Il serait illusoire pour l’exécutif de considérer que le nombre de participants en baisse lors de la manifestation du samedi 11 mars serait le fruit de la résignation… Ou de l’acceptation d’un coup de force démocratique. Les quelques 2500 manifestants mulhousiens (il étaient entre 600 et 1000 à Colmar), et le million dans toute la France, sont en quelque sort ceux qui brandissent l’étendard du refus d’une réforme rejetée par la population dans son immense majorité.
Le vote au Sénat n’y change rien : les Français sont contre cette loi et soutiennent tout aussi massivement les actions et manifestations exigeant le retrait du texte. Le recul du nombre de manifestant est avant tout conjoncturel : beaucoup de nos concitoyens consacrent le samedi à diverses activités qu’ils ne peuvent faire la semaine. D’autant plus que le rendez-vous du mercredi 15 mars s’avère à présent stratégique !
L’assurance affichée par le gouvernement se lézarde dès lors que l’on examine la situation de plus près. Le passage en force, appuyé par une discipline de vote exigé par les chefs macronistes et les LR, à l’endroit de certains députés hésitants (comme cela s’avère être le cas dans la minorité présidentielle, ainsi qu’au sein des si mal-nommés Républicains), est bien l’expression d’une défaite politique pour M. Macron !
GOUVERNER CONTRE LE PEUPLE, UNE MANIE MACRONIENNE
Emmanuel Macron l’a démontré dès son premier mandat. Il n’a rien d’un « homme d’Etat » et il méprise ceux qui ne pensent pas comme lui. Le fait de ne jamais avoir assumé un seul mandat politique (municipal, législatif, départemental…) est bien la preuve qu’il considère la politique comme le moyen de « gérer » une collectivité comme une entreprise : le patron doit imposer son point de vue, les opposants sont néfastes pour la société et les récalcitrants sont priés de voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Cette vision managériale de la présidence est dramatique pour le pays tant sur le plan national qu’international. Mais elle est opportune pour le monde économique des multinationales et de la grande finance. Car cela permet d’imposer la régression sociale à la population, par la suppression progressive des principales conquêtes sociales.
Cette vision est partagée par une petite fraction de celle qui se prend pour l’élite de la population, et a rejoint Emmanuel Macron : on y trouve des députés incapables de comprendre ceux qui les ont élus, qui miment le mépris de leur « chef » envers leurs concitoyens, ces « pauvres qui ne comprennent jamais rien » …
Et comme ils se considèrent comme l’élite, ceux qui ne sont pas d’accord avec eux ne peuvent être que des imbéciles ou des complotistes.
LA COMMUNICATION (ET SES LIMITES) COMME MOYEN DE GOUVERNER
En des temps normaux, la communication politique sert à expliquer à l’opinion le bien-fondé de la politique suivie par le gouvernement. C’est pourquoi le système médiatique français est vertical et que le contenu éditorial des médias est orienté par le gouvernement. Contrairement à d’autres pays tout aussi libéraux, la presse française est d’une docilité, voire d’une soumission, effarante.
Surtout quand celui qui donne le ton des contenus des journaux considèrent que la « communication » doit être à son seul service et éliminer au maximum les réactions hostiles à son égard.
Les attentes de M. Macron vis-à-vis des médias se réduisent à valoriser ses décisions et à dénigrer celles de l’opposition. Sur le fond et la forme.
On l’a vu récemment dans le débat parlementaire : les élus de l’opposition ont effectué leur travail. Ils ont fait état de l’opposition de la majorité des Français à la réforme de M. Macron et ont fait des propositions pour amender le texte qui leur est soumis. Ce qui se fait dans tous les pays dotés d’une démocratie représentative.
Le roitelet de l’Élysée a quant à lui considéré que cela était de « l’obstruction ». Argument immédiatement asséné dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale par les bêlants députés soumis à Jupiter… Et appuyés par ceux du Rassemblement National qui partagent la conception de M. Macron, quant au rôle de la presse dans ce pays.
On a vu ainsi ce député de la NUPES interpeler M. Dussopt sur les accidents du travail en faisant un impair de vocabulaire. Non pas sur la qualification à l’égard du Ministre, mais en utilisant le terme « d’assassin ». Il aura ainsi donné l’occasion à ce filou de passer pour un « homme agressé »… Et ainsi lui éviter de devoir s’exprimer sur le fond sur la réalité de l’augmentation des morts au travail et de la volonté du gouvernement de triturer les chiffres pour arriver à une conclusion inverse. De l’inexpérience politique qui se soigne avec le temps, M. Saintoul !
