Consti­tué par un regrou­pe­ment d’associations et de citoyens, mobi­li­sés pour dénon­cer les orien­ta­tions actuelles du pro­jet de ZAC Daweid, le Col­lec­tif Alter­na­tives Daweid, pro­meut des alter­na­tives ver­tueuses dans le res­pect des impé­ra­tifs cli­ma­tiques, pay­sa­gers, ali­men­taires et sociétaux.

A ce sujet, il est pré­vu que 46 hec­tares de terres agri­coles culti­vées et de forêts soient trans­for­mées en zone d’ac­ti­vi­té et en zones d’ha­bi­ta­tion sur la com­mune d’Is­sen­heim, à l’en­trée de la val­lée de Gueb­willer, dite val­lée du Flo­ri­val (« val­lée des fleurs »), située au pied du Grand-Bal­lon (Haut-Rhin), point culmi­nant des Vosges.

Le col­lec­tif demande un mora­toire immé­diat et l’arrêt de ces pro­jets. Le pro­jet du Daweid « conduit à une perte d’environ 27 ha de sur­face agri­cole et à la des­truc­tion de 10,3 ha de zones humides », en contra­dic­tion avec les orien­ta­tions régio­nales et le cadre légis­la­tif (Loi « Cli­mat et Rési­lience » et Plan Biodiversité).

En consé­quence, l’ar­ti­fi­cia­li­sa­tion des terres se pour­suit. Pour­tant, la démarche ZAN (Zéro Arti­fi­cia­li­sa­tion Nette), issue du Plan Bio­di­ver­si­té de 2018, demande aux col­lec­ti­vi­tés de réduire de 50 % le rythme d’ar­ti­fi­cia­li­sa­tion et de la consom­ma­tion des espaces natu­rels, agri­coles et fores­tiers d’i­ci 2030 par rap­port à la consom­ma­tion mesu­rée entre 2011 et 2020, avec un objec­tif de « zéro arti­fi­cia­li­sa­tion » en 2050.

L’impact en serait consi­dé­rable, avec la perte d’espaces agri­coles fer­tiles, l’imperméabilisation durable des sols, l’appauvrissement de la bio­di­ver­si­té et la des­truc­tion de zones humides régu­la­trices des flux de précipitations.

Au niveau régio­nal, il contre­vient éga­le­ment aux dis­po­si­tions du sché­ma régio­nal d’aménagement de déve­lop­pe­ment durable et d’égalité des ter­ri­toires qui pré­voit l’in­té­gra­tion des enjeux cli­mat air éner­gie dans l’aménagement, la pré­ser­va­tion des zones humides inven­to­riées, et la réduc­tion de la consom­ma­tion foncière. 

Autonomie et résilience alimentaire :

Le sys­tème agri­cole pro­duc­ti­viste domi­nant n’est pas viable à long terme : éro­sion de la bio­di­ver­si­té, appau­vris­se­ment des sols, pré­da­tion de la res­source en eau, pol­lu­tion des sols, de l’eau et de l’air et accé­lé­ra­tion du chan­ge­ment cli­ma­tique cau­sés par l’emploi des intrants azo­tés et des pes­ti­cides etc. Un chan­ge­ment pro­gres­sif et irré­ver­sible des pra­tiques agri­coles est néces­saire, mais la pré­ser­va­tion des sur­faces culti­vées est une condi­tion pre­mière pour être en capa­ci­té de nour­rir les être humains.

La récente crise sani­taire et le conflit ukrai­nien ont été révé­la­teurs de la néces­si­té de relo­ca­li­ser la pro­duc­tion ali­men­taire afin de la sous­traire aux aléas des trans­ports et de la logis­tique, grands consom­ma­teurs d’énergie fos­sile et sou­mis aux sou­bre­sauts de la géopolitique. 

Biodiversité :

Le pré­sident de la Com­mu­nau­té de Com­mune de la Région de Gueb­willer (CCRG) avance que les sols actuel­le­ment culti­vés en maïs ou lais­sés en jachère ne pré­sen­te­raient pas d’intérêt pour la bio­di­ver­si­té. Or, dans son rap­port en date du 21 juillet 2021 por­tant sur un pro­jet d’urbanisation à Staf­fel­fel­den, le Conseil Natio­nal de la Pro­tec­tion de la Nature rap­pelle que « l’artificialisation d’un champ de maïs, par sa non réver­si­bi­li­té, pré­sente un impact qui ne peut être qua­li­fié de faible à nul pour la bio­di­ver­si­té. Cela revient à nier les pro­ces­sus éco­lo­giques les plus basiques, et notam­ment la vie du sol comme sup­port de bio­di­ver­si­té ». Ces terres ne sont en effet pas condam­nées à res­ter des mono­cul­tures de maïs.

