Le 19 décembre der­nier, à l’occasion d’une jour­née natio­nale d’actions ini­tiée par la Cgt Spec­tacle et la Cip (coor­di­na­tion inter­mit­tents et pré­caires) en appui à l’intervention fédé­rale Cgt lors la pre­mière CNPS (Conseil Natio­nal des Pro­fes­sions du Spec­tacle) de la nou­velle ministre de la Culture et de la Com­mu­ni­ca­tion, Fleur Pel­le­rin, une quin­zaine de pro­fes­sion­nels du spec­tacle et de l’audiovisuel se sont invi­tés à l’antenne Pôle-Emploi, pont Mathis à Strasbourg.

POURQUOI

L’objectif de l’action visait à renou­ve­ler une fois de plus la pro­tes­ta­tion des pro­fes­sion­nels à l’encontre de conven­tion de l’assurance chô­mage issue de négo­cia­tions par­ti­cu­liè­re­ment déloyales du mois de mars pré­cé­dent, mais éga­le­ment à inter­pe­ler l’organisme sur les dys­fonc­tion­ne­ments et les dis­pa­ri­tés de trai­te­ment que ren­contrent les chô­meurs du secteur.

Car, aux consé­quences du dur­cis­se­ment des condi­tions d’accès à indem­ni­tés, qui aggravent celles de 2003, s’ajoutent les effets de dys­fonc­tion­ne­ments, de blo­cages incom­pré­hen­sibles de dos­siers et d’inégalités de trai­te­ment dues à des diver­gences d’interprétation d’un règle­ment dans lequel sub­siste bien des ambiguïtés.

Or, l’expérience de la sec­tion régio­nale Sfa-Cgt, et a for­tio­ri  celle d’autres sec­tions où le rap­port de forces syn­di­cal est plus impor­tant, ont fait la démons­tra­tion que la défense des dos­siers indi­vi­duels est plus effi­cace quand elle est menée col­lec­ti­ve­ment, plu­tôt que par les seules per­sonnes concer­nées qui se retrouvent iso­lées et désem­pa­rées face aux filtres que l’organisme a éri­gé entre eux et les ser­vices dont ils dépendent. Par­fois au grand dam des agents de Pôle-Emploi eux-mêmes, qui connaissent pour part une pré­ca­ri­té d’emploi simi­laire et déplorent le manque de for­ma­tion néces­saire pour accom­plir leurs fonctions.

COMMENT

Il faut bien dire que la mobi­li­sa­tion alsa­cienne a connu au cours de l’année des heures plus glo­rieuses (plus de 300 lors des actions du prin­temps) et que l’irruption dans les locaux du petit groupe de mani­fes­tants n’est pas d’emblée appa­ru  comme un inves­tis­se­ment démons­tra­tif de masse des lieux : il a fal­lu qu’ils s’asseyent par terre pour signi­fier qu’ils n’étaient pas des usa­gers ordi­naires. Et encore : il a fal­lu plu­sieurs minutes pour qu’une res­pon­sable régio­nale de pas­sage dans l’antenne les enjoigne de quit­ter le hall d’accueil. Invi­ta­tion qui fut sans effet, car le groupe de mani­fes­tants per­siste et demande à ren­con­trer la direc­tion, qui s’avère être hors des murs. Un échange s’improvise dans une salle atte­nante et la res­pon­sable régio­nale s’engage à orga­ni­ser une ren­contre à l’horizon du début d’année 2015, en liai­son avec Pôle Emploi Ser­vices de Nan­terre qui gère en exclu­si­vi­té les dos­siers des inter­mit­tents du spectacle.

L’engagement est tenu et abou­tit à une réunion le 11 février dernier.

La ren­contre est l’occasion de reve­nir sur l’exigence de prise en consi­dé­ra­tion des pro­po­si­tions de réforme du dis­po­si­tif for­mu­lée par la pro­fes­sion elle-même, dont l’ouverture des droits à par­tir de 507 heures sur 12 mois avec réexa­men à date anni­ver­saire, dont preuve est faite qu’elle n’est pas plus coû­teuse que le méca­nisme actuel , mais tel­le­ment plus juste et en adé­qua­tion avec la réa­li­té du flux d’emploi de la profession.

LES EFFETS

Seront évo­quées, en vrac, la ques­tion des dif­fi­cul­tés à joindre des inter­lo­cu­teurs de Pôle Emploi, celle des « droits rechar­geables » qui main­tiennent des allo­ca­taires à des taux jour­na­liers déri­soires (jusqu’à 0,88 euro par jour !), la prise en compte limi­tée des heures de for­ma­tion don­née – alors qu’elles occupent un espace gran­dis­sant dans l’emploi des artistes au détri­ment des acti­vi­tés de « pla­teau » -, le cumul des annexes 8 et 10 (qui clivent aujourd’hui les artistes et tech­ni­ciens du spec­tacle, alors qu’elles sépa­raient le spec­tacle vivant de l’audiovisuel avant la « réforme » de 2003 : pour mémoire, la reven­di­ca­tion de la pro­fes­sion porte sur une annexe unique), ou encore l’indemnisation en cas de congé mater­ni­té ain­si que les heures de « rési­dence » (pré­sence pro­lon­gée d’artistes dans une struc­ture et par­ti­ci­pant à des acti­vi­tés d’animation liées à une création) .

Ont ain­si été posées – et pour cer­taines, réso­lues – tant des cas par­ti­cu­liers que des ques­tions plus géné­rales qui, si elles ne sont pas du res­sort des agents ren­con­trés, ont du moins été relayées à la hiérarchie.

Mal­gré le très faible nombre de par­ti­ci­pants, l’initiative aura donc néan­moins eu des résul­tats concrets, ce qui tend au besoin à démon­trer que l’action, quelle qu’elle soit, est payante.

Et l’on ne peut s’empêcher d’imaginer ce qui pour­rait être obte­nu avec des mobi­li­sa­tions plus amples et plus sou­te­nues, notam­ment sur le ter­rain de la lutte pour l’emploi, mis à mal par les poli­tiques cultu­relles natio­nales et ter­ri­to­riales – ou plu­tôt leur absence – et qui consti­tuent, au-delà de la ques­tion de  l’indemnisation du chô­mage, le pro­blème essen­tiel aux­quels les artistes et tech­ni­ciens du spec­tacle sont confrontés.

Remarques et chiffres :

La mesure de la nou­velle conven­tion qui a le plus « fâché » en mars der­nier por­tait sur un dif­fé­ré d’indemnisation aggra­vé pour les res­sor­tis­sants des annexes spectacle.

 Si l’annonce de Manuel Valls, au début de l’été, suite à la mobi­li­sa­tion des pro­fes­sions concer­nées, de la prise en charge par l’Etat de son coût – ce, pos­si­ble­ment jusqu’en 2016 – a été accueillie avec sou­la­ge­ment, elle repré­sente néan­moins une lourde menace d’amorce de sor­tie du dis­po­si­tif spé­ci­fique aux métiers en ques­tion de la soli­da­ri­té inter­pro­fes­sion­nelle et de ce fait, une nou­velle étape du déman­tè­le­ment pro­gres­sif de l’ensemble de la pro­tec­tion sociale.

Les inter­mit­tents du spec­tacle sont au nombre de 1600 en Alsace. 

Selon la Cgt, leur mobi­li­sa­tion de 2014 a repré­sen­té la moi­tié du mou­ve­ment social en France de l’année.

Daniel Murin­ger