Pourtant, l’image désastreuse du débat parlementaire n’est pas celle que les médias veulent mettre en avant, en affirmant que la responsabilité vient des élus de gauche. Non, c’est bien le gouvernement et ses alliés de droite (toutes les droites !) qui a choisi de raccourcir les débats, et a refusé d’examiner le texte les samedis et dimanches afin d’éviter le débat, ce qui aura créé des incidents de séance.
Et pourtant, chaque intervention dans les médias d’un ministre ou d’un député favorable à la réforme ne faisait que renforcer l’opposition des Français à cette réforme : il y a donc bien une limite à l’utilisation de la communication comme forme de gouvernance. C’est que le mensonge devient trop évident et que les éditorialistes de service ne peuvent plus l’habiller des oripeaux de la Vérité.
CONTRADICTIONS ET CONTRE-VÉRITÉS
Les limites de la communication se traduisent également dans le besoin continu d’« adapter » la stratégie de communication pour tenter de répondre aux attentes de la population.
Les fortunes dépensées pour les sondages et les conseils en communication, sont gigantesques et n’ont pas de précédent dans leur dimension. Conseils et sondages sont étroitement liés puisque c’est le résultat des enquêtes d’opinions qui conduisent les McKinsey et compagnie à trouver des réponses adéquates à l’instant T. Mais les évolutions incessantes des opinions peuvent conduire à dire un jour le contraire de ce qu’on a dit la veille. Cela donne une certaine inconstance au résident de l’Elysée qui, peu à peu, perd de sa crédibilité à force d’adapter son discours avec les éléments de langage fournis par ses conseillers.
Cette « inconstance » est mortifère dans un régime présidentiel dans lequel toute action est verticale et est ensuite déclinée par les adeptes du Président et des médias aux ordres. Donc ce qui est vrai un jour ne l’est plus le lendemain, si les sondages le prédisent. Cette procédure conduit aussi à des incompréhensions auprès des citoyens et, in fine, à une décrédibilisation de la parole présidentielle et de ses affidés.
Les mensonges successifs ne sont donc pas fortuits, mais sont partie intégrante de la politique publique de cette 5e République à bout de souffle.
EXIGEZ DES DÉPUTÉS DE RENDRE COMPTE DE LEURS ACTES
Mesdames Klinkert et Goetschy-Bolognes, MM. Fuchs, Becht, Ott, Lemaire, Schellenberger : qui vous a prié de briser la retraite par répartition en votant ce texte ?
La crise démocratique qui marque la situation actuelle est préoccupante, car la politique perd encore ses derniers atouts en étant réduite à l’image de mensonge permanent de l’exécutif.
Une des caractéristiques de cette « démocratie parlementaire », est que nous élisons des représentants, par exemple à l’Assemblée Nationale, pour une législature, lors de laquelle ceux-là même qui ont été élus négligent totalement de rendre compte de leur action à ceux qui les ont mandaté. Rendez-vous aux prochaines élections !
Cette façon de considérer avec désinvolture et mépris ses mandants est devenue insupportable ! Quel député macroniste a été mandaté pour voter une réforme des retraites ?
Mesdames Klinkert et Goetschy-Bolognes, MM. Fuchs, Becht, Ott, Lemaire, Schellenberger : qui vous a prié de briser la retraite par répartition en votant ce texte ?
Tant que ces Messieurs-dames ne seront pas contraints de rendre compte de leur mandat, ils continueront de promettre tout ce que vous voulez bien entendre et voteront l’exact contraire si le gouvernement l’exige. Et seuls les citoyens ont la légitimité pour exiger des comptes de leur député par des actions citoyennes que la Constitution ne leur donne malheureusement pas.
N’est-ce pas cela qui est la première cause du désintérêt des citoyens qui s’expriment dans l’abstention massive ? Pouvez-vous croire que vous pourrez continuer longtemps à être représentatif et légitime si vous êtes élus par une poignée de citoyens ?
La crise démocratique que vous accroitrez, si vous passez en force sur cette réforme des retraites, finira par vous atteindre également.
Ce qui peut être craint, c’est que ces méthodes antidémocratiques utilisées pour faire fi de l’avis de la population, pourraient être assortie de réduction des libertés d’expression et de manifester, comme cela commence à s’entendre dans les médias favorables au gouvernement. A l’image de ce qu’imaginent d’autres gouvernements en Europe connaissant de fortes protestations populaires, comme la Grande-Bretagne ou l’Allemagne, dans laquelle le gouvernement a été contraint de céder sur des augmentations fortes dans les collectivités locales et la Poste…
La suite logique du système macronien est bien de casser le thermomètre pour prouver qu’il n’y a pas de maladie. Pas sûr que cela marche beaucoup mieux que la stratégie du mensonge comme principe de gouvernement.
La galerie photographique de Martin Wilhelm :