONS CONSTERNANTES DES PRINCIPAUX CANDIDATS A LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

Repre­nons la thèse de Hun­ting­ton décryp­tée par Manon-Nour Tan­nous : « Il s’agit pour Hun­ting­ton de réagir à la théo­rie de la « Fin de l’histoire » de Fran­cis Fukuya­ma (1992), qui pos­tu­lait la vic­toire du modèle démo­cra­tique libé­ral sur les idéo­lo­gies alter­na­tives, et donc la fin des affron­te­ments de grande ampleur. Hun­ting­ton récuse cette vision paci­fique, pré­voyant au contraire un réveil iden­ti­taire. Cette réflexion a alors le mérite de réin­tro­duire la prise en compte des fac­teurs cultu­rels dans la com­pré­hen­sion des rela­tions internationales. »

La bataille idéo­lo­gique pour consi­dé­rer que tous les autres centres du monde que l’Occident sont poten­tiel­le­ment des empires du mal. C’est ain­si que se pré­parent les guerres : convaincre les opi­nions publiques qu’elles doivent se sacri­fier pour le « camp du bien ». His­to­ri­que­ment, en 1914, une majo­ri­té des popu­la­tions alle­mandes et fran­çaises étaient contre la guerre. Une presse déchaî­née et la tra­hi­son des par­tis de gauche, a conduit à un conflit qui a connu à plus de 40 mil­lions, 20 mil­lions de morts et 21 mil­lions de bles­sés. Ce nombre inclut 9,7 mil­lions de morts pour les mili­taires et près de 10 mil­lions pour les civils.

Les pro­po­si­tions des can­di­dats à la Pré­sident de la Répu­blique pour résoudre le pro­blème en Ukraine sont conster­nantes. Res­tant, par igno­rance ou par volon­té poli­tique, foca­li­sés sur les seuls affron­te­ments en Ukraine, jouant sur l’émotion et la sen­si­bi­li­té devant des images atroces comme en en voit dans toutes les guerres, c’est dans le réar­me­ment et l’accumulation de moyens de des­truc­tion mas­sive qu’ils voient une solution

Or, tel n’est pas le cas car les maté­riels de guerre en pré­sence feront que dans la 3e guerre mon­diale, il n’y aura que des vain­cus. Mais cela, les « bons apôtres » média­tiques n’en ont cure : leur seul espoir c’est que la crainte qu’ils pour­ront ins­pi­rer fera ren­trer dans le rang les autres par­ties du monde et qu’elles conti­nue­ront de s’incliner devant l’Occident blanc et chré­tien. Il est pour­tant pos­sible que nous soyons arri­vés à un point où le rap­port de force ne pen­che­ra plus long­temps en faveur de l’Occident.

La solu­tion ne peut donc être que la négo­cia­tion. Évi­dem­ment pas celle pré­co­ni­sée par Macron qui débou­che­rait, au mieux et ce serait certes déjà bien pour les peuples concer­nés, à un arrêt des hos­ti­li­tés actuelles. Mais elle n’intègre pas la ques­tion essen­tielle du par­tage des pou­voirs sur notre pla­nète et jusqu’à quel point l’Occident est prêt à le faire.

Car il y a urgence : les flots de réfu­giés ne font que com­men­cer ! A force d’être humi­liés par l’Occident, il ne faut pas s’étonner que ces peuples veuillent deman­der des comptes à cette civi­li­sa­tion qui veut conti­nuer à leur impo­ser une domi­na­tion sécu­laire dont ils ne voient plus d’effets positifs.

*Un docu­ment appar­te­nant aux Archives natio­nales bri­tan­niques fait la preuve de l’existence d’un enga­ge­ment écrit pas­sé entre les grandes puis­sances occi­den­tales et la Rus­sie à ne pas élar­gir l’Otan vers l’Est. C’est le maga­zine alle­mand Der Spie­gel qui révèle son exis­tence. Ce texte a été adop­té en 1991, à la fin de l’ère sovié­tique entre Mos­cou, Washing­ton, Londres, Paris et Bonn.