Dans le cadre de la préparation du congrès du Parti communiste français du 2 au 5 juin prochains, la section 68 du PCF a invité Patrick Le Hyaric, député européen et directeur du quotidien L’Humanité, pour traiter de l’Europe qui est un des points figurant au programme qui devrait être adopté par les congressistes. Aline Parmentier, secrétaire de la section haut-rhinoise a donné le ton : « Notre objectif : refonder l’Europe ». Et Patrick Le Hyaric a expliqué pourquoi…

Le dépu­té euro­péen est clair dans son diag­nos­tic : « Nous sommes dans une crise de l’idée euro­péenne elle-même, bien plus grave que les consé­quences néfastes des dif­fé­rents trai­tés euro­péens et sin­gu­liè­re­ment celui de Maas­tricht créant la mon­naie unique ».

Sous-trai­ter l’arrivée des réfu­giés… à la Turquie !

Il consi­dère que même les femmes et hommes poli­tiques qui croyaient sin­cè­re­ment à un idéal euro­péen déchantent. Il prend l’exemple de l’accueil des réfu­giés. Une Europe inca­pable de prendre des déci­sions qui s’appliqueraient à l’ensemble des pays, qui a une immense res­pon­sa­bi­li­té dans la situa­tion épou­van­table que connaissent les pays du Moyen-Orient et qui oblige des cen­taines de mil­liers, voire des mil­lions de per­sonnes à prendre la route au risque de périr lors du trajet.

Et cette Europe-là, sous-traite à la Tur­quie, grand pays démo­crate s’il en est, l’accueil des réfu­giés contre six mil­liards d’euros.

Même les valeurs de « paix » dont se van­taient les fon­da­teurs de l’Europe sont fou­lées aux pieds : des pays euro­péens, dont la France, mènent de véri­tables guerres qui ne sont pas sans rap­pe­ler les guerres colo­niales d’antan.

Patrick Le Hya­ric n’oublie pas son com­bat en France : « L’immixtion des poli­tiques euro­péennes dans les poli­tiques natio­nales créent de nou­velles inéga­li­tés. Ain­si le droit social est remis en cause dans tous les pays alors qu’il fau­drait l’aligner vers le haut.

Le rôle de la Banque cen­trale Euro­péenne (BCE) et l’existence de dettes publiques « illé­gales et illé­gi­times » sont éga­le­ment dénon­cés et sont la meilleure démons­tra­tion d’une dérive ultra­li­bé­rale des ins­tances européennes.

Et somme toute, l’Europe est en panne, n’a plus de pro­jets com­muns et ne mène plus que des poli­tiques à court terme qui sont désas­treux pour les peuples.

Des espoirs ?

Après un réqui­si­toire impla­cable, vient la ques­tion com­ment modi­fier le cours des choses. Evi­dem­ment, le dépu­té euro­péen prend appui sur les mou­ve­ments sociaux qui se pro­duisent régu­liè­re­ment dans tous les pays euro­péens et il se féli­cite que les ras­sem­ble­ments « Nuits Debout » essaiment dans toute la France et même dans d’autres pays européens.

Pour lui, la trans­for­ma­tion de l’Europe se fera en s’appuyant sur deux piliers :

  • La mise en com­mun d’acquits, d’actions et de pro­jets à condi­tion que cela aille vers un pro­grès pour les populations
  • Le res­pect des sou­ve­rai­ne­tés popu­laires mises à mal de plus en plus souvent.

Et de citer le non-res­pect du réfé­ren­dum de 2005 en France, de celui des Pays-Bas, des élec­tions en Grèce qui a été le sum­mum des actes anti-démo­cra­tiques de la Com­mis­sion européenne.

Com­ment faire ?

Comme sou­vent, c’est le débat qui a per­mis d’affiner une par­tie de l’exposé de Patrick Le Hya­ric. Inter­ro­gé sur la cor­ré­la­tion entre la loi « Tra­vail » et la poli­tique euro­péenne, le dépu­té a clai­re­ment dénon­cé un ali­gne­ment du gou­ver­ne­ment fran­çais sur les orien­ta­tions sociales de la Commission.

Heu­reu­se­ment qu’une ques­tion sur « la com­mis­sion euro­péenne fait-elle ce que les gou­ver­ne­ments natio­naux ne veulent pas faire », a per­mis de cla­ri­fier le fonc­tion­ne­ment de l’Europe. En effet, dire que tout cela est de l’initiative de la seule Com­mis­sion n’est pas juste. Toutes les déci­sions passent par le Conseil des chefs d’Etats ou par les Conseils des ministres : ce sont donc bien les res­pon­sables poli­tiques natio­naux qui décident de la poli­tique menée.

« Peut-on chan­ger tout cela en res­tant dans l’Europe dont les pays sont de plus en plus diri­gés par des gou­ver­ne­ments aux­quels par­ti­cipent l’extrême-droite ou bien ne fau­drait-il pas en sor­tir » a été une ques­tion qui reflète bien une pen­sée qui est loin d’être mino­ri­taire. Après le Grexit, le Brexit vien­dra-t-il le temps du Franxit ?

L’orateur ne va pas sur ce ter­rain. Pru­dent, il avoue que cette ques­tion est dif­fi­cile à trai­ter tant une sor­tie de l’Europe com­por­te­rait des consé­quences dif­fi­ciles à ima­gi­ner. En tout cas, ce n’est pas quelque chose qui peut s’improviser.

Selon lui, l’Europe arrive à des échéances qui inquiètent même les diri­geants euro­péens. Quand Jean-Claude Jun­cker dit, lors de son inves­ti­ture en tant que Pré­sident de la Com­mis­sion que « son équipe est peut être la der­nière chance de l’Europe » ou quand Manuel Vals consi­dère lors de sa visite au Par­le­ment euro­péen le 12 avril, que « l’Europe est peut être trop construite pour l’économie et pas assez pour le social », il s’agit là de signes mani­festes de craintes ou du moins de désarroi.

Pour conclure : une soi­rée plu­tôt réus­sie avec une salle pleine à cra­quer à la mai­son de la Citoyen­ne­té de Kin­ger­sheim. Mais qui deman­de­rait une suite por­tant exclu­si­ve­ment sur la nature du pro­jet euro­péen que pré­co­nise le PCF et sur la stra­té­gie à mettre en œuvre à l’échelle euro­péenne pour y parvenir.

Michel Mul­ler