Qui l’eût cru il y a quelques semaines encore ? Voir tous les res­pon­sables de gauche du dépar­te­ment, en l’occurrence, Antoine Homé (PS), Loïc Miné­ry (EELV), Jo Spie­gel (Place publique), ras­sem­blés pour sou­te­nir la can­di­da­ture de Léo­nie Hebert, de la Nou­velle Union Popu­laire, Eco­lo­gique et Sociale (NUPES), n’était pas gagné d’avance… Pour­tant, on assiste à un petit air de déjà vu, d’une Union de la gauche retrou­vée, d’une Gauche ras­sem­blée. Une gauche qui affirme que les dif­fé­rences sont une richesse et l’unité une dyna­mique pour gagner… Appa­rem­ment, le mes­sage des élec­teurs de gauche mul­hou­siens a rap­pe­lé à cha­cun et cha­cune le sens de la réalité…

5e et 6e circonscriptions, gagnables ? Oui, si…

En ce same­di 21 mai, ce fut donc le lan­ce­ment de la cam­pagne pour les élec­tions légis­la­tives des deux can­di­dats de la gauche dans les deux cir­cons­crip­tions mulhousiennes.

Dès le matin, place du mar­ché : Nadia El Haj­ja­ji (can­di­date 5e cir­cons­crip­tion) et Jason Fleck (sup­pléant dans la 6e cir­cons­crip­tion) dis­tri­buaient des tracts, dis­cu­taient avec les pas­sants. Le hasard fai­sant bien les choses, un stand Cari­tas inter­pel­lait les cha­lands sur la dalle du Mar­ché cou­vert sur le sens du mot « fra­ter­ni­té » dans une socié­té fabri­quant des pauvres à pro­fu­sion… et accu­mu­lant des richesses aux béné­fices d’une extrême mino­ri­té ultra­riche. Du pain béni pour les can­di­dats qui ont pu faire part des mesures pour le pou­voir d’achat que la NUPES veut mettre en œuvre si elle dirige le futur gouvernement.

Car l’enjeu autour de ces deux cir­cons­crip­tions mul­hou­siennes est impor­tant. Les sor­tants sont tous les deux de droite, de cette droite alsa­cienne qui dit une chose quand elle est au pays et l’exact contraire quand elle est au Palais Bour­bon. De par­faits notables alsa­ciens, en somme.

L’analyse des dif­fé­rents scru­tins que L’Alterpresse68 a réa­li­sée montre que la pro­gres­sion du vote de gauche est consi­dé­rable et aug­mente avec une forte par­ti­ci­pa­tion. Dans une ville où la maire de droite a été élu avec 4.189 voix sur 49.108 ins­crits, soit moins de 10%, et où la gauche est arri­vée en second, mais lar­ge­ment en tête dans les quar­tiers popu­laires (mal­gré l’abstention), il n’est pas illu­soire de croire à une vic­toire pos­sible aux législatives.

D’autant plus qu’aux pré­si­den­tielles, avec beau­coup moins d’abstentions, Jean-Luc Mélen­chon frô­lait, voire dépas­sait, les 50% dans cer­tains bureaux… et pas uni­que­ment dans les quar­tiers populaires.

Mais cela est de la théo­rie : pour gagner, la gauche doit répondre à trois condi­tions. La pre­mière, c’est l’unité. Cela, c’est fait.

La seconde, c’est de réus­sir à mobi­li­ser les élec­teurs de Jean-Luc Mélen­chon de reve­nir voter aux légis­la­tives : pour cela il faut mener une cam­pagne offen­sive et dyna­mique. La troi­sième, c’est de gagner en plus des élec­teurs qui sans être de gauche, ver­rait bien Macron ne pas avoir de majo­ri­té pour mener sa poli­tique ultra­li­bé­rale durant les cinq pro­chaines années…

Le bidouillage des circonscriptions

Le contour des cir­cons­crip­tions n’épouse ni les can­tons ni les com­mu­nau­tés de com­munes… C’est un savant décou­page que la droite aime faire pour limi­ter les pos­si­bi­li­tés pour les habi­tants des quar­tiers popu­laires d’être repré­sen­tés au Par­le­ment. Ain­si, dans la 5e et la 6e, ont été adjoints aux quar­tiers popu­laires de Mul­house, des com­munes péri­phé­riques bien ancrées à droite, avec une popu­la­tion petite bour­geoise qui se croit à l’abri d’un recul social trop mar­qué… Éter­nelle illu­sion d’une par­tie de cette classe qui se croit « moyenne » et qui n’est pour­tant que réactionnaire…

Il est donc pos­sible qu’une ville comme Mul­house doive consta­ter que les villes alen­tour ont pri­vé une grande par­tie de la popu­la­tion de repré­sen­ta­tion au Par­le­ment. De quoi vous dégoû­ter défi­ni­ti­ve­ment de la politique.

Une campagne dynamique : Léonie Hebert à Bourtzwiller, Nadia El Hajjaji aux Coteaux

Ayant per­çu ces dan­gers, la NUPES veut occu­per le ter­rain pour aller au plus près des élec­teurs et expli­ci­ter les enjeux.

Avec notre pho­to­graphe Mar­tin Wil­helm, nous avons pu accom­pa­gner la can­di­date de la 6e cir­cons­crip­tion et son sup­pléant Jason Fleck lors du lan­ce­ment offi­ciel de sa cam­pagne. Léo­nie Hebert est ori­gi­naire de Bourtz­willer et c’est ce quar­tier qu’elle a choi­si pour démarrer.

