« Est-ce qu’il y a un autre can­di­dat qu’A­lain Cou­chot pour le poste de 1er adjoint ? » Per­sonne ne moufte. 

Après avoir enté­ri­né la place de Pre­mier adjoint au béné­fice d’A­lain Cou­chot (ex 3ème dans le rang des conseillers muni­ci­paux), et celle de Flo­rian Colom à la troi­sième place (reve­nu au diable Vau­vert de la 19ème posi­tion !) dans « l’ordre du tableau » (comme le répé­te­ra Michèle Lutz), on assis­tait ce jeu­di 2 février au point culmi­nant de la tem­pête élec­tro­ma­gné­tique vrom­bis­sant sur le conseil muni­ci­pal de Mulhouse. 

Tout com­men­çait alors pour le mieux dans l’u­ni­vers des élus réunis en vue de défendre et pro­mou­voir l’in­té­rêt géné­ral des mul­hou­siens et mulhousiennes. 

19 jeunes du conseil des ados et deux classes de pre­mière du lycée Albert Schweit­zer venaient de s’ins­tal­ler par­mi le public. « J’espère que nous sau­rons leur don­ner une belle image de l’engagement poli­tique », s’a­muse Mme Lutz. 

Dehors, la mani­fes­ta­tion des artistes et tech­ni­ciens pour le main­tien en l’é­tat du fes­ti­val « Scènes de rue » vient de s’a­che­ver. Et la charge élec­trique qui la tra­ver­sait, alors que les élus de la majo­ri­té devaient se plier à une « céré­mo­nie d’ac­cueil » devant le parc expo dans lequel se tient la conseil, s’accumule dans la salle tel un catalyseur. 

Michèle Lutz appuie alors sur le contac­teur : « cha­cun s’attend à un mot sur la démis­sion de Jean Rott­ner : ça tombe bien, telle était mon intention ». 

Et qu’en dira-t-elle ? « C’est une déci­sion per­son­nelle, donc ça ne se com­mente pas ». Puis, sen­tant l’a­bime s’ouvrir devant elle : « C’est un choix fami­lial, pro­fes­sion­nel, un choix de vie. Il y a une cer­taine indé­cence à com­men­ter des choix per­son­nels ».

Elle se ris­que­ra même à une ana­lo­gie avec la situa­tion d’un élu de l’opposition qui quit­te­rait la vie poli­tique : « n’es­comp­tez aucun reproche de ma part ! »

On est rassuré. 

Mieux, la maire de Mul­house rend hom­mage à son pré­dé­ces­seur pour ser­vices ren­dus à la ville. Elle sou­ligne l’action et l’engagement qui ont été les siens au ser­vice du ter­ri­toire. Et semble s’a­mu­ser de l’ef­fet que sa bra­vade loya­liste pro­voque en son­dant son assistance. 

Vote sur le rang du nou­vel adjoint se fera à main levée. L’op­po­si­tion ne prend pas part au vote.

Alain Cou­chot (LR) est élu 1er adjoint par la voie de boi­tiers élec­tro­niques : les applau­dis­se­ments sont emme­nés par la maire : « Bra­vo M. Cou­chot !».

L’élection de Flo­rian Colon (LR) pro­cède de manière iden­tique en quelques minutes. 

Le spec­tacle du désastre déli­bé­ra­tif remue l’opposition. La mai­tresse d’école prend à témoin « la jeu­nesse » dans la salle, pour ten­ter d’éteindre un début d’incendie.

Les jeunes « mesurent ce qu’est l’engagement poli­tique » ! « C’est moi qui pré­side cette assem­blée sauf preuve du contraire »

En face, l’op­po­si­tion de gauche ful­mine. C’est l’électrochoc. Loïc Miné­ry (EELV) dresse un réqui­si­toire à charge. Rott­ner : maitre du passe-plat au niveau muni­ci­pal et régio­nal. Oppor­tu­niste et fruc­ti­fiant son car­net d’adresse. Notam­ment pour fac­tu­rer 2500 euros la jour­née de conseil en pleine crise sani­taire. « Devra-t-on le cano­ni­ser ? », s’en­quit-il.

Il réclame au nom de son groupe la res­ti­tu­tion de 80 000 euros de pres­ta­tions à offrir aux asso­cia­tions d’ac­tion sociale. 

« Des votes au pas de course » ful­mine Nadia El Haj­ja­ji. « Bra­vo ! » Mais c’est un « tour de passe passe« pour l’é­lue (Génération(s)) qui se demande ce qu’il en est des délé­ga­tions dans ce jeu de chaises musicales. 

