Photographies et prise de son : Martin Wilhelm
Depuis plusieurs semaines maintenant, un mouvement social d’envergure est mené par les ATSEM (Agent territorial spécialisé des écoles maternelles) à Mulhouse, ces assistantes maternelles sur lesquelles repose une part essentielle de la réussite scolaire dès l’entrée dans le monde éducatif dès l’âge de 3 ans.
Avec leurs syndicats CGT, FA et CGT-FO, ils cherchent à se faire entendre par leur autorité de tutelle, la mairie de Mulhouse. Car ces agents territoriaux dont l’activité s’exerce dans les écoles aux côtés de personnels de l’Éducation nationale, relèvent des municipalités. Nous avons eu écho, dans la presse régionale, de l’énervement de Mme la maire de Mulhouse, devant ces personnels qui se font entendre bruyamment. Voilà pour la forme.
Mais quid du fond ? Quelles sont les motivations de ces agents qui connaissent des difficultés de tous ordres mais qui ont un souci évident d’être en mesure de bien effectuer le travail, pour le bonheur des enfants et la satisfaction de leurs parents ? Car personne ne fait grève pour son plaisir, n’en déplaise aux tenants de l’ordre viril qui voient des « gréviculteurs » partout.
Pour en savoir plus, nous avons interrogé, avec Mario Di Stefano et Martin Wilhelm, la secrétaire générale de la CGT de la Ville de Mulhouse, elle-même ATSEM, Ghada Bougouffa, accompagnée de Marianne Pfeiffer-Stanca, membre du bureau, pour en savoir plus, pour aller au-delà du simple énoncé des revendications.
Dans un passionnant échange, nous avons compris la profonde déception de ce personnel des ATSEM qui se sentent démunis pour effectuer leur travail comme ils le souhaiteraient. Combien il est difficile de se faire une place dans cette « Communauté éducative » qui prend en charge nos enfants très jeunes et dont nous attendons qu’ils s’en occupent avec compétence, disponibilité, bienveillance et affection…
Sans soupçonner une seule seconde les difficultés qu’ils rencontrent, les efforts qu’ils doivent déployer pour répondre à nos attentes, sans mesurer la précarité qui les frappe, la faible rémunération et le mépris que leur hiérarchie leur oppose quand ils osent se manifester pour que cesse la décrépitude des moyens qui leurs sont mis à disposition.
Vous entendrez deux jeunes femmes passionnées par leur métier, outrées par la dégradation de leurs conditions de travail, désespérées du peu d’attention qu’on leur accorde. Contraintes de mener des actions pour alerter l’opinion. Avec succès comme le prouve l’appui qui leur est accordé par les parents d’élèves et leurs principales organisations.
Vous comprendrez comment une lente et continuelle dégradation des services publics conduit à l’affaiblissement inéluctable de l’éducation publique poussant de plus en plus de familles à s’interroger s’il ne faut pas mettre leur enfant dans le privé… quitte à devoir payer, parfois cher, une éducation qui est censée être universelle, première marche pour atténuer les inégalités liées à l’origine sociale…
Vous saurez comment ce personnel est confronté à un manque de bras mal compensé par un appel à des personnels extérieurs manquant souvent de formation, mais ayant un avantage pour l’administration : celui de ne pas être titulaire et ne relevant donc pas des effectifs des services publics territoriaux. Et on peut dès lors saisir comment une politique nationale de réduction des moyens, de recul de dotations aux collectivités territoriales… conduit ces dernières à une économie de moyens de plus en plus drastiques au détriment des services que la population attend…
Et vous partagerez notre inquiétude devant une gestion sociale catastrophique par la tutelle de la mairie, administration et politiques conjuguées.
Que la Maire de Mulhouse ne soit pas un phénix en matière de gestion et qu’elle ne peut exister que sous la tutelle de son prédécesseur est assez triste, mais relèverait de l’anecdote s’il y avait un entourage pour rectifier les errances qui ne sont pas que sémantiques quand madame le maire est « vénère » !
On comprend qu’il s’agit en l’occurrence d’un « management » bien rodé, inspiré du secteur privé et qui a contaminé le public, et qui consiste notamment à mépriser les personnels, vilipender leurs représentations syndicales, promouvoir une gestion du personnel marquée par la menace, selon la théorie bien connue de la carotte et du bâton. Aucune place pour la gestion collective, pour la recherche d’un dialogue constructif, ce qui suppose une écoute de l’autre sans s’ériger en détenteur de la vérité, considérant que celle ou celui qui s’oppose serait donc inévitablement un imbécile, ou pire, un complotiste.
A l’écoute de ces témoignages, on se met à redouter le proche avenir dans notre cité. A une époque où, chacun le constate, les inquiétudes, voire les colères grandissent devant les difficultés sociales qui s’amoncellent, lesquelles nécessitent un dialogue social soutenu avec les citoyens, on se demande comment un exécutif municipal saura s’y soumettre, si sa première magistrate perd ses nerfs devant le bruit d’une manifestation bon enfant sous ses fenêtres…