Le sémi­naire régio­nal de l’Alliance Éco­lo­giste indé­pen­dante tenu les 10 et 11 sep­tembre en pleine nature à l’Auberge de la Cho­lotte (dans le 88, à proxi­mi­té de Saint Dié ), a – il vu la confir­ma­tion de l’émergence d’une offre réel­le­ment nou­velle dans un pay­sage poli­tique fran­çais déso­lé (« morne plaine » comme le disait Vic­tor Hugo de Waterloo) ?

Le ras­sem­ble­ment de plu­sieurs dizaines d‘organisations « Eco­lo – citoyennes »  autour de l’objectif affir­mé de l’Alliance est de per­cer le mur du sys­tème des par­tis ins­tal­lés, d’al­ler vers une force éco­lo – citoyenne capable de por­ter le pro­jet d’une Répu­blique éco­lo­giste et fédérale.

Petits par­tis clas­siques, mou­ve­ments, asso­cia­tions de la socié­té civile, quelques élus, pré­sents lors de ce sémi­naire sem­blaient bien confir­mer une dyna­mique enclen­chée; déjà la fédé­ra­tion de 27 mou­ve­ments et par­tis adhé­rents est acquise et les demandes d’adhésion à cette approche renou­ve­lée semblent se multiplier.

Que disent les échanges de ces deux journées ?

Que rete­nir de ces deux jours de débats où nombre de par­te­naires actuels ou poten­tiels de ce pro­jet étaient représentés?

D’abord un foi­son­ne­ment d’idées, pro­po­si­tions, exemples de réa­li­sa­tions, d’actions des struc­tures repré­sen­tées mais aus­si des sen­si­bi­li­tés diverses, des visions poli­tiques et socié­tales dif­fé­rentes mais com­plé­men­taires à écou­ter les par­ti­ci­pants au fil des tables rondes et des dis­cus­sions informelles.

Enjeux socié­taux nés du cli­vage entre « bien nés », « mal nés », « dis­cri­mi­nés », volon­té de paci­fier une socié­té où le radi­ca­lisme répond aux cris­pa­tions iden­ti­taires pour le plus grand pro­fit de cer­tains, sen­si­bi­li­tés Vegan et défense de la cause ani­male, volon­tés réaf­fir­mées d’organisations de petits entre­pre­neurs, de start-up du monde du net et de leur besoin exis­ten­tiel de liber­té éco­no­mique, de libé­ra­tion des jougs admi­nis­tra­tifs et de charges fis­cales péna­li­santes, volon­té de s’affirmer contre les dic­ta­tures éco­no­miques des grandes socié­tés mon­dia­li­sées, dénon­cia­tion de leur appro­pria­tion pri­vée d’un « vivant » deve­nu bre­ve­table, de leur appro­pria­tion du végé­tal et d’abord des semences qui per­mettent notre nour­ri­ture, ambi­tion de s’af­fran­chir de la finance et des finan­ciers, volon­té de renou­ve­ler les méthodes péda­go­giques en vigueur à l’école à reprendre, de géné­ra­li­ser des expé­riences menées – des pota­gers par­ta­gés en accès libre en milieu urbain façon « Les incroyables comes­tibles » aux logi­ciels libres, à la mul­ti­pli­ca­tion des mon­naies locales, aux moda­li­tés de coopé­ra­tions éco­no­miques de voi­si­nage (épi­ce­ries par­ti­ci­pa­tives, fabri­ca­tions « per­son­nelles » par les « fabs labs », mutua­li­sa­tions diverses de moyens…)., dénon­cia­tion de la nour­ri­ture « rem­pli­tude, ali­ments creux » .…autant de thèmes, par­mi bien d’autres, de dis­cus­sions tou­jours denses.…

Les dis­cours sur une « Tran­si­tion » néces­saire dans nos socié­tés gavées de risques envi­ron­ne­men­taux, d’in­di­vi­dua­lisme, de perte du sens de l’humain, la dénon­cia­tion des nou­velles castes qui confisquent le pou­voir, le besoin vital d’espaces démo­cra­tiques à réin­ven­ter, l’ex­pres­sion du besoin de proxi­mi­té – et d’a­bord des régio­na­li­sa­tions dans une orga­ni­sa­tion poli­tique natio­nale vécue comme désor­mais sté­rile et contrai­gnante, ont éga­le­ment ali­men­té les échanges entre participants. 

