Les élec­teurs de la 5° cir­cons­crip­tion de Mul­house, dont les bornes recouvrent une bonne par­tie du ter­ri­toire muni­ci­pal (à l’exception de sa por­tion nord), a voté confor­mé­ment aux stra­ti­fi­ca­tions sociales illus­trées dans notre article sur le vote de classe lors des Pré­si­den­tielles.

De notables dif­fé­rences sont cepen­dant à rele­ver par rap­port à l’élection présidentielle.

Résul­tats des 5 pre­miers can­di­dats pour Mul­house intra-muros :

Oli­vier Becht (Majo­ri­té présidentielle)33,84 % 4 629 voix
Nadia El Haj­ja­ji (NUPES) 28,33 % 3 876 voix
Pierre Pin­to (RN) 14,10 % 1 929 voix
Flo­rian Colom (Les Républicains) 6,07 % 830 voix
Emma­nuel Taf­fa­rel­li (Recon­quête !) 4,09 % 560 voix

Avec une abs­ten­tion his­sée à 61,02 %, le syn­drome de décon­nexion civique mul­hou­sien reprend son cours, après une excep­tion inat­ten­due lors de la pré­si­den­tielle d’avril, à laquelle plus de 66% des élec­trices et élec­teurs ont par­ti­ci­pé. Un score excep­tion­nel pour une ville comme Mulhouse.

Des absents par trop présents 

Comme on l’a vu dans les cartes sur le vote mul­hou­sien aux pré­si­den­tielles, les quar­tiers bour­geois, à com­men­cer par le Reb­berg et Dor­nach, ont mas­si­ve­ment choi­si Becht. Le Reb­berg et le centre his­to­rique four­nis­sant même l’essentiel des 500 vois dévo­lues au zem­mou­rien Taffarelli.

On remar­que­ra que dans Mul­house intra-muros, la dif­fé­rence de voix entre Becht (majo­ri­té pré­si­den­tielle) et El Haj­ja­ji (Nupes) est res­tée ténue. 750 voix d’écart sépare le pre­mier de la seconde.

Si la cir­cons­crip­tion cou­vrait l’ensemble de la ville, les pers­pec­tives seraient encou­ra­geantes pour la Nupes.

Mais la par­ti­ci­pa­tion, trop faible, n’a pas pu per­mettre à la can­di­date de la Nupes de réité­rer les scores de la pré­si­den­tielle dans des quar­tiers comme le Drouot ou Coteaux, même s’ils demeurent assez bons en valeur abso­lue. Nadia El Haj­ja­ji ne ras­sem­blant tou­te­fois qu’à peine 8,37% des inscrits. 

Ain­si que nous l’avons répé­té dans nos articles : il est socio­lo­gi­que­ment impos­sible qu’un élu mul­hou­sien pro­gres­siste, socia­le­ment repré­sen­ta­tif de ses habi­tants, aille sié­ger au Palais bourbon.

Le décou­page ter­ri­to­rial intègre en effet une série de petites com­munes péri­phé­riques, qui votent quant à elle sys­té­ma­ti­que­ment à droite, voire à l’extrême droite…

On en retrouve les effets en ana­ly­sant les résul­tats des 5 pre­miers can­di­dats dans la 5° cir­cons­crip­tion au com­plet, inté­grant donc les com­munes de Bruns­tatt-Diden­heim, Brue­bach, Eschentz­willer, Hab­sheim, Heins­brunn, Mor­sch­willer-le-bas, Rie­di­sheim, Rix­heim, Zilli­sheim, Zim­mer­sheim, Flax­lan­den et Galfingue :

Oli­vier Becht (Majo­ri­té présidentielle)40,31 % 12 801 voix (en bal­lot­tage pour le 2ème tour)
Nadia El Haj­ja­ji (NUPES) 20,32 % 6 452 voix (en bal­lot­tage pour le 2ème tour)
Pierre Pin­to (RN) 16,13 % 5 122 voix (éli­mi­né)
Flo­rian Colom (LR) 5,41 % 1 717 voix (éli­mi­né)
Emma­nuel Taf­fa­rel­li (Recon­quête !) 4,48 % 1 424 voix (éli­mi­né)

Avec une abs­ten­tion à peine moindre que dans Mul­house intra-muros (57,90 %), Becht fait le plein dans ces com­munes, en récol­tant 8172 voix sup­plé­men­taires, soit les deux tiers de ses suffrages !

