CHAMBOULE TOUTGrande par­tie de cham­boule-tout offerte gra­tui­te­ment aux pas­sants, place de la Vic­toire à Mul­house, ce same­di 18 avril.

Le lan­cer de balles pour faire tom­ber des bidons empi­lés, éti­que­tés notam­ment « gaz de schiste », « contrôle des semences », « bre­vets sur le vivant », « opa­ci­té des négo­cia­tions », « orga­nismes géné­ti­que­ment modi­fiés », « baisse des salaires », atti­rait nombre de pas­sants, dis­po­sés à par­ti­ci­per joyeu­se­ment à la par­tie de cham­boule-tout pro­po­sée par quelques orga­ni­sa­tions poli­tiques et asso­cia­tions (Jeunes éco­lo­gistes et Europe éco­lo­gie les Verts, PCF et Front de gauche, Ligue des droits de l’Homme, Alter­na­tifs 68) pour dénon­cer dans la bonne humeur et par­ti­ci­per à la jour­née de mobi­li­sa­tion mon­diale contre TAFTA, acro­nyme pour « Trai­té trans­at­lan­tique avec les Etats-Unis » sur les accords de libre-échange et d’in­ves­tis­se­ment en cours de négo­cia­tions entre Bruxelles et Washington.

UNE ACTION A L’ECHELLE MONDIALE

750 actions, ras­sem­ble­ments, mani­fes­ta­tions étaient pré­vus dans le monde entier, alors que le pro­chain round de négo­cia­tions débute ce lun­di à New York.

Il s’a­git donc rien de moins que de la créa­tion d’une très vaste zone de libre – échange  par accords entre l’Eu­rope et les Etats Unis visant à l’a­bais­se­ment géné­ral des droits de douanes et à l’har­mo­ni­sa­tion sys­té­ma­tique des normes indus­trielles, agri­coles, envi­ron­ne­men­tales, sociales, pour, offi­ciel­le­ment, favo­ri­ser le libre com­merce et l’in­ves­tis­se­ment entre les deux rives de l’Atlantique.

On entend bien l’ar­gu­ment cen­tral des innom­brables groupes d’in­té­rêt mobi­li­sés depuis des années, et pour­quoi pas  puis­qu’il s’a­git de favo­ri­ser le com­merce, l’in­dus­trie, l’investissement?

Mais s’agit- il vrai­ment de cela, dans quelles condi­tions, et quid des innom­brables consé­quences poten­tielles de ces accords ?

RIEN N’Y ECHAPPERA !

Qui garan­ti­ra la qua­li­té des pro­duits dans nos assiettes puisque TAFTA pré­voit l’a­li­gne­ment des normes ali­men­taires en vigueur sur des normes amé­ri­caines sou­vent moins  contrai­gnantes (pes­ti­cides, addi­tifs, bœuf aux hor­mones, pou­lets lavés au chlore, non obli­ga­tion de la men­tion de pré­sence d’or­ga­nismes géné­ti­que­ment modi­fiés, etc…), au nom du libre-échange ?

Qui garan­ti­ra le main­tien de l’in­ter­dic­tion d’ex­ploi­ta­tion des gaz de schiste en France puisque TAFTA per­met­tra les plaintes d’en­tre­prises contre les refus de per­mis de recherche et d’ex­ploi­ta­tion au nom de la libre concurrence ?

Qui veille­ra à la qua­li­té et au conte­nu de l’en­sei­gne­ment pro­po­sé par telle ou telle école ou uni­ver­si­té amé­ri­caine quand l’E­du­ca­tion natio­nale pour­ra être atta­quée en jus­tice pour concur­rence déloyale ?

Qui garan­ti­ra la pro­tec­tion des don­nées per­son­nelles sur inter­net puisque TAFTA pré­voit une réduc­tion des garan­ties actuelles en matière de pro­tec­tion de ces don­nées en s’a­li­gnant sur le droit amé­ri­cain en vigueur ? (n.d.l.r : il est vrai que le pro­jet de loi pour lut­ter contre le ter­ro­risme en dis­cus­sion actuel­le­ment au Par­le­ment fran­çais pour­rait para­doxa­le­ment aider les ser­vices amé­ri­cains de la N.S.A – sou­cieux du droit des gens à la pro­tec­tion de leurs don­nées per­son­nelles et au secret de leur vie pri­vée comme on le sait depuis l’af­faire  des écoutes mon­diales illé­gales et les révé­la­tions Snow­den – à  dimi­nuer leurs contraintes légales!).

