Un collectif de personnalités vient de publier un texte relatif à l’antisémitisme en France ; pourrions-nous en féliciter les initiateurs ?
Sa dénonciation de l’antisémitisme en France rejoint pour une part les déclarations successives de Une Autre Voix Juive ; or , à peine cette thématique nécessaire est-elle abordée que ce texte dérape. C’est pourquoi Une Autre Voix Juive ne s’y joindra pas.
Le texte évoque le «vieil antisémitisme de l’extrême droite » mais c’est aussitôt pour évoquer ce qu’il nomme le « nouvel antisémitisme d’extrême gauche » ; en fait le « vieil antisémitisme » est ainsi en quelque sorte relégué à l’arrière-cour et cela au moment même où l’extrême droite en France et dans l’Union Européenne relève la tête de façon inquiétante; en France celle-ci ne se réclame pas de Hitler mais de Pétain dont les lois antisémites et les exactions sont ou devraient être dans toutes les mémoires .
Le vrai danger selon ce texte c’est le radicalisme musulman « qui a trouvé dans l’antisionisme l’alibi pour transformer les bourreaux des juifs en victimes de la société » : ce propos est inacceptable ; il reprend sur le mode majeur l’identification d’un point de vue discutable, l’antisionisme, avec l’antisémitisme, un délit passible de poursuites judiciaires. UAVJ a constamment mis en garde contre l’utilisation de la thématique de l’antisionisme en lieu et place de la dénonciation de la politique actuelle de l’Etat d’Israël.
Non seulement l’Appel des 300 reprend la propagande israélienne actuelle dans ce qu’elle a de pire, il désigne un ennemi intérieur. C’est tellement évident que le texte chute sur une exigence absurde relative à la modification de textes religieux. L’aggiornamento du corpus dogmatique de l’Eglise catholique s’est produit longtemps après la tentative hitlérienne et ne saurait faire oublier ni la responsabilité des autorités de l’Eglise catholique au plus haut niveau ni le fait qu’en France nombreuses et nombreux ont été nos compatriotes chrétiens qui se sont illustrés dans le sauvetage de nombreux compatriotes juifs parmi lesquels des enfants en nombre promis à une mort certaine et organisée.
Une Autre Voix juive s’élève avec force contre une assimilation d’actes criminels gravissimes mais isolés avec l’organisation de la « solution finale ».
En outre, que de bien trop nombreux jeunes soient victimes d’un ordre social qui les stigmatisent, les humilient à raison de leur origine supposée n’est que trop vrai ; qu’ils cherchent aux profondes injustices qu’ils subissent un bouc émissaire est profondément regrettable. Mais il est impossible de faire l’impasse sur le fait que les clichés qu’ils sont tentés de véhiculer sont exactement ceux du « vieil antisémitisme » d’extrême droite, laquelle se frotte les mains de combattre ce qu’il appelle islamisme jusqu’au dernier Juif . Haine de l’islam et antisémitisme sont les deux faces d’une même pièce gangrenée.
Que des compatriotes juifs puissent se sentir en insécurité et soient amenés à partir est un symptôme terrible: ces compatriotes sont victimes de la politique qui frappe leurs quartiers depuis des années : c’est la guerre des pauvres contre les pauvres qui à bas bruit est assumée par cette politique de misère sociale, de précarité, d’abandon des services publics, de la police de proximité ; c’est elle qui est en cause avec en toile de fond une propagande délétère attisée par l’extrême droite qui vise à identifier nos compatriotes juifs au soutien inconditionnel à la politique israélienne contre une population identifiée à un peuple arabe dont on dénonce sans cesse le danger potentiel en osant parler d’ »épuration ethnique »
La grande absente de «l’Appel des 300 » est – on ne s’en étonnera pas au vu des signataires – la politique israélienne actuelle et sa propagande insupportable. Cette politique est le meilleur aliment contemporain de l’antisémitisme que l’Appel prétend combattre.
Ce texte fait coup double : il innocente les exactions permanentes d’un Etat qui se proclame indûment porte-parole des Juifs dans le monde et il innocente les responsables politiques français et ceux de l’Union Européenne qui couvrent d’un silence complice une telle politique.
Une Autre Voix Juive persiste : la reconnaissance par la France de l’Etat de Palestine, et la suspension de l’Accord de coopération entre Israël et l’Union Européenne sont les objectifs que doivent se fixer celles et ceux qui veulent au Proche Orient une Paix Juste, Durable, négociée, qui fasse respecter les droits fondamentaux du peuple palestinien par application des résolutions de l’ONU et garantisse la sécurité de tous les peuples du Proche Orient.
Quiconque se soucie de combattre l’antisémitisme et tous les racismes en France et dans le monde, mais ignore les impératifs d’une paix juste et durable au Proche Orient fait preuve d’un aveuglement coupable.
Georges Yoram Federmann
Psychiatre gymnopédiste