Des périphéries vieillissantes qui décident, de fait, pour la (jeune) ville centre 

Des bourgs qui cumulent un total de 53 274 habi­tants, et dis­posent de fait du sort d’une cir­cons­crip­tion qui en compte plus de 157 000, en incluant Mul­house et ses 105 000 habitants ! 

Une ville ou plus de 40% de la popu­la­tion a moins de 30 ans…

Source : Insee

Outre le retrait d’une par­tie signi­fi­ca­tive de l’électorat popu­laire qui s’était pré­sen­té aux urnes il y a quelques semaines, en vue de sou­te­nir la can­di­da­ture de Jean-Luc Mélen­chon, le contexte de démo­bi­li­sa­tion démo­cra­tique, comme cela est deve­nu cou­tu­mier depuis l’inversion du calen­drier élec­to­ral ins­ti­tuant les élec­tions légis­la­tives après les élec­tions pré­si­den­tielles, le scru­tin révèle (plus encore que d’autres élec­tions) un pro­ces­sus élec­to­ral deve­nu gérontocratique. 

On observe clai­re­ment ci-des­sous qu’à peine 30% des jeunes de 18 à 34 ans aura voté au pre­mier tour, contre 70% des plus de 70 ans…

Source : Radio France

Une classe d’âge qui, parce qu’elle vote mas­si­ve­ment, sou­tient à bout de bras le régime ins­ti­tu­tion­nel et poli­tique. S’agit-il pour autant du stade ter­mi­nal des ins­ti­tu­tions gaul­liennes ? Rien n’est moins sûr. 

Une ville centre pilotée par des Shadoks

Cela dit, le score de par­ti­ci­pa­tion aux légis­la­tives de 2022 demeure tou­te­fois meilleur que celui des élec­tions muni­ci­pales de 2020, où 9% seule­ment des suf­frages expri­més à Mul­house ont léga­le­ment suf­fi à recon­duire un équi­page muni­ci­pal dont le posi­tion­ne­ment poli­tique est deve­nu aero­pha­gique, par sa sin­gu­lière incli­na­tion à pom­per son monde par son vide idéo­lo­gique, à l’instar de nos illustres Sha­doks.

Au reste, le ben­ja­min de l’estrade muni­ci­pale, et adjoint au maire, Flo­rian Colom, a ten­té de faire bonne figure devant ses pairs, en pom­pant per­son­nel­le­ment l’air de ses conci­toyens, le temps de for­ma­tion d’une bau­druche en forme de cam­pagne élec­to­rale. Le tout pour réunir 6,07 % des suf­frages exprimés.

Il est vrai qu’a­vec des sou­tiens (de taille) comme ceux men­tion­nés ci-des­sous, le jeune Colom a peut-être mieux à faire qu’une car­rière en politique. 

Lui qui émar­geait à 6250 euros de salaire net men­suel jusque 2020 (chiffre de la HATVP), aux­quels s’adjoignent 9100 euros sur les 6 der­niers mois de l’année 2020 en tant qu’adjoint au maire, puis encore 1050 euros per­çus tou­jours sur les 6 der­niers mois de 2020, en tant que conseiller com­mu­nau­taire, et 728 euros en tant que vice-pré­sident du Sivom per­çus pour les 4 der­niers mois de 2020, n’est peut-être pas, en effet, le plus socia­le­ment repré­sen­ta­tif des citoyens mulhousiens.

Pour autant, il tient droit le porte-éten­dard de la bour­geoi­sie locale, y com­pris devant le conseil muni­ci­pal (lorsqu’il s’en tient un).

Une frac­tion sociale ultra mino­ri­taire qui se pense tout natu­rel­le­ment pro­prié­taire du pou­voir et qui aime à culti­ver l’entre-soi. Nous aurons l’occasion de reve­nir pro­chai­ne­ment sur le niveau de vie de « nos » élus, lequel tient sou­vent de la rente. 