Des cir­cuits éco­no­miques courts au besoin de réin­ven­ter la démo­cra­tie par­le­men­taire, notam­ment par la pro­por­tion­nelle, l’a­bo­li­tion du mille feuille admi­nis­tra­tif, la lutte active contre toutes les cor­rup­tion, le besoin de « fai­seux « et non plus de « diseux » (expres­sion en vogue dans l’as­so­cia­tion des « Zèbres »), la valeur de l’expérimentation sociale, ont éga­le­ment ali­men­té les échanges.

Mais tout au long de ces der­niers des fils rouges ont struc­tu­ré les débats : valeur des approches « bot­tom up », néces­si­té de lut­ter contre la pau­pé­ri­sa­tion galo­pante, les inéga­li­tés sociales des­truc­trices de tout lien social, la néces­saire réin­ven­tion de la démo­cra­tie directe, la lutte contre les cor­rup­tions, la néces­saires refonte des modes de repré­sen­ta­tion des citoyens et le besoin de leur inter­ven­tion directe dans le débat poli­tique, la volon­té de pré­ser­ver l’environnement, l’a­vè­ne­met d’une socié­té de la « bonne san­té » et pas du stress.

Bref, une parole mul­tiple pour la libé­ra­tion par les liens à recréer dans notre socié­tés civile à tra­vers des pro­jets col­lec­tifs pour tendre vers une socié­té plus durable, moins dépen­dante de socié­tés mul­ti­na­tio­nales oppres­sives, d’un Etat de moins en moins « Pro­vi­dence » et tou­jours plus lourd à por­ter, par la pro­mo­tion d’une co-res­pon­sa­bi­li­té, d’une coopértation.

Et un mot d’ordre d’op­ti­misme réaf­firmé dans cette abon­dance d’idées, de pro­po­si­tions, d’exigences : « le monde est à conquérir ».

Une réflexion poli­tique structurée?

Pour les par­ti­ci­pants la par­ti­ci­pa­tion élec­to­rale est incon­tour­nable (légis­la­tives, muni­ci­pales en par­ti­cu­lier) et pas pour y faire de la figuration !

Il s’a­git déjà de construire une force qui porte ces aspi­ra­tions, ces constats, des solu­tions alternatives.

Et si le pou­voir citoyen devra d’abord gagner des élus et des par­te­naires il pour­ra aus­si se faire entendre par des moyens diver­si­fiés (notam­ment par le boy­cott des pro­duc­tions de ceux qui pillent la pla­nète, qui jouent avec la san­té des citoyens, qui abusent de pro­duits à obso­les­cence programmée…).

Ce pro­jet poli­tique veut impli­quer la socié­té civile mais sup­pose aus­si des accords poli­tiques struc­tu­rés et formalisés.

Les lea­ders poli­tiques défi­nis comme « jaco­bins » ne devraient donc pas pou­voir en être et les appré­cia­tion sur des cou­rants de pen­sée pour­tant proches, comme EELV, res­tent à har­mo­ni­ser (« EELV est – il un ascen­seur qui monte ou un ascen­seur sui des­cend » deman­dait un des participants ?) ….

Quand au « ni droite ni gauche » régu­liè­re­ment réaf­fir­mé dans les débats il sem­blait la réfé­rence obli­ga­toire des par­ti­ci­pants au séminaire…mais des marques d’intérêt réelles, de l’extrême gauche à l’extrême droite, sur la base de la condam­na­tion du modèle de crois­sance débri­dée, de consu­mé­risme alié­nant, de volon­té de régio­na­li­sa­tion réelle, de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive effec­tive, étaient affirmés.

Un par­ti­ci­pant employait la for­mule « Créer un Pode­mos intel­li­gent à la fran­çaise par le choix de ne pas s’afficher à gauche » 

Et durant ces deux jours aux « Bon­jour cama­rade » répon­daient sou­vent des « Salut Compagnon ».…

Et main­te­nant ?

L’ob­jec­tif affir­mé de cette struc­ture poli­tique élar­gie est de se doter d’une charte pour y inté­grer le maxi­mum d’ orga­ni­sa­tions et mou­ve­ments avec « un label com­mun » aux par­ties pre­nantes… et l’Al­liance éco­lo­gique indé­pen­dante de rap­pel­ler que sur 450 par­tis poli­tique enre­gis­trés en France par le Minis­tère de l’intérieur, seuls 12 ont accès au finan­ce­ment public et que l’Alliance éco­lo­gique indé­pen­dante fait par­tie de cette « short list » mais ambi­tionne d’a­mé­lio­rer sen­si­ble­ment son classement.