Budget :

Dans sa séance du 11/02/2020 la CCRG a vali­dé l’ac­qui­si­tion de 27,5 ha au prix total de 3.050.775 € TTC, plus envi­ron 30.000 € pour un acte nota­rié. Lors de cette même réunion, un prêt avec rem­bour­se­ment in fine d’un mon­tant de 3.060.000 € auprès de l’A­gence France Locale rela­tif à cet achat a été vali­dé. L’a­chat d’autres par­celles de 120 ares pour un mon­tant de 155.200 € TTC a été vali­dé en CC le 15/04/2021. Ces sommes sont déjà enga­gées à ce jour, sans comp­ter le coût des études et évi­dem­ment des futurs amé­na­ge­ments de via­bi­li­sa­tion et d’aménagement. On ne peut que regret­ter l’ampleur de ces enga­ge­ments finan­ciers hasar­deux qui affec­te­ront dura­ble­ment les capa­ci­tés de l’intercommunalité à s’engager réso­lu­ment dans une bifur­ca­tion éco­lo­gique, face aux consé­quences iné­luc­tables des dérè­gle­ments cli­ma­tiques sur le ter­ri­toire, autant du point de vue envi­ron­ne­men­tal que sani­taire et social.

Démographie :

Les sources INSEE indiquent que la popu­la­tion totale des 19 com­munes qui com­posent la CCRG est pas­sée de 39 539 habi­tants en 2014 à 38 823 en 2020. Les pro­jec­tions démo­gra­phiques à l’ho­ri­zon 2050 pré­voient une dimi­nu­tion durable de la popu­la­tion du Grand Est, dont une baisse de 150 000 habi­tants pour le seul Haut-Rhin. De plus en plus, le choix d’une rési­dence n’est pas uni­que­ment lié à l’emploi, mais éga­le­ment à la qua­li­té du cadre de vie. Or, cette créa­tion de ZAC indui­ra iné­luc­ta­ble­ment une dété­rio­ra­tion irré­ver­sible des pay­sages de la vitrine du Flo­ri­val et de l’attractivité du ter­ri­toire.

Eau :

Alors que les défi­cits plu­vio­mé­triques imposent déjà la rehausse de 3 mètres du bar­rage du Lac de la Lauch d’ici 2025 dans la cadre du SAGE pour com­pen­ser les effets du réchauf­fe­ment cli­ma­tique, il n’est pas envi­sa­geable d’amplifier davan­tage l’urbanisation du bas­sin ver­sant de la Lauch et les pré­ten­tions de consom­ma­tion d’eau.

L’étude d’impact relève par ailleurs que « la nappe se situe à faible pro­fon­deur au niveau de l’aire d’étude (1,5 à 3 m), impli­quant une vul­né­ra­bi­li­té moyenne à forte par rap­port aux pol­lu­tions ».

Comme la sta­tion d’épuration d’Issenheim est non conforme en per­for­mance, que sa capa­ci­té nomi­nale est dépas­sée et que les tra­vaux de remise aux normes ne devraient abou­tir au mieux qu’en 2028, l’avis de la MRAe rap­pelle ain­si que « toute aug­men­ta­tion des rejets d’assainissement aurait pour consé­quence de dégra­der davan­tage la situa­tion et d’avoir des impacts inac­cep­tables sur les eaux super­fi­cielles ».

Emploi :

La CCRG motive son pro­jet par des pers­pec­tives éco­no­miques qui ne s’appuient pour­tant sur aucune étude de pros­pec­tive concrète. Les 530 à 1000 emplois annon­cés au fil du pro­jet seront-ils des créa­tions ou davan­tage des trans­ferts ? Selon M. THOUMELIN de l’ADIRA (Agence de Déve­lop­pe­ment d’Alsace), « les gens sou­haitent moins se dépla­cer pour limi­ter les frais de car­bu­rant ». Or, à ce jour, il n’y a pas de visi­bi­li­té sur le type d’emplois créés « car il est dif­fi­cile d’anticiper les besoins du mar­ché et donc de connaître à l’avance la typo­lo­gie des entre­prises inté­res­sées ». L’insécurité géo­po­li­tique et l’augmentation des coûts de l’énergie rendent les pers­pec­tives de créa­tion d’entreprises très aléa­toires et le chan­tage à l’emploi encore moins justifiable.

Mobilité :

Corol­laires de l’emploi, les dépla­ce­ments induits par cette nou­velle zone sou­lèvent le pro­blème d’une aug­men­ta­tion sen­sible du tra­fic et de ses nui­sances : sur­fré­quen­ta­tion et insé­cu­ri­té rou­tière, aug­men­ta­tion des poids lourds, pol­lu­tions atmo­sphé­riques et sonores, bitu­mage des voi­ries et parkings… 

Selon la Com­mu­nau­té de com­munes, la ZAC ne géné­re­rait « que » 127 véhi­cules sup­plé­men­taires le matin et 162 le soir, des pré­vi­sions très éloi­gnées des objec­tifs de 530 emplois a mini­ma, car faute de liai­son fer­ro­viaire et de des­serte régu­lière par auto­cars, il semble peu pro­bable que les futurs sala­riés se dépla­ce­raient tous à vélo, ou à quatre (ou davan­tage) en auto­mo­bile, pour se rendre sur leur lieu d’activité…

Paysages :

