À l’ap­pel des syn­di­cats CGT, FSU et Soli­daires, des mani­fes­ta­tions sont pré­vues un peu par­tout en France ce dimanche 1er mai 2022 à l’oc­ca­sion de la jour­née inter­na­tio­nale des tra­vailleurs. Dans le Haut-Rhin deux ini­tia­tives sont pré­vues : à Col­mar ce sera un ras­sem­ble­ment à 10h30 devant la Mai­son des syn­di­cats rue de Turenne et à Mul­house un ras­sem­ble­ment place de la Bourse à par­tir de 10h sui­vi d’une mani­fes­ta­tion en ville avec une arri­vée Parc Sal­va­tor à 12h. Où tra­di­tion­nel­le­ment, des stands accueille­ront les mani­fes­tants, moment pri­vi­lé­gié pour orga­ni­ser débats et dis­cus­sions sur la situa­tion poli­tique et sociale et sur les actions à envisager.

LA DIMENSION POLITIQUE DE CETTE JOURNÉE : 1936

L’origine du 1er Mai est ancrée dans les luttes reven­di­ca­tives des ouvriers, des exploi­tés, une jour­née mar­quée par les luttes sociales et les reven­di­ca­tions pour les droits des travailleurs.

Ce qui est incon­tes­table. Mais on ne peut oublier la dimen­sion poli­tique du 1er Mai, ce que son his­toire nous rap­pelle. Le 1er mai fut aus­si une reven­di­ca­tion pour des droits nou­veaux, le droit de vote, du droit des femmes, de lutte contre la concen­tra­tion de tous les pou­voirs poli­tiques et éco­no­miques dans les mains d’une classe sociale qui veut régner sans par­tage. A cet égard, la mani­fes­ta­tion du 1er mai 1936 a pris une place par­ti­cu­lière dans les mobi­li­sa­tions populaires.

On sait que le Front Popu­laire arrive au pou­voir en 1936 sur la base d’un accord entre la SFIO, le par­ti Radi­cal et le Par­ti Com­mu­niste, sans que ce der­nier ne par­ti­cipe au gouvernement.

Le pro­gramme élec­to­ral du Ras­sem­ble­ment popu­laire, publié le 12 jan­vier 1936, avance des reven­di­ca­tions modé­rées. Au cha­pitre poli­tique, il pré­voit notam­ment la dis­so­lu­tion des ligues, le res­pect du droit syn­di­cal, la pro­lon­ga­tion de la sco­la­ri­té obli­ga­toire, l’é­ta­blis­se­ment de la sécu­ri­té col­lec­tive dans le cadre de la Socié­té des Nations. Au cha­pitre éco­no­mique sont pré­vues des mesures en faveur des chô­meurs, des agri­cul­teurs, des petits com­mer­çants, des retrai­tés, ain­si que la réduc­tion de la semaine de tra­vail sans réduc­tion de salaire.

Mais aucun chiffre concret ne paraît. Les élec­tions se déroulent les 23 avril et le 3 mai : c’est enfin la vic­toire du pre­mier gou­ver­ne­ment de gauche de la 3e République.

Le 1er mai 1936 se place entre les deux tours :  le mou­ve­ment syn­di­cal et les tra­vailleurs s’inscrivent dans le débat poli­tique en met­tant des reven­di­ca­tions sur les pro­messes élec­to­rales trop vagues à leur goût : entre autres, ils deman­dant la semaine de 40 h sans perte de salaires, 15 jours de congés payés, des droits syn­di­caux, la recon­nais­sance du syn­di­cat dans l’entreprise…

Le mou­ve­ment syn­di­cal est fort : la CGTU et la CGT, divi­sée depuis 1921, se réuni­fient en mars 1936 à Tou­louse et réclame, fort jus­te­ment, sa part dans l’élection d’un gou­ver­ne­ment de gauche. Devant les ater­moie­ments et la timi­di­té de cer­tains par­tis poli­tiques du Front Popu­laire, la CGT lance des grèves mul­tiples pour oblige le gou­ver­ne­ment à res­pec­ter ses pro­messes et enga­ge­ments. Après un mois de « grèves joyeuses », les accords de Mati­gnon signent une avan­cée his­to­rique de la classe ouvrière… ce que le patro­nat ne lui par­don­ne­ra jamais et ten­te­ra de remettre en cause. Et cela mar­che­ra, entre autres avec l’aide du mou­ve­ment fas­cistes et natio­nal-socia­liste dans toute l’Europe.

