Cré­dit pho­to : M. Wilhelm

La réforme des retraites annon­cées par le gou­ver­ne­ment nous ins­pire ce titre. Nous ver­rons dans un autre article les rai­sons objec­tives qui nous conduisent à un constat : les argu­ments invo­qués par le gou­ver­ne­ment pour impo­ser cette « réforme » ne sont pas ceux qu’il annonce. 

Comme sou­vent, un train peut en cacher un autre : c’est le cas de ce pro­jet. Les mesures avan­cées ne sau­ve­ront pas le sys­tème de retraite par répar­ti­tion : elles le détrui­ront irré­mé­dia­ble­ment. Car c’est bien tout le sys­tème social fran­çais, mala­die, retraite, chô­mage qui est dans le viseur de l’ultralibéralisme au pou­voir aujourd’hui dans qua­si­ment tout le monde occidental.

Le sys­tème de pro­tec­tion social fran­çais ne colle pas avec la vision libé­rale de la droite au pou­voir dans notre pays : il est trop pro­tec­teur et ne fait pas suf­fi­sam­ment de place aux inté­rêts pri­vés qui dominent le capi­ta­lisme mon­dia­li­sé ! Le but de l’opération est bien de convaincre les citoyens que leur pro­tec­tion sociale n’est plus avan­ta­geuse et de les contraindre à se tour­ner vers les assu­rances pri­vées qui attendent, dans l’ombre, pour s’emparer d’un sec­teur qu’elles consi­dèrent, à juste rai­son, un puits de pro­fits inépuisables. 

Car, quelle que soit l’évolution de notre socié­té, il fau­dra tou­jours soi­gner des per­sonnes, héber­ger des malades, s’occuper d’une popu­la­tion qui vieillit et a besoin d’attention de plus en plus longuement…

Les ser­vices publics qui assurent ces acti­vi­tés doivent être pri­va­ti­sées pour per­mettre au capi­ta­lisme de s’emparer d’activités qu’il estime très pro­fi­table à l’avenir. Mais une des condi­tions, c’est bien d’appliquer les règles du « mar­ché » et de consi­dé­rer la san­té, la retraite, la vieillesse, comme des « mar­chan­dises » qui doivent géné­rer des pro­fits substantiels.

A cet égard, l’hôpital est emblé­ma­tique : tous les gou­ver­ne­ments, à par­tir du man­dat de Nico­las Sar­ko­zy et sa ministre de la San­té Rose­lyne Bache­lot, ont obli­gé l’hôpital public à fonc­tion­ner comme une entre­prise pri­vée et les éta­blis­se­ments ont été mises sous la tutelle d’Agence Régio­nale de la San­té, gérée par des « ges­tion­naires » char­gés de l’application de la volon­té gou­ver­ne­men­tale, et qui ont, avec zèle, impo­sé une ren­ta­bi­li­té condui­sant à sup­pri­mer des lits, réduire le per­son­nel, pri­vi­lé­giant les ratios éco­no­miques aux néces­si­tés d’une acti­vi­té prio­ri­sant la san­té de la population.

Ain­si, l’hôpital public était sou­mis aux mêmes règles que les cli­niques pri­vées qui fonc­tionnent sur des règles éco­no­miques du pri­vés. Mais pour accé­der à la plu­part de ces cli­niques, il faut pas­ser par des condi­tions tari­faires qui poussent de plus en plus, les citoyens à contrac­ter des cou­ver­tures san­té auprès d’assurances pri­vées, l’actuel finan­ce­ment Sécu­ri­té Sociale et Mutuelle ne pou­vant plus suivre, sur­char­gé par les contraintes que leur impose le gou­ver­ne­ment (réduc­tion des patho­lo­gies prises en charge, du rem­bour­se­ment des médicaments…)

Ce glis­se­ment pro­gres­sif vers une pri­va­ti­sa­tion totale des acti­vi­tés de san­té s’amorce main­te­nant avec la retraite qui mène­ra d’une manière irré­mé­diable, vers la pri­va­ti­sa­tion au pro­fit des fonds de pen­sions qui sont aux aguets depuis belle lurette. Déjà les sys­tèmes de retraites des prin­ci­paux pays occi­den­taux sont entre leurs mains. Un pays de 67 mil­lions de citoyens leur échappe encore, essen­tiel­le­ment parce que les Fran­çais res­tent atta­chés vis­cé­ra­le­ment au sys­tème par répar­ti­tion mal­gré les cam­pagnes média­tiques pour le dis­cré­di­ter. L’opération pro­mo­tion du sys­tème « Pré­fon » auprès des fonc­tion­naires a été un flop monu­men­tal car peut de pré­ten­dants y ont sous­crit. Un « flop » monumental…

M. Macron et ses séides vendent leur réforme comme des boni­men­teurs mis en scène avec com­plai­sance par la qua­si-tota­li­té des médias. Et dans « boni­men­teur », il y a « men­teur ».  80% des Fran­çais sont oppo­sés au recul de l’âge du départ à la retraite ? Alors fai­sons tra­vailler des agences de com­mu­ni­ca­tion pour inven­ter des argu­ments pour impo­ser cette « réforme ». Quitte à men­tir comme des arra­cheurs de dents… Ce qui est d’ailleurs une carac­té­ris­tique du Pré­sident de la Répu­blique dont les men­songes, les pro­messes non-tenues, les entour­loupes pour étouf­fer une contes­ta­tion dans le cadre d’un « grand débat », sont légion…

