Les débats font rage: que faire pour le second tour des présidentielles? la tentation est forte pour beaucoup d’électeurs, déçus de l’offre qui leur ai faite pour l’élection du7 mai, de ne pas faire un choix. Personne ne peut les juger, ni les invectiver comme on a pu le voir depuis plus d’une semaine dans les médias.

Qui sont-ils ces éditorialistes donneurs de leçon qui se réveillent à chaque élection en donnant des injonctions aux électeurs de « faire barrage ». Oui, il faut faire barrage à l’extrême-droite mais pas uniquement à l’occasion de tel ou tel scrutin. L’Alterpresse mène ce combat, c’est dans ses gènes: pas avec un ton moralisateur à l’égard de celles et ceux qui peuvent être tentés par le vote Le Pen. En livrant des faits et des analyses qui peuvent conduire chacune et chacun de faire son choix. En sachant qu’on ne peut jouer aux dés avec les libertés fondamentales.
M. Macron ne pourra jamais considérer des votes comme une adhésion à son programme qui continuera à détricoter le code du travail dans la droite ligne du gouvernement dont il était un des stratèges. Mais nous savons que les citoyens pourront lutter, s’opposer à une politique, mener des grèves, manifester dans les rues.
Des choses que Mme Le Pen et ses amis ne tolèreront pas, car cela des dans leur gènes à eux.
Nous publions deux textes ci-dessous que des lecteurs ou associations nous ont envoyés. Ils ne reflètent pas toujours notre ligne éditoriale, mais nous pensons qu’il faut les publier comme des avis et témoignages qui méritent d’être lus avant de prendre une décision pour le second tour… Un troisième texte est publié sous forme d’article: une jeune femme polonaise se confie, elle sait de quoi elle parle…

Ligue des Droits de l’Homme – Délégation régionale ALSACE

Sections de Strasbourg, Colmar et Mulhouse

Le choix don­né par le pro­ces­sus élec­to­ral au second tour de l’élection pré­si­den­tielle ne répond pas aux attentes de beau­coup de citoyennes et de citoyens dont les craintes et les espoirs ne trouvent pas de réponses dans l’alternative offerte. Nul n’est en droit de jeter l’anathème sur celles et ceux qui disent refu­ser de s’inscrire dans une confi­gu­ra­tion élec­to­rale qu’ils vivent avec rage et amertume.

Mais cette ten­ta­tion doit être repous­sée avec force au vu de l’enjeu majeur de ce scru­tin : vivre en démocratie.

Parce que la Ligue des droits de l’Homme a plus d’un siècle d’existence, elle sait d’expérience qu’il faut pré­ser­ver, à toute force, ce qui per­met une vie démo­cra­tique. Un équi­libre déli­cat fait de liber­tés et de règles, d’Etat de droit et de droit à la cri­tique, cette capa­ci­té à vivre la force de nos convic­tions dans le res­pect de l’Autre.

Aujourd’hui cet équi­libre, notre liber­té, notre liber­té de pen­ser, d’être ensemble, d’imaginer et de construire d’autres futurs, tout sim­ple­ment d’aimer libre­ment, sont mis en cause par la pers­pec