Conclu­sion : les avan­cées sociales du Front Popu­laire sont, avant tout, le résul­tat des mobi­li­sa­tions et grèves menées par les ouvriers dans les usines.

2022 : ÉVITER UNE CONCENTRATION DES POUVOIRS

Le 1er mai 2022 se situe dans un moment poli­tique très par­ti­cu­lier en France. Les manœuvres poli­tiques de M. Macron, pro­mou­vant le Ras­sem­ble­ment Natio­nal comme son adver­saire pri­vi­lé­gié, lui a per­mis une réélec­tion ines­pé­rée. Les appels tra­gi-comiques de la gauche pour voter Macron pour évi­ter le « nazisme », ont en par­tie dis­qua­li­fier leurs auteurs pour se posi­tion­ner en vrais oppo­sants du Pré­sident réélu qui voit dans sa vic­toire, une adhé­sion à son programme.

Il fait cela au risque de voir l’extrême-droite pour­suivre sa pro­gres­sion : alors qu’il perd deux mil­lions de voie entre 2017 et 2022, Mme Le Pen en gagne près de trois mil­lions… C’est dire que le jeu avec le feu de M. Macron met l’extrême-droite en posi­tion de prendre le pou­voir dans de pro­chaines échéances.

Comme il a l’intention de conti­nuer sa poli­tique de démem­bre­ment des droits sociaux et du fonc­tion­ne­ment démo­cra­tique de notre pays, avec une mise au pas des médias qui acceptent cela avec ama­bi­li­té, la colère sociale va conti­nuer à enfler et, si les choses res­tent en état, ce sera encore l’extrême-droite qui en tire­ra tous les bénéfices.

Le moment n’est donc ni au lais­ser faire, ni au lais­sez passer !

Il y a dans ces élec­tions pré­si­den­tielles un par­fum d’espoir qu’il ne faut pas lais­ser s’estomper !

Le pas­sé nous apprend néan­moins que rien ne change si les citoyens se mettent hors-jeu et attendent que les choses se passent…

Après ces élec­tions légis­la­tives des 12 et 19 juin, il n’y aura plus d’échéances poli­tiques avant les Euro­péennes de 2024 et les Muni­ci­pales de 2026. D’ici là, les dégâts de la poli­tique de M. Macron seront irré­ver­sibles : la réforme des retraites n’est-elle pas pré­vue dès sep­tembre 2022… avec l’utilisation du 49–3 comme l’a annon­cé M. Lemaire !

Ce Pre­mier Mai 2022 est donc l’unique chance de pous­ser les par­tis de gauche à bâtir un pro­gramme « Front Popu­laire » et pour les citoyens, avec les orga­ni­sa­tions syn­di­cales, le mou­ve­ment asso­cia­tif, d’imaginer le rap­port de force qu’il fau­dra mettre en œuvre pour battre, dans les urnes, conjoin­te­ment le bloc libé­ral qui ne man­que­ra pas de se consti­tuer et le bloc natio­nal qui vou­dra tirer les mar­rons du feu des pré­si­den­tielles. Impo­ser à M. Macron une coha­bi­ta­tion dans le pro­chain gou­ver­ne­ment peut espé­rer frei­ner la néfaste poli­tique qu’il entend nous impo­ser. Et après, ce sera au mou­ve­ment social de prendre les choses en main pour chan­ger, enfin, de République…

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