Près de l’arrêt du tram Saint-Nazaire, au milieu des herbes folles qui ont enva­hi et rendent impra­ti­cable ce qui devrait être un espace de foot pour les gamins, on ne peut être plus au centre de ce quar­tier populaire.

Quelques jeunes curieux de savoir qui vient ain­si les voir (cela ne leur arrive pas sou­vent, sauf des visi­teurs habillés en bleu…) se montrent sym­pa­thiques à l’évocation de Jean-Luc Mélen­chon. L’un d’entre eux se plaint : « Mais c’est trop tard, on a lou­pé les Pré­si­den­tielles », et confirme la néces­si­té de por­ter des expli­ca­tions sur l’enjeu des législatives.

Démon­trant un sens cer­tain du plai­sir du contact avec la popu­la­tion, Léo­nie s’empare du méga­phone et arpente les rues du quar­tier en appe­lant les habi­tants à par­ti­ci­per au ras­sem­ble­ment fes­tif et poli­tique pré­vu… Des fenêtres s’ouvrent, les bal­cons s’animent : accueil sym­pa­thique… et pro­messes de voter pour elle… Les récal­ci­trants sont res­tés dans leur appartement…

De nombreux soutiens…

Dans une inter­ven­tion très per­son­nelle, émou­vante et très humaine, la can­di­date se pré­sente comme une « poli­tique non pro­fes­sion­nelle » qui se met à dis­po­si­tion des habi­tants par­ti­cu­liè­re­ment dans ces quar­tiers qu’elle connaît bien. Elle a beau­coup insis­té sur cette ori­gine popu­laire qui la dis­tingue des autres can­di­dats et sur­tout du para­chu­té Bru­no Fuchs qui se repré­sente pour M. Macron.

Loïc Miné­ry rap­pe­la, à ceux qui pensent que le ras­sem­ble­ment à gauche pour­rait être fac­tice, que, lors des élec­tions muni­ci­pales, le regrou­pe­ment à gauche sous la ban­nière Mul­house Cause Com­mune pré­fi­gu­rait ce qu’est la NUPES aujourd’hui. Il salue le renou­vel­le­ment de la repré­sen­ta­tion poli­tique à Mul­house à tra­vers ces can­di­dates et leurs suppléants…

Antoine Homé rap­pelle qu’être de gauche en Alsace néces­site de fortes convic­tions tel­le­ment la droite se consi­dère comme dans son jar­din et n’est pas avare de manœuvres pour com­battre la gauche. Il met en garde contre la ten­dance auto­ri­taire de la pré­si­dence Macron et affirme qu’une majo­ri­té macro­nienne à l’Assemblée serait tota­le­ment inexis­tante, car elle ne ferait qu’approuver tout ce que ce pou­voir ver­ti­cal lui enjoint de voter. Il par­tage le pro­gramme de la NUPES et insiste sur le besoin de pas­ser à une 6e République.

Jo Spie­gel tient à rap­pe­ler que ces légis­la­tives sont bien un 3e tour des élec­tions pré­si­den­tielles pour construire une alter­na­tive à l’ultralibéralisme qui carac­té­rise la poli­tique de M. Macron. Pour cela, il faut une rup­ture qu’il voit dans la poli­tique pro­po­sée par la gauche unie et por­tée par une nou­velle géné­ra­tion de mili­tantes et militants.

Tout reste à faire…

Plus tard dans l’après-midi, Nadia El Haj­ja­ji, can­di­date NUPES dans la 5e cir­cons­crip­tion, est allée à la ren­contre des habi­tants des Coteaux, autre quar­tier où le vote pour Jean-Luc Mélen­chon fut mas­sif aux Pré­si­den­tielles. Là éga­le­ment, la can­di­date put égre­ner en par­tie les 650 pro­po­si­tions de gou­ver­ne­ment, dont le SMIC à 1.500 euros, la retraite à 60 ans, la retraite mini­mum à 1.500 euros, le recru­te­ment de per­son­nel de san­té, l’objectif d’arriver à 100% d’énergies renouvelables.

Nul doute que ces pro­po­si­tions répondent à des attentes. Mais cela suf­fi­ra-t-il pour convaincre la popu­la­tion de ne pas « zap­per » les élec­tions légis­la­tives. Il semble qu’un inté­rêt réel s’éveille et que l’idée d’imposer une coha­bi­ta­tion à M. Macron séduise de plus en plus de per­sonnes, y com­pris par­mi celles qui ont voté pour sa réélec­tion sans pour autant avoir adhé­ré à son programme.

Ce der­nier point est essen­tiel, car sa presse, dont le Jour­nal Unique du Cré­dit Mutuel en Alsace, aime reprendre l’analyse du Pré­sident de la Répu­blique : le score du second tour des pré­si­den­tielles légi­ti­me­rait son pro­gramme antisocial ! 

Un peu culot­té, le pré­sident des riches… Il serait temps de le rame­ner à la vraie réalité…

Michel Mul­ler et Mar­tin Wilhelm

Les décla­ra­tions des can­di­dates et de leurs sou­tiens, enre­gis­trées à Bourtzwiller :

La gale­rie pho­to­gra­phique par Mar­tin Wil­helm :

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