« Mais enfin, on n’al­lait pas attri­buer des délé­ga­tions pour des per­sonnes non élues », tente Michèle Lutz, qui semble men­tir mieux qu’un arra­cheur de dents. 

Nadia El Haj­ja­ji s’en pren­dra par ailleurs à Alain Cou­chot fai­sant réfé­rence à l’affaire Quat­te­nens, tan­dis que la condam­na­tion pour vio­lence sexiste du conseiller muni­ci­pal sié­geant Pau­vert n’est pas même évoquée.

Pre­nant à témoin les jeunes, Michèle Lutz s’écrie éton­nam­ment en s’a­dres­sant aux jeunes dans la salle : « Que pensent-ils de l’éloquence de cer­tains poli­tiques ? ». Elle menace de cou­per le micro à l’opposante.

Ce fai­sant, elle déclenche la fureur de Jason Fleck (LFI). Il accuse notam­ment les agents de l’avoir empê­ché d’accéder à la salle. Brou­ha­ha dans la salle. Loïc Miné­ry inter­vient pour cal­mer son voisin.

« S’il vous plait les jeunes » : Michèle Lutz joue, une fois n’est pas cou­tume, les mai­tresses d’école pour récla­mer le silence.

Joseph Siméo­ni (PCF), d’ordinaire si sou­cieux de la bien­séance et res­pec­tueux de ses inter­lo­cu­teurs, est trai­té de « popu­liste de bas étage » par Hen­ri Metz­ger, que l’on a connu bien mieux ins­pi­ré, parce qu’il invo­quait le carac­tère néo-libé­ral des choix de Jean Rott­ner, ex pré­sident du conseil de sur­veillance du GHRMSA (grou­pe­ment hos­pi­ta­lier), rem­pla­cé par Alain Couchot.

Pour Ritz (RN), Rott­ner doit rendre des comptes à ses élec­teurs. En bonne héri­tière de la rhé­to­rique extrême-droi­tière, elle amorce une tirade anti-franc-maçonne : « Triste spec­tacle des loges maçon­niques, quand les « frères » sont ins­tal­lés au siège de maire en cours de man­dat ».

Se défen­dant d’ins­truire des pro­cès, « contrai­re­ment à un groupe poli­tique par voie de presse », elle se pré­sente plu­tôt en juge arbitre : « M. Cou­chot est sur l’avant der­nière marche du podium ».

Notant la « patience de M. Cou­chot », si vous voyez ce qu’elle veut dire, elle remar­que­ra conco­mi­tam­ment « la hâte de M. Colom », alias « Mon­sieur 5% » (son score aux légis­la­tives de juin 2022), lequel devient par voie de sub­sti­tu­tion de poste chef du groupe majoritaire.

Sen­tant ses ailes et ses canines croitre à vitesse ver­ti­gi­neuse, Flo­rian Colom, nou­veau « chef du groupe majo » s’enhardit, et se lan­ça dans la pro­duc­tion d’a­na­phores ten­dant à dépo­li­ti­ser et à natu­ra­li­ser les choix muni­ci­paux propre à l’ha­bi­tus néo­li­bé­ral. Et ceci, cela, ou encore là « c’est de droite ou de gauche ? ».

Les biais idéo­lo­gique sont comme à l’habitude mués en « poli­tique du bon sens ». Et Loïc Miné­ry est qua­li­fié de : « faux-nez de l’extrême gauche ».

Le voeu muni­ci­pal du groupe cause com­mune, pré­sen­té par Joseph Siméo­ni (rela­tif à la réforme des retraites) est décla­ré hors champ de com­pé­tence par le nou­veau pré­sident du groupe majo­ri­taire, qui appelle à ne pas prendre part au vote. 

Oubliant, comme le rap­pelle à juste titre l’é­lu Simeo­ni, que la muni­ci­pa­li­té est aus­si l’employeur de 1300 agents…

Vu de l’extérieur, le conseil muni­ci­pal semble un opé­ra bouffe dont les par­ti­tions sont bien écrites à l’a­vance, cha­cun y tenant un rôle prédéfini. 

C’est que les accu­sa­tions por­tées contre Jean Rott­ner sont hélas essen­tiel­le­ment morales ou éthiques, au lieu d’être poli­tiques, a contra­rio de ce que pro­pose l’asso­cia­tion anti­cor­rup­tion « AC !! » (qui lutte contre toutes les formes de cor­rup­tion, pour la défense de l’intérêt géné­ral, de l’environnement, et pour le sou­tien aux lan­ceurs d’alerte), laquelle dénonce un « délit de favo­ri­tisme et une prise illé­gale d´intérêt », et dépose plainte. 

