Dans son éditorial à charge du 5 mai, intitulé « L’acte de reddition de la social-démocratie française », l’éditorialiste-en-chef du double journal unique alsacien, Laurent Bodin, s’échinait à souligner le « déshonneur politique » auquel se seraient livrés les partis de gauche, au premier rang desquels le PS, en signant leur « reddition idéologique » à la « France insoumise ».
Comparés aux « Républicains », supposément droits dans leurs bottes (marécageuses), puisqu’ils ne se sont pas tous vendus aux macronistes (alors que leurs électeurs ont quant à eux largement franchi le pas !), ni au Rassemblement national (quand idéologiquement plus grand chose ne les distingue), « Les mouvements de gauche n’ont pas eu cette hauteur de vue et d’esprit. Il vaut mieux mourir avec ses principes que de les marchander pour un plat de lentilles ».
Bien pire que la cuisine aux orties, « Il [l’ignoble Mélenchon] est surtout parvenu à convaincre ses nouveaux partenaires, adversaires hier, qu’ils partagent le même socle idéologique républicain. Ce n’est pas le cas ».
Et comment donc ! La VI ème République que promeut Mélenchon est celle des gredins qui veulent déboulonner notre monarchie éclairée et sa chambre d’enregistrement ô combien remuante, peuplée de députés si fiers de défendre leurs prérogatives.
Comment les composantes de la gauche pourraient-elles en effet se résoudre à bouleverser un ordre socio-politique aussi idyllique !
Passons sur l’art du sophisme politique Bodinien, par lequel « Quarante ans après, les socialistes et écologistes vont rallier un parti prêt à ne pas respecter les règles européennes plutôt que de les dénoncer dans le respect des traités ».
« Dénoncer dans le respect des traités » revient en quelque sorte à illustrer empiriquement l’éclairante expression italienne « fare un buco nell’acqua », c’est à dire faire un trou dans l’eau. Mais le Bodin est amphibien, et faire des ronds dans l’eau est précisément l’objet de son activité quotidienne.
A défaut d’imagination, et moins encore d’autonomie intellectuelle, vous noterez en passant le gout immodéré pour les métaphores culinaires chez les éditocrates de la presse des milliardaires !
« Le plat de lentilles » semble en effet servir de menu unique à la bouche d’un vaste parterre de professionnels du commentariat, tout comme du personnel politique, ainsi que l’illustre cette édifiante première partie d’enquête parue chez nos confrères d’Acrimed : « Anatomie d’une campagne médiatique contre la gauche ».
On y découvrira notamment que le groupe EBRA (propriété du Crédit Mutuel lequel possède L’Alsace et les DNA) n’est pas en reste en matière d’anti-mélenchonisme fervent, parmi l’ensemble des groupes de presse possédés par les milliardaires Bolloré, Arnaud, Niel, ou Bouygues.
Effets politiques du méphitique Mélenchon dans le Haut-Rhin et à Mulhouse
Le département du Haut-Rhin se subdivise en 31 cantons et six circonscriptions :
- 1re circonscription : Andolsheim, Colmar-Nord, Colmar-Sud, Neuf-Brisach.