Mais par­mi les autres carac­té­ris­tiques de cette pom­peuse classe sociale, il y a éga­le­ment l’idée d’une natu­ra­li­té poli­tique incar­née par sa pra­tique du pou­voir et la dif­fu­sion de ses valeurs. La droite LR, qui fut long­temps le vec­teur poli­tique de la bour­geoi­sie fran­çaise, s’est vue déro­ber son nord magné­tique, sa clien­tèle, par la créa­ture Macron. 

Et en dépit de repères idéo­lo­giques per­dus, les réflexes de « l’an­cien monde » sur­vivent encore. Et l’écart à la norme reste néces­sai­re­ment condam­né. Michèle Lutz, en ser­vice com­man­dé, n’a donc pas mieux trou­vé à dire, au soir du pre­mier tour, que :

« Avec un net recul de la par­ti­ci­pa­tion par rap­port aux élec­tions pré­si­den­tielles, les résul­tats des élec­tions légis­la­tives à Mul­house sont conformes à la ten­dance déjà obser­vée au mois d’avril der­nier, dans la logique de ces deux scru­tins natio­naux.
Après une cam­pagne atone comme le lais­sait pré­sa­ger les son­dages, le débat s’est pola­ri­sé à nou­veau entre trois blocs : majo­ri­té pré­si­den­tielle, extrême-gauche et extrême-droite.
À titre per­son­nel, je reste constante dans mon com­bat face aux extrêmes et appor­te­rai mon suf­frage au second tour au dépu­té Oli­vier Becht avec lequel j’ai tou­jours tra­vaillé en bonne intel­li­gence depuis son élec­tion au ser­vice de notre territoire. »


Michèle Lutz, maire de Mulhouse

Pour la maire de Mul­house, ou ceux qui lui rédigent des notes, il n’y a rien à redire sur le carac­tère « atone » de la cam­pagne, sinon pour remar­quer que les son­deurs l’avaient prévu !

Enfin, et sur­tout, cette manière de ren­voyer symé­tri­que­ment une « extrême-gauche » et l’extrême-droite, et de pré­tendre se situer en constance par rap­port à son « com­bat face aux extrêmes », (ce qui lui per­met ce fai­sant de jus­ti­fier hypo­cri­te­ment son appui au can­di­dat macro­nien), en dit long sur le désar­roi poli­tique ter­mi­nal de la bour­geoi­sie muni­ci­pale mulhousienne. 

« Déferlement » d’hyperboles 

Dans ces condi­tions, que reste-t-il à la gauche pour ce dimanche ? Sinon espé­rer un « défer­le­ment » (pour reprendre l’hyperbole du four­chu Mélen­chon) d’électeurs (de gauche) vers les urnes. Sur­tout les plus jeunes, et sur­tout ceux issus des quar­tiers populaires.

Il est tou­te­fois à craindre que cette attente s’apparente un peu (et encore) à celle de Godot dans la pièce de Beckett…

De nom­breux élec­teurs issus des classes popu­laires ont en effet ten­dance à jus­ti­fier leur abs­ten­tion en pré­tex­tant qu’un homme ou une femme seule ne peut rien chan­ger. Ce qui n’est pas faux. Les mêmes se dépla­ce­ront tou­te­fois plus volon­tiers lors de l’élection pré­si­den­tielle. Le sau­veur suprême exis­te­rait-il alors ? 

Éta­blir un rap­port de force à l’Assemblée natio­nale, quand bien même l’on y serait majo­ri­taire après avoir béné­fi­cié au mieux d’une dyna­mique élec­to­rale, ne suf­fi­ra évi­dem­ment pas pour trans­for­mer en pro­fon­deur l’ordre éco­no­mique, social et écologique. 

C’est tout l’en­jeu de l’a­près scru­tin, où, quoi qu’il arrive, il s’agira d’ap­puyer les mou­ve­ments sociaux qui ne devraient pas man­quer de s’y mul­ti­plier, compte tenu les tem­pêtes sociales et cli­ma­tiques qui grondent de partout…

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