Aux argu­ment rele­vant de l’au­to­ri­té morale et de l’exem­pla­ri­té, répondent les élé­ments de même nature, cher­chant à décon­si­dé­rer l’ad­ver­saire en visant sa posi­tion de surplomb. 

Mon­sieur le Pre­mier adjoint emprun­te­ra donc le bou­le­vard qui lui est ouvert pour répondre à l’opposition de gauche, avec le maxi­mum d’ef­fets dramatico-bouffants. 

Ayant soi­gneu­se­ment pré­pa­ré ses effets et répé­té ses mots, il s’a­dresse à Loïc Miné­ry en lisant ses fiches : « Votre réqui­si­toire éta­lé dans la presse était hai­neux : la réfé­rence au sang, évoque de bien fâcheux sou­ve­nirs ». Il ren­voie l’en­semble de l’op­po­si­tion de gauche à la « méthode Bom­pard ».

Enchai­nant : « la démo­cra­tie n’est pas votre point fort » ! « Dire que Jean Rott­ner s’est ser­vi de Mul­house : quelle indé­cence ! ». « Et de quel droit récla­mez-vous le rem­bour­se­ment de l’argent per­çu par Jean Rott­ner, comme s’il l’avait volé ! ».

Le mono­logue se conclut alors sur l’air de « nous on tra­vaille », ample­ment déve­lop­pé par Jean Rott­ner, dès lors qu’un oppo­sant se fai­sait un rien trop vivace. Épi­logue de la par­ti­tion Cou­cho­tienne : les applau­dis­se­ments de la majorité. 

Rideau ? Pas tout à fait. 

Notre confrère Rue89Strasbourg, rap­pelle dans l’un de ses der­niers articles que le lun­di 30 jan­vier le conseil muni­ci­pal de Stras­bourg s’est ter­mi­né par le départ théâ­tral des groupes d’opposition, qui ont quit­té la séance avant sa conclu­sion pour pro­tes­ter qu’une de leur réso­lu­tion ait été reti­rée de l’ordre du jour.

Cela parait étrange, vu de Mul­house (comme ailleurs), où les oppo­si­tions se plaignent sou­vent de la logique d’étrangement majo­ri­taire en vigueur dans les exé­cu­tifs muni­ci­paux, notam­ment dans les villes grandes et moyennes. Un moyen d’ac­tion poli­tique effi­cace mais démo­cra­ti­que­ment rabougrissant. 

A Stras­bourg, la loi demeure iden­tique, mais l’op­po­si­tion y a réus­si à « bor­dé­li­ser » les débats, en consé­quence de l’instauration des « réso­lu­tions » par l’exécutif éco­lo­giste en décembre 2020. 

Notre confrère explique que « Dans l’esprit de la maire Jeanne Bar­se­ghian (EELV), il s’agissait de per­mettre aux groupes d’opposition du conseil muni­ci­pal de sou­mettre au vote des textes qui, s’ils sont votés, enga­ge­raient la muni­ci­pa­li­té au même titre qu’une déli­bé­ra­tion ».

« Ajou­tées aux inter­pel­la­tions, aux motions et aux ques­tions d’actualité, cet ordre du jour sup­plé­men­taire et cli­vant qui ter­mine chaque conseil muni­ci­pal met les éco­lo­gistes sous pres­sion et les force à être sur la défen­sive. Alors que le béné­fice poli­tique d’être dans l’exécutif nor­ma­le­ment, c’est l’action, les déli­bé­ra­tions sont sou­vent adop­tées sans débat public, dépla­çant ain­si le centre de gra­vi­té des conseils muni­ci­paux vers ces moments d’inversion du rap­port de force et de l’initiative ».

Par sou­ci de vita­li­té démo­cra­tique, les par­tis de gauche alter­na­tifs et/ou éco­lo­gistes oublient sou­vent que la droite n’a aucun scru­pule à impo­ser son agen­da et ses prio­ri­tés, se sou­ciant peu de bien­séance démo­cra­tique, a for­tio­ri lors­qu’elle se trouve dans l’opposition. 

C’est peut-être éga­le­ment une naï­ve­té poli­tique propre à la gauche « morale », qui dans sa recherche de consen­sus trans­ver­saux, en oublie d’être d’a­bord à l’ac­tion en matière politique…