- 2e circonscription : Guebwiller, Kaysersberg, Lapoutroie, Munster, Ribeauvillé, Rouffach, Sainte-Marie-aux-Mines, Wintzenheim
- 3e circonscription : Altkirch, Dannemarie, Ferrette, Hirsingue, Huningue
- 4e circonscription : Cernay, Ensisheim, Masevaux, Saint-Amarin, Soultz-Haut-Rhin, Thann
- 5e circonscription : Mulhouse-Est, Mulhouse-Ouest, Mulhouse-Sud, Habsheim
- 6e circonscription : Illzach, Mulhouse-Nord, Sierentz, Wittenheim
Pour simplifier la compréhension des citoyens, depuis le redécoupage des cantons de 2014, les circonscriptions législatives ne sont plus composées de cantons entiers (au nombre de 31 comme indiqué ci-dessus, mais de demi-cantons, plutôt au nombre de 17) qui continuent cependant d’être définies selon les limites cantonales en vigueur en 2010 :
- 1re circonscription : cantons de Colmar‑1 (sauf commune d’Ingersheim), Colmar‑2 et Ensisheim (22 communes)
==> Cette circonscription est dévolue au Parti socialiste selon les accords électoraux de « La nouvelle union populaire écologique et sociale »
- 2e circonscription : cantons de Guebwiller (11 communes), Sainte-Marie-aux-Mines et Wintzenheim, commune d’Ingersheim
==> Cette circonscription est dévolue à la France insoumise selon les accords électoraux de « La nouvelle union populaire écologique et sociale »
- 3e circonscription : cantons d’Altkirch, Masevaux-Niederbruck (44 communes) et Saint-Louis
==> Cette circonscription est dévolue à la France insoumise selon les accords électoraux de « La nouvelle union populaire écologique et sociale »
- 4e circonscription : cantons de Cernay, Ensisheim (16 communes), Guebwiller (7 communes), Masevaux-Niedebruck (15 communes) et Wittenheim (sauf communes de Ruelisheim et Wittenheim)
==> Cette circonscription est dévolue à la France insoumise selon les accords électoraux de « La nouvelle union populaire écologique et sociale »
- 5e circonscription : cantons de Brunstatt-Didenheim (7 communes), Mulhouse‑1, Mulhouse‑2 (quartiers Cité-Briand, Sellier-Waldner et Rebberg) et Mulhouse‑3 (sauf quartier Wagner-Wolf et commune d’Illzach), communes de Galfingue, Habsheim, Heimsbrunn, Morschwiller-le-Bas, Riedisheim et Rixheim
==> Cette circonscription est dévolue à Europe écologie selon les accords électoraux de « La nouvelle union populaire écologique et sociale ». En pratique, elle a été renégociée au bénéfice de Génération(s)
- 6e circonscription : cantons de Brunstatt-Didenheim (21 communes), Kingersheim (sauf communes de Galfingue, Heimsbrunn et Morschwiller-le-Bas), Mulhouse‑2 (sauf quartiers Cité-Briand, Sellier-Waldner et Rebberg) et Mulhouse‑3 (quartier Wagner-Wolf et commune d’Illzach) et Rixheim (sauf communes de Habsheim, Riedisheim et Rixheim), communes de Ruelisheim et Wittenheim
==> Cette circonscription est dévolue à la France insoumise selon les accords électoraux de « La nouvelle union populaire écologique et sociale »
Sur les 6 subdivisions territoriales du Haut-Rhin, les deux tiers reviennent ainsi à des candidats issus de la France insoumise (4 sur 6), une au Parti socialiste, et une à Génération(s) (soit la principale circonscription du département), qui recouvre la quasi-totalité de la ville de Mulhouse.
La source des investitures est disponible ici.
Passé les accords électoraux pour les élections législatives entre l’Union populaire de Mélenchon, et les diverses composantes de la gauche (EELV, le PCF, et le PS), tant décriés par la presse mainstream, revenons sur les résultats du premier tour de l’élection présidentielle, et voyons comment le corps électoral mulhousien a choisi de positionner le candidat de l’Union populaire dans les 5° et 6° circonscriptions électorales du Haut-Rhin.
Au sortir du second tour, une fracture très nette apparait entre le sud de Mulhouse (Riedisheim, Brunstatt-Didenheim…), majoritairement acquis à Macron, et le nord, ainsi que la bande rhénane, en pleine reddition lepenienne (contrairement à 2017), avec des scores inouïs de 53,54 % à Battenheim, 53,48 % à Chalampé, 52,55 % à Hombourg, et 57,04 % à Ottmarsheim, notamment.
Cependant, ainsi que le montre le travail de bénédictin effectué par notre ami Jean-Jacques Greiner, l’attente des quartiers mulhousiens populaires de la cinquième circonscription est immense, et sa mobilisation en masse en la faveur de Mélenchon au premier tour (70% de participation en moyenne !) est particulièrement remarquable, ainsi qu’on le distingue d’abord par le quartier des Coteaux :
- Bureau de vote 56, Jules Verne aux Coteaux, Mélenchon en première place avec 47,69 % des suffrages
- Bureau 57, Louis Pergaut, aux Coteaux, Mélenchon en première place avec 51,59 % des suffrages
- Bureau 58, Albert Camus, aux Coteaux, Mélenchon en première place avec 56,85 % des suffrages
- Bureau 59, Jules Verne, aux Coteaux, Mélenchon en première place avec 54,27 % des suffrages
- Au total, l’Union populaire récolte 52,5 % des exprimés sur les 4 bureaux de vote, et 28,99 % des inscrits
Autre quartier ayant massivement choisi Mélenchon, le Drouot. Les 3 bureaux de vote comptabilisent en effet une moyenne de 39,18 % des suffrages pour le candidat de l’Union populaire, le plaçant en première position, à plus de 10 points de Le Pen, et près de 20 pour Macron.
