La rapporteure publique plaide pour la non reprise des travaux au prétexte d’urgence 

Les Mines de Potasse d’Alsace (MDPA) exploitent un site de sto­ckage sou­ter­rain de déchets dits ultimes, c’est à dire de déchets dan­ge­reux de « classe 1 » et des déchets hau­te­ment toxiques, de « classe 0 ».

Situé dans les entrailles d’une ancienne mine de potasse Joseph Else de Wit­tel­sheim (près de Mul­house), le site a été exploi­té jus­qu’en 2002, et entre­pose près de 42 000 tonnes de déchets dans des blocs du sto­ckage sou­ter­rain, situés en des­sous des deux couches de potasse. 

Les opé­ra­tions d’ex­trac­tion et l’ex­ploi­ta­tion du site de sto­ckage de déchets ultime ont ces­sé en 2002. 

Seul site fran­çais à avoir été léga­le­ment auto­ri­sé à rece­voir des déchets hau­te­ment toxiques en couches géo­lo­giques pro­fondes, l’ins­tal­la­tion clas­sée pour la pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment a pour­tant été fer­mée en 2004, après l’in­cen­die d’une par­tie de de ces déchets toxiques, lequel n’au­ra pu être maî­tri­sé qu’a­près deux mois… 

En mars 2017, après enquête publique, le pré­fet du Haut-Rhin réau­to­ri­sait alors le sto­ckage illi­mi­té des déchets enfouis, mais après extrac­tion de 93 % des déchets de mer­cure encore présents.

Depuis lors, les oppo­sants au scel­le­ment du site, lequel avait été pré­sen­té comme devant être réver­sible, n’au­ront jamais ces­sé de batailler contre l’État, ordon­na­teur pro­fes­sion­nel de confi­ne­ments (aus­si bien maté­riels qu’­hu­mains !), afin de récla­mer le désto­ckage com­plet du site, face au dan­ger poten­tiel­le­ment consi­dé­rable qu’il fait adve­nir, notam­ment sur la pré­ser­va­tion de la res­source en eau de bois­son, puisque situé à proxi­mi­té de la plus grande nappe phréa­tique d’Eu­rope, éten­due sur plus de 300 kilo­mètres entre Bâle et Francfort.

Depuis près de 15 ans main­te­nant, les pro­cé­dures se suivent conti­nu­ment devant le Tri­bu­nal admi­nis­tra­tif, ren­dant impro­bable l’enfouissement des déchets, ain­si que le sou­haite les MDPA. 

Et lorsque Bar­ba­ra Pom­pi­li, ex-ministre de l’Environnement, confir­mait l’en­fouis­se­ment défi­ni­tif le 18 jan­vier 2021, contre l’a­vis des élus alsa­ciens, des asso­cia­tions envi­ron­ne­men­tales et citoyennes, les requêtes au Tri­bu­nal ont reprise plus inten­sé­ment encore, alors même que les asso­cia­tions envi­ron­ne­men­ta­listes et oppo­sants croyaient la par­tie per­due lors du vote d’un amen­de­ment intro­duit par le gou­ver­ne­ment dans le Pro­jet de loi de finances pour 2022, afin d’accélérer la mise à dis­po­si­tion de moyens finan­ciers nou­veaux aux MDPA. 

Ce jeu­di 15 décembre 2022, un nou­veau sur­sis sem­blait pour­tant pro­bable pour les oppo­sants à Sto­ca­mine au terme de l’au­dience tenue devant le Tri­bu­nal admi­nis­tra­tif de Strasbourg.

En effet, l’État a bien ten­té de convaincre le tri­bu­nal que la pour­suite des tra­vaux de confi­ne­ment devait urgem­ment reprendre, il n’a pas convain­cu la rap­por­teure publique (sui­vie en règle géné­rale par le Tri­bu­nal), laquelle a plai­dé pour la confir­ma­tion du sur­sis à tra­vaux, abon­dant ain­si dans le sens des oppo­sants, à savoir l’as­so­cia­tion Alsace nature, ain­si que la Col­lec­ti­vi­té euro­péenne d’Alsace (CEA), la Région Grand Est et l’association Consom­ma­tion loge­ment et cadre de vie (CLCV).

L’au­dience, d’une durée d’une heure et demie, a éga­le­ment per­mis à l’a­vo­cate et femme poli­tique Corinne Lepage de démon­trer l’in­té­rêt à agir de la CEA et de la CLCV. 

Un autre avo­cat, plus local, et pareille­ment spé­cia­liste de l’environnement, Maitre Zind, repré­sen­tait l’as­so­cia­tion Alsace nature. 

En face, les repré­sen­tants de l’État ne furent pas des plus effi­cients. Ils plai­dèrent que sor­tir ces déchets est trop com­plexe compte tenu l’é­tat géné­ral des gale­ries, et qu’il y a donc néces­si­té impé­rieuse de les scel­ler par des hec­to­litres de béton. 

L’a­vo­cate de la ville de Wit­tel­sheim n’a quant à elle pas plai­dé. Et le mémoire en défense des pro­mo­teurs de l’enfouissement est inter­ve­nu après clô­ture de l’ins­truc­tion, et ne sera ce fai­sant pro­ba­ble­ment pas pris en compte. 

L’af­faire a rebon­di récem­ment, quand la Cour admi­nis­tra­tive d’appel de Nan­cy dis­po­sa en octobre 2021 que les garan­ties finan­cières accor­dées par l’État aux MDPA (via l’a­men­de­ment par­le­men­taire cité plus haut) étaient insuf­fi­santes pour réa­li­ser le sui­vi à long terme de ce sto­ckage irréversible. 

La pré­fec­ture du Haut-Rhin a alors rédi­gé un arrê­té au début de l’an­née 2022 auto­ri­sant les tra­vaux préa­lables au confi­ne­ment, et ceux-ci ont débu­té au prin­temps avant d’être sus­pen­dus par le Tri­bu­nal admi­nis­tra­tif de Strasbourg.

L’État et les MDPA ont alors intro­duit une requête auprès du tri­bu­nal afin de deman­der la pour­suite des tra­vaux au titre de l’urgence à agir, et cette demande était reje­tée par la jus­tice admi­nis­tra­tive le 1er août de cette année.

Il faut cepen­dant bien par­ler de simple sur­sis pour tous les oppo­sants à l’enfouissement défi­ni­tif, puis­qu’un nou­vel arrê­té pré­fec­to­ral est en cours de rédac­tion. Une enquête publique est alors pré­vue pour 2023, et le nou­vel arrê­té pré­fec­to­ral auto­ri­sant la reprise de l’enfouissement devrait être publié au terme de la procédure… 

La date du déli­bé­ré est fixée au 12 jan­vier 2023. 

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