L’UNITÉ SYNDICALE : UNE PREMIÈRE DEPUIS DOUZE ANS…

La gra­vi­té de la situa­tion a été par­fai­te­ment ana­ly­sée par les orga­ni­sa­tions syn­di­cales qui sont pour cer­taines d’entre elles (CGT et CFTC) à l’origine de la construc­tion du sys­tème de san­té fran­çais en 1947. Même la CFDT, pour­tant acquise à une réforme d’une retraite à points qui affai­bli­rait éga­le­ment le sys­tème actuel, est vent debout contre cette réforme.

Les syn­di­cats ont bien per­çu que nous entrons dans une phase de liqui­da­tion de notre actuel sys­tème de pro­tec­tion sociale basée sur la soli­da­ri­té. Dont la répar­ti­tion est le sym­bole dans le cas des retraites. Et l’affirmation du gou­ver­ne­ment quant au « sau­ve­tage » du sys­tème de répar­ti­tion est un men­songe de plus pour mas­quer le véri­table objec­tif de la réforme : réduire les moyens de la pro­tec­tion sociale pour entrer dans les cri­tères des défi­cits publics auto­ri­sés par l’Union européenne…

La forme rejoint le fonds : depuis qu’il est au pou­voir, M. Macron veut se pas­ser des corps inter­mé­diaires dont les syn­di­cats font par­tie. La ver­ti­ca­li­té des déci­sions, prises sou­vent par le seul Pré­sident, conduit, au fur et à mesure, à des dénis de démo­cra­tie. Le rôle des syn­di­cats est bien d’être des relais de la situa­tion des tra­vailleurs, actifs ou retraités. 

Est-ce qu’ils jouent tou­jours leur rôle à la per­fec­tion ? Sûre­ment pas, sinon com­ment expli­quer leur faible influence dans le monde du tra­vail d’aujourd’hui ? Cet affai­blis­se­ment est uti­li­sé par le pou­voir éco­no­mique et poli­tique, pour impo­ser des mesures assu­rant une régres­sion sociale pour faire pas­ser l’idée : les jeunes géné­ra­tions ne pour­ront plus vivre comme leurs aînés, créant ain­si un fos­sé géné­ra­tion­nel bien utile pour cas­ser les conquêtes sociales des salariés.

Qui se posent cette ques­tion : ce qui était pos­sible dans une France lami­née par la 2e guerre mon­diale ne le serait plus aujourd’hui alors que les pro­fits finan­ciers n’ont jamais été aus­si grands et que le nombre de mil­liar­daires dans le monde a atteint un som­met inéga­lé dans l’histoire du capitalisme ?

Il faut aler­ter les citoyens : l’enjeu autour de cette réforme est immense. Si elle passe, il y a peu de chances qu’un futur gou­ver­ne­ment, quel qu’il soit, pour­ra reve­nir en arrière, car ce n’est pas seule­ment un simple pro­jet de loi mais bien une casse totale d’une vision sociale pour un pays ain­si que des méca­nismes et outils qui per­mette de la faire vivre.

Quoique l’on puisse pen­ser des orga­ni­sa­tions syn­di­cales, la ques­tion n’est plus là : pour la pre­mière fois depuis douze ans, TOUTES les orga­ni­sa­tions sont unies pour stop­per cette des­truc­tion sociale et pour pro­po­ser d’autres solu­tions. Aucune d’entre elles ne pro­posent le sta­tut quo…

S’il y a une seule rai­son qui doit vous conduire à arpen­ter les pavés pour faire com­prendre à ce gou­ver­ne­ment qu’il doit écou­ter le peuple et ouvrir de vraies négo­cia­tions pour une juste réforme des retraites, c’est bien le 19 jan­vier qui l’incarne. Les syn­di­cats appellent à des grèves, des mani­fes­ta­tions, peut être d’autres ini­tia­tives… La réus­site de cet appel sera bien plus déter­mi­nante que le débat par­le­men­taire mal­heu­reu­se­ment déjà plié puisque Les Répu­bli­cains appellent à voter Macron… Les syn­di­cats ont donc un rôle essen­tiel à jouer : l’unité qu’ils affichent est salu­taire. Ils ont à pré­sent besoin de l’appui du monde du tra­vail, concrè­te­ment, dans la rue.

« Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le déli­cat
Fou qui songe à ses que­relles
Au cœur du com­mun com­bat »
écri­vait Ara­gon dans La Rose et le Réséda.

Notre sys­tème de pro­tec­tion sociale est bien sous la grêle et per­sonne ne peut se rési­gner à pri­ver la popu­la­tion de notre pays de ce bien com­mun déjà pas mal amo­ché par le pas­sé récent. Nous avons entre les mains de le sau­ver. Le 19 jan­vier par exemple… Et plus si affinités.

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