Le quartier Nordfeld place Mélenchon en tête avec à peine moins de suffrages qu’au Drouot et 32 % de moyenne sur les 3 bureaux.
Le quartier Daguerre fait de même, avec 38,16 % des exprimés et 24,46 % des inscrits, ainsi que le quartier Brustlein, avec rien moins que 49,20 % des suffrages et 29,75 % des exprimés pour le candidat de l’Union populaire.
Même dynamique pour le quartier Cité-Briand avec 48,02 % des suffrages pour Mélenchon, et Mulhouse quartier Sellier, comptabilisant 33,75 % des votes exprimés, et plaçant là encore le candidat insoumis en première position devant Macron et Le Pen.
Enfin, le quartier Fonderie boucle cette liste de scores étonnants avec 40,56 % des suffrages en la faveur du candidat de l’Union populaire, loin devant Macron avec 23,36 % et Le Pen avec 13,95 %.
Plus surprenant, le candidat de l’Union populaire arrive également premier dans les 4 bureaux de vote du quartier mulhousien Haut-Poirier, avec 29,25 % des suffrages.
Tout comme à Hôtel de Ville I, avec 27,75 %, et Mairie II avec 32,16 %.
La sixième circonscription montre un pareil engouement pour l’Union populaire, avec 45,42 % des suffrages sur les 19 bureaux de vote mulhousiens de la circonscription, contre 19,9 % pour Marine Le Pen. Macron arrivant troisième avec 18,99 %.
En revanche les micro-climats social sociaux se font ressentir passé l’extrémité nord du ban municipal. Le quartier Rebberg a ainsi réservé un triomphe à Emmanuel Macron, en lui prodiguant 41,52% des suffrages.
Le tout fluctuant entre 60 et 70% en participation moyenne, un record surtout comparé aux dernières municipales, où les quartiers populaires de Mulhouse se sont abstenus à plus de 70%.
Tentative de transcription au niveau local
Après l’Union des gauches au niveau national, les tiraillements et manifestations de frustrations ne manquent pas au sein de l’Union populaire version locale, comme au dehors. Preuve que l’accouchement aura été douloureux pour beaucoup.
Ainsi, dans la première circonscription du Haut-Rhin, qui recouvre Colmar et le canton d’Ensisheim, une candidature dissidente a été menée par un candidat EELV, Flavien Ancely-Frey, conseiller‘municipal écologiste à Colmar. Supporter de Yannick Jadot, le jeune militant écologiste réussit l’exploit d’ignorer purement et simplement l’existence d’un accord national à gauche sur son fil de communication Twitter ou sa page Facebook. Il serait, apprend-on, en voie d’exclusion du parti écologiste.
Car depuis lors, l’union coulerait à nouveau de source sûre, à en croire les dires de Aïcha Fritsch, la candidate socialiste issue du PS, à qui revient la charge de la première circonscription, lors de la présentation des candidats NUPES, aux Sheds de Kinkersheim, le mercredi 11 mai.
Il est vrai que parmi les figures locales de l’écologie politique, d’autres se sont distingués, ainsi l’élue au Conseil régional, Cécile Germain-Ecuer.
Elle publiera le 4 avril sur sa page Facebook un long post intitulé « 12 raisons de ne pas voter Mélenchon (au premier tour) », concluant par un « Non, monsieur Mélenchon, c’est plutôt l’idiot utile de l’opposition qui est tellement une caricature de lui-même qu’il ne sera jamais élu mais permettra de faire exploser la gauche pendant encore de nombreuses années ».
Une analyse pas très visionnaire pour le coup, mais dont on pourrait vérifier la véracité après les législatives dans certaines composantes de la gauche sociale-démocrate.
Revenue depuis à des considérations tactiques plus neutres, mais pas plus amènes, la même Cécile Germain considère dans un post publié le 3 mai, toujours sur Facebook, que « Les « gens de gauche » le voulaient, EELV le leur a donné. Hier matin, un accord avec la France Insoumise pour l’élection législative a été présenté à la presse ».
Autrement dit, pressés par « Les gens de gauche », une catégorie apparemment absconse qui semble lui répugner, les écologistes se seraient appliqués au geste sacrificiel ultime, en consentant à un accord.