Qui garan­ti­ra les ser­vices publics et les inves­tis­se­ments publics dans un sys­tème géné­ra­li­sé de libre concur­rence ultra libérale ?

Et sur­tout :

Qui garan­ti­ra un contrôle démo­cra­tique contre l’a­bais­se­ment de normes garan­tis­sant les citoyens, les tra­vailleurs, les consom­ma­teurs comme les pro­duc­teurs, au nom de l’in­ter­dic­tion des « obs­tacles au commerce » ?

Qui accep­te­ra que les socié­tés mul­ti­na­tio­nales se rendent jus­tice elles-mêmes (n.d.l.r : ou qua­si­ment compte tenu de la com­po­si­tion des juri­dic­tions arbi­trales pré­vues dont l’af­faire Tapie/Crédit Lyon­nais donne un avant goût) puisque TAFTA pré­voit que les entre­prises pour­ront atta­quer direc­te­ment l’U­nion euro­péenne et les Etats membres devant un tri­bu­nal inter­na­tio­nal de droit pri­vé, selon des règles lar­ge­ment ins­pi­rées des lois amé­ri­caines, si elles estiment que leur liber­té d’en­tre­prendre et d’in­ves­tir est menacée ?

Qui garan­ti­ra les droits du tra­vail et syn­di­caux com­mu­nau­taires et des Etats membres dans un tel système ?

Enfin qui nous garan­tit que les condi­tions de négo­cia­tion de TAFTA sont démo­cra­tiques alors que les textes en cours de dis­cus­sion sont lar­ge­ment incon­nus des citoyens euro­péens, des jour­na­listes, des par­le­men­taires euro­péens eux – mêmes, sou­mis très offi­ciel­le­ment à de fortes res­tric­tions à leur droit d’in­for­ma­tion, afin d’é­vi­ter tout débat public avant  pré­sen­ta­tion aux votes des textes ?

Et qui nous garan­tit qu’à l’ins­tar du Trai­té de Maas­tricht le choix éven­tuel des  peuples ne seront pas super­be­ment igno­ré par leurs parlements ?

STOP TAFTA ! DE CHAQUE COMMUNE A L’ENSEMBLE DU PAYS

Alors pour l’emploi, la san­té, l’a­gri­cul­ture non indus­trielle, le cli­mat, la démo­cra­tie, la jus­tice sociale et éco­lo­gique, le main­tien de ser­vices publics non concur­ren­tiels, le refus de la loi des mul­ti­na­tio­nales et de leurs action­naires, dire STOP TAFTA comme écrit sur un des tracts dis­tri­bués aux pas­sants ce same­di, place de la Victoire ?

Ven­dre­di la com­mis­saire euro­péenne au Com­merce a défen­du TAFTA, reje­tant l’i­dée qu’il mena­ce­rait la démo­cra­tie, l’en­vi­ron­ne­ment, les consommateurs.

Nous savons que la liber­té d’en­tre­prendre et d’in­ves­tir est néces­saire et la fer­me­ture  des fron­tières  une non – solu­tion, mais cette liber­té ne sau­rait être celle du renard dans le pou­lailler, de la confiance aveugle dans « la main invi­sible du mar­ché », de l’a­ban­don de tout contrôle public et démo­cra­tique sur les opé­ra­teurs éco­no­miques, voire de l’a­ban­don de toute sou­ve­rai­ne­té publique sur les condi­tions et consé­quences de cette liberté.

On peut pen­ser, en citoyen res­pon­sable, que l’heure n’est plus à écou­ter la très res­pec­table Ceci­lia Malm­ström, ni les décla­ra­tions léni­fiantes sur le sujet ; qui se sou­vient même du nom des ministres fran­çais char­gés du com­merce exté­rieur, qui ont chan­gé 5 fois depuis 2012, ou de la décla­ra­tion récente du pré­sident Fran­çois Hol­lande: « Il faut accé­lé­rer les négo­cia­tions TAFTA » ?

Il y a quelques semaines L’Al­ter­presse 68 avait déjà mis en ligne un article sur les dan­gers de « TAFTA » et l’ap­pel de nom­breuses col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales fran­çaises – régions, dépar­te­ments, com­munes –  à se décla­rer « zones hors TAFTA/TIPP ».

Sur l’un des bidons empi­lés que visaient les balles jetées par les joueurs on pou­vait lire : « Le diable s’ha­bille en TAFTA ».

C’est vrai.

Chris­tian RUBECHI