Les pay­sages remar­quables à l’en­trée de la val­lée, avec vue sur le mas­sif vos­gien, sont déjà gra­ve­ment mena­cés par la construc­tion de lotis­se­ments et de zones d’activité, que l’on vienne de Col­mar, de Merx­heim ou de Mul­house. Avec l’urbanisation du Daweid, la porte prin­ci­pale du Flo­ri­val ne serait consti­tuée que d’une arche indus­trielle. On peut rêver à mieux comme accueil pour les tou­ristes ! Il est donc urgent de sanc­tua­ri­ser ces pay­sages qui contri­buent aus­si de façon impor­tante à l’at­trac­ti­vi­té et au « bien vivre » du Flo­ri­val. Les plan­ta­tions pré­vues en bor­dure des voies d’accès ne sont que de piètres habillages cosmétiques…

Participation citoyenne :

La Com­mu­nau­té de com­munes mini­mise les obser­va­tions citoyennes, et notam­ment toutes les réflexions liées à l’artificialisation des terres, au recul des capa­ci­tés agri­coles, aux impacts envi­ron­ne­men­taux sur la bio­di­ver­si­té, l’eau, les sols et l’air, à la pri­mau­té de l’urgence cli­ma­tique. Elle consi­dère « qu’elles ne sont pas de nature à remettre en cause la pour­suite du pro­jet afin d’atteindre les objec­tifs de la CCRG en matière de déve­lop­pe­ment éco­no­mique et donc d’attractivité du ter­ri­toire » et indique vou­loir pour­suivre le projet. 

Les 5000 signa­tures d’une péti­tion lan­cée par « Action Cli­mat Flo­ri­val », ne sont pas évo­quées

Résilience climatique :

D’a­près le GIEC, nous devrions stop­per toute arti­fi­cia­li­sa­tion des sols pour enrayer le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Le fait de béton­ner ou maca­da­mi­ser les terres favo­rise les fameux îlots de cha­leur en réver­bé­rant le soleil au lieu de l’ab­sor­ber comme peut le faire un ter­rain natu­rel consti­tué de terre végé­tale ou encore mieux de forêt. La double contrainte éner­gé­tique et cli­ma­tique nous pous­se­ra de toute manière, à court/moyen terme, à nous orien­ter vers plus de proxi­mi­té et de sobrié­té. Soit nous nous orga­ni­sons aujourd’­hui cal­me­ment, en ayant encore le temps d’y réflé­chir, soit nous le subi­rons dans la contrainte et dans l’ur­gence d’i­ci quelques années. Alors que les élus se sont enga­gés sur des objec­tifs d’un Plan Cli­mat ambi­tieux, une ZAC à cet endroit ne pour­ra qu’aller à l’encontre des objec­tifs fixés.

Propositions alternatives :

En conclu­sion de son « Rap­port de pré­sen­ta­tion du dos­sier de créa­tion », la CCRG estime que « la ZAC Daweid doit être la vitrine de l’engagement éco­lo­gique du ter­ri­toire inter­com­mu­nal ».

Les mul­tiples impacts néga­tifs rele­vés plus haut, notam­ment par la Mis­sion Régio­nale de l’Autorité envi­ron­ne­men­tale, placent hélas le pro­jet aux anti­podes de cette louable ambition.

Le col­lec­tif alter­na­tives Daweid demande que de nou­velles affec­tions plus per­ti­nentes puissent être déci­dées afin de pou­voir mettre en œuvre une ambi­tion forte de relo­ca­li­sa­tion de la pro­duc­tion pota­gère et/ou frui­tière de proxi­mi­té, menant à une meilleure rési­lience alimentaire. 

Les orga­ni­sa­tions agri­coles estiment à ce sujet que l’autonomie ali­men­taire doit res­ter ou doit rede­ve­nir une prio­ri­té incom­pres­sible des collectivités.

Par­mi les pistes pro­po­sées par le col­lec­tif : la créa­tion d’une vaste zone maraî­chère avec pro­duc­tion de fruits et légumes en agri­cul­ture bio­lo­gique, celle d’un ver­ger-conser­va­toire péda­go­gique pour la pré­ser­va­tion des varié­tés frui­tières rus­tiques, avec pro­duc­tion de fruits et implan­ta­tion de ruches, d’une cui­sine col­lec­tive pour ali­men­ter les can­tines des éta­blis­se­ments sco­laires du ter­ri­toire de la CCRG en repas bios et locaux, voire les hôpi­taux et mai­sons de retraite, ou encore une micro­bras­se­rie, une épi­ce­rie et une conser­ve­rie trans­for­mant la pro­duc­tion ali­men­taire locale.

Ces emplois pour­raient être géné­rés dans le cadre d’une entre­prise d’insertion, per­met­tant ain­si de sala­rier les per­sonnes en recherche d’emploi et de dimi­nuer le chô­mage de la val­lée à tra­vers une ambi­tion forte d’économie sociale et solidaire.

Cette bifur­ca­tion ver­tueuse per­met­trait au ter­ri­toire de faire du Daweid une véri­table « vitrine de l’engagement éco­lo­gique du ter­ri­toire inter­com­mu­nal ».