Ajoutant : « Nous en payons également le prix fort. Ce n’est pas honteux mais avec 3 circonscriptions en Alsace (sur 15), on est complètement à rebours de notre ancrage territorial, de notre dynamique et donc de notre légitimité. Nous acceptons un accord réalisé à la calculatrice dans un bâtiment parisien. Je ne suis pas amère, je le souligne pour qu’on n’oublie pas qui a vraiment donné pour que cet accord voit le jour ».
« Ancrage territorial » et « dynamiques » restent cependant des notions sujettes à caution au niveau local, du moins jusqu’à présent. D’abord les écologistes ont intégré des coalitions de gauche aux municipales de Mulhouse, en 2014 et en 2020. Enfin, les résultats de la gauche, en général, s’obtiennent dans le silence des pantoufles de 75% des électeurs qui ne se sont pas déplacés (avec des pointes à 84% dans les quartiers populaires, comme Coteaux ou Brossolette) lors de ces élections.
Quant à la quatrième place obtenue avec 19% aux dernières élections régionales par EELV (les écologistes furent éliminés au premier tour en 2015), ce fut avec 70% d’abstention moyenne, là encore…
Dans la 5° circonscription du Haut-Rhin, qui recouvre une bonne partie du ban mulhousien, la « Nupes » a convenu d’investir Nadia El Hajjaji (de générationS) en lieu et place de Loïc Minéry (EELV). Une modification assez inattendue, mais pas très surprenante, quand il s’agit de mobiliser massivement dans les quartiers populaires, là où les supporters de Jadot ne sont pas vraiment les plus audibles.
Mais quel que soit le choix des candidat-es, un espoir de réussite supposera de sillonner en long et en large, et même en travers, les 5ème et 6ème circonscriptions. Ce que Nadia El Hajjaji est résolue à mener. Nous aurons à ce sujet l’occasion d’accompagner les candidats lors d’une journée spéciale.
Comme on l’aura vu plus haut, les circonscriptions sont ainsi tracées que Mulhouse y est toujours mêlée à des communes de la périphérie, aussi bien dans la 5ème que la 6ème circonscription.
Les communes de Galfingue, Habsheim, Heimsbrunn, Morschwiller-le-Bas, Riedisheim et Rixheim, d’une part, et celles de Ruelisheim, Wittenheim, auxquelles s’ajoutent les canton de Brunstatt-Didenheim, Kingersheim, et Rixheim, ne connaissent évidemment pas les mêmes déterminants électoraux que la population des quartiers mulhousiens.
Comme partout ailleurs sur le territoire, la France des périphéries fait la part belle à Macron, suivi de près par Le Pen. Dans le canton d’Illzach, qui rassemble 19 communes, Le Pen arrive même en tête (28,18 %) devant Macron (26,45 %), l’Union populaire se classant seulement 3ème, avec 19,37 % des voix.
Dans la cinquième circonscription, les électeurs de Bruebach réussissent à placer Eric Zemmour en 3ème position (12,39 %), après Macron (31,99 %) et Le Pen (25,36 %). Laissant une poignée de mélenchonistes à 8,93 %.
Ceux d’Eschentzwiller placent également Zemmour en troisième position à 12,03 %, idem pour les électeurs de Zimmersheim, avec 12,96 %).
Dans ces trois communes, près d’un tiers des électeurs aura voté à l’extrême droite dès le premier tour…
L’Union à gauche fera-t-elle cette fois la force contre l’extrême droite et la droite macronienne ?
Olivier Becht dans la 5ème et Bruno Fuchs dans la 6ème, qui se représentent pour un second mandat, semblent croire en tout cas que le dégagisme anti-macron ne s’appliquera pas à leurs personnes...
Salut,
Lors d’une « planification » de la carte électorale des circonscriptions, préparée lors d’un scrutin précédent, la 5° & 6° portions incluant Mulhouse avec sa périphérie Sud & Est, ont été modelées justement afin de faire barrage aux diverses listes à gauche du camenbert parlementaire. Même avec le résultat des présidentielles, la liste NUPES aura du mal à passer favorablement.
Y a du boulot en porte à porte pour convaincre.
Par ailleurs, je n’ai pas compris pourquoi il n’y a ni candidat‑e EELV (bicause la 1ère ?), ni PCF. Curieux non ?!
Rien de curieux, tout est le produit de l’accord NUPES : EELV a laissé sa place à Génération(s) pour la 5ème (il est dit pourquoi dans l’article), et le PCF n’a obtenu que 50 circonscriptions en France.