Contre le modèle consu­mé­riste et crois­san­tiel débri­dé, loin du « green washing » de par­tis poli­tiques clas­siques exté­nués, le tra­vail en réseaux, l’émergence d’un citoyen enga­gé, et une struc­tu­ra­tion poli­tique ori­gi­nale et réso­lu­ment régio­na­liste étaient donc à l’ordre du jour pour les participants. 

Et pen­ser dès à pré­sent aux élec­tions muni­ci­pales éga­le­ment…(à Mul­house notam­ment où la réflexion pour une « ville en Tran­si­tion » pour­rait se struc­tu­rer autour de l’écriture d’un ouvrage col­lec­tif dont le titre est déjà trou­vé: une « Uto­pie pour Mulhouse ») .

Alors, rêveurs?

Quid de ques­tions majeures peu abor­dées lors de ces jour­nées (dérives sécu­ri­taires et iden­ti­taires, ques­tion de l’im­mi­gra­tion, régres­sions de droits sociaux, la pau­pé­ri­sa­tion croissante… ).

Les por­teurs tra­di­tion­nels de ces pro­blé­ma­tiques étaient peu repré­sen­tés à la Cholotte.

Comme l’é­taient peu – voire pas – les acteurs des résis­tances au nucléaire, les acti­vistes de luttes « envi­ron­ne­men­tales » (Bure et pro­jet CIGEO, dos­sier Sto­ca­mine, Notre Dame des Landes…).

Des évo­lu­tions à attendre?

Pour « libé­rer l’a­ve­nir » il y a urgence à la construc­tion de réponses comme celles dans le sens pro­po­sées par les par­ti­ci­pants et comme l’é­crit l’un d’eux : « tant il est vrai que nous avons le choix entre aller dans le mur ou non » .

Et nous savons bien que les rêveurs ont sou­vent été des précurseurs…

Au delà des grandes lignes et des pro­po­si­tions du pro­gramme propre de l’Alliance éco­lo­gique indé­pen­dante réaf­fir­mées lors du sémi­naire (« l’E­co­lo­gisme« comme cou­rant de pen­sée, la réaf­fir­ma­tion de valeurs de res­pect, de res­pon­sa­bi­li­té, de réa­lisme, d’é­thique, l’im­por­tance cen­trale du fac­teur San­té – « bio » en par­ti­cu­lier pour l’a­li­men­ta­tion, l’ inter­dic­tion des O.G.M, la pro­mo­tion de la pra­tique spor­tive, la lutte contre les pol­lu­tions chi­miques, élec­tro­ma­gné­tiques, l’exi­gence de l’ar­rêt de l’ex­pé­ri­men­ta­tion ani­male -, la redé­fi­ni­tion d’ un Etat par l’é­co – démo­cra­tie, d’une Eco­lo­gie sociale, le sens d’une Eco­fis­ca­li­té…). il faut lire sur le site offi­ciel de l’Al­liance, des exemples de réa­li­sa­tions, d’ex­pé­riences pré­sen­tées comme exemplaires…puisque les actes disent tou­jours plus que les mots et notamment:

Face à la canicule, en ville les arbres sont la meilleure parade…Comment la méthode Montessori peut aider les malades d’Alzheimer…En troquant des graines sur le net, ils défient l’industrie des semence…Acheter en vrac: le concept d’épicerie sans emballagedébarque à Toulouse…Lancer les « incroyables comestibles » dans sa ville ..Ils ont court-circuité la grande distribution : pari gagné pour 13 fermiers (Nord)...Un drive met l’alimentation locale à portée de clic (Nord Pas de Calais)…Prix inférieurs à ceux du supermarché..La méthode Montessori pour sauver l’école publique…Les médecines non conventionnelles s’invitent à l’hôpital..Des tests toxicologiques sur des cellules, une alternative à l’expérimentation animale..Pocheco, une PME engagée dans la transition (Nord)…Permaculture à la Ferme du Bec Hellouin (Eure).…Du bioplastique à partir de culture d’algues (Ile et Vilaine)…

Pour « chan­ger de spire de déve­lop­pe­ment », il faut main­te­nant regar­der vers de nou­velles étoiles. Et la nébu­leuse pour­rait bien deve­nir une nou­velle constel­la­tion avec l’hu­main au centre, dans une Nature retrouvée.

Chris­tian Rube­chi et Guillaume Reffay.