Cré­dit pho­tos : Mar­tin Wilhelm

Depuis le 1er jan­vier de cette année, Auchan a défi­ni­ti­ve­ment fer­mé son maga­sin de Mul­house-Ill­zach, lais­sant 122 sala­riés sur le car­reau. La gale­rie mar­chande, fan­to­ma­tique depuis cette date bien que quelques com­mer­çants conti­nuent de tenir bou­tique, s’est ani­mée ce jeu­di 16 mars, avec la venue d’une grande par­tie des sala­riés en passe d’être licen­ciés : ils venaient sou­te­nir leurs délé­gués du per­son­nel qui devait ren­con­trer la direc­tion pour négo­cier le PSE, le si mal-nom­mé Plan de sau­ve­garde de l’emploi.

Pour les syn­di­ca­listes sou­te­nus à fond par les employés, il n’était pas ques­tion de signer quoi que ce soit si le PSE ne conte­nait pas une prime supra-légale que les sala­riés concernent tota­le­ment légi­time au vu des années de tra­vail (jusqu’à 27 ans d’ancienneté pour cer­taines) avec des faibles salaires et ayant per­du, au fur et à mesure des restruc­tu­ra­tions, des avan­tages liées au fait d’être sala­riés Auchan… En effet, bal­lo­tés au gré des chan­ge­ments d’enseignes et de ges­tion­naires, les employés d’Auchan Mul­house ont per­du d’importantes conquêtes sociales.

En pleurs tel­le­ment ses sou­ve­nirs sont cruels, une res­pon­sable syn­di­cale, (à décou­vrir dans nos inter­views orales), nous raconte com­ment, jusqu’au der­nier jour, le 31 décembre 2022, les employés ont ran­gé dans des caisses les pro­duits encore en rayons… des­ti­nés à un sol­deur qui réglait chaque article, quelque soit son prix de vente, 70 cen­times pièce !

« UNE PRIME, CE NE SERAIT PAS VOUS AIDER ! »

La demande de la prime supra-légale que veulent les sala­riés est de 60% du salaire men­suel par année d’ancienneté avec un mini­mum de 3 mois pour ceux qui ont le moins d’ancienneté et un maxi­mum de 24 mois pour ceux qui ont tra­vaillé 27 ans. (une somme infime au regard des moyens d’Auchan puisqu’elle s’élève à 750 euros pour une per­sonne au smic), nous rap­pelle la délé­guée CFTC Zelikha.

A cela, la direc­tion répond que « ce ne serait pas vous aider de payer cette prime », en affir­mant que leur volon­té serait plu­tôt de les aider à retrou­ver un emploi. De l’hypocrisie pure que l’ensemble des sala­riés dénoncent en arguant des dif­fi­cul­tés à trou­ver un tra­vail, de la moyenne d’âge éle­vée du per­son­nel… qui n’aura aucune chance de retrou­ver un job !

Lors de la réunion du 16 mars, la direc­tion cam­pait sur sa posi­tion et l’ambiance fut ten­due voire hou­leuse puisque les sala­riés étaient là pour appuyer la demande des délégués.

Une nou­velle réunion, la troi­sième, aura lieu cette fois-ci au siège d’Auchan, à Villeneuve‑d’Ascq le 28 mars pro­chain. Mais la direc­tion n’assume les frais de dépla­ce­ments que pour 11 per­sonnes alors que de nom­breux sala­riés sou­hai­taient y par­ti­ci­per. « Une puni­tion pour le fait que nous avons mobi­li­ser les tra­vailleurs aujourd’hui », nous confie Géral­dine Deleu­ry, une des négo­cia­trices syn­di­cales, repré­sen­tante sans éti­quette des cadres et agents de maîtrise…

LE POT DE TERRE CONTRE LE POT DE FER

Cette confron­ta­tion est sym­bo­lique de l’affrontement entre deux classes aux inté­rêts tota­le­ment diver­gents dans notre socié­té : d’un côté le clan Mul­liez, 5e for­tune de France, riche à mil­liards, de l’autre, des sala­riés qui n’ont que leur force de tra­vail pour vivre et qui sont jetés comme des vieux papiers dès qu’on en a plus besoin !

L’empire Mul­liez, c’est Auchan, Leroy Mer­lin, Bou­lan­ger, Flunch, Kia­bi, Toys « R » Us, Cultu­ra, Décath­lon, la banque Oney… Ces enseignes loca­li­sées dans les zones péri­ur­baines sont par­mi les plus fré­quen­tées des Français.

Gérard Mul­liez, le fon­da­teur de la galaxie Auchan, affiche une for­tune de 50,05 mil­liards, en hausse de 1,3 %, selon le clas­se­ment éta­bli par le jour­nal Capi­tal.

Cette for­tune repose sur l’accumulation d’un patri­moine dont les béné­fices ne ruis­sellent que dans les poches d’une même orga­ni­sa­tion depuis 1955 : l’Association Fami­liale Mul­liez (AFM). Cet orga­nisme de ges­tion de patri­moine est com­po­sé de plus de 1 400 membres, dont près de 800 action­naires fami­liaux. Depuis bien­tôt 70 ans, il concentre le fruit du tra­vail des plus de 700 000 sala­riés des dif­fé­rents groupes dont la famille est propriétaire.

LA MÉTHODE MULLIEZ

Les sala­riés, eux, ne voient que très peu ces béné­fices. Seuls 15% d’entre eux sont rever­sés aux sala­riés chaque année, via la prime d’intéressement. Quant aux salaires, ils peinent à suivre l’inflation.

En 2021, les membres de l’AFM se sont par­ta­gés 750 mil­lions d’euros de divi­dendes (uni­que­ment pour l’enseigne Auchan) … et on mégote à ver­ser 750 euros par an aux licen­ciés de Mul­house ! Com­ment doit-on qua­li­fier cette atti­tude ? Scan­da­leuse, pour le moins.

En 2020, en plein cœur de la crise COVID, la famille s’est adon­née à une restruc­tu­ra­tion de ses enseignes et a pro­fi­té des ordon­nances Macron pour décla­rer la faillite de ses celles-ci, licen­cier les effec­tifs et rache­ter d’autres les enseignes une fois les dettes épongées.

ÉVASION FISCALE LÉGALE

Pour­tant fiè­re­ment implan­tée dans le nord de la France, les Mul­liez s’installent volon­tiers en Bel­gique pour pro­té­ger ses inté­rêts finan­ciers et pro­cé­der à de l’évasion fis­cale. En témoigne la rue de la Reine Astrid située à Néchin, en Bel­gique. Les habi­tants de cette char­mante bour­gade rurale d’à peine plus de 2 000 âmes ont eux-mêmes renom­mé la rue se ter­mi­nant à la fron­tière avec la France « Rue Mul­liez ». Cette situa­tion géo­gra­phique leur per­met ain­si d’optimiser leur décla­ra­tion de patri­moine et de payer beau­coup moins (qua­si­ment rien) d’impôts, selon les infor­ma­tions du maga­zine en ligne L’Insoumission.

Ces gens-là vivent bien dans un autre monde. Bra­vo aux sala­riés d’Auchan de leur rap­pe­ler l’existence de la vraie vie. Ils méritent tout notre sou­tien et notre solidarité.

Échange avec les repré­sen­tantes syndicales :

Échange avec une com­mer­çante de la gale­rie encore pré­sente :

Gale­rie pho­to­gra­phique de la gale­rie d’Au­chan Mul­house, par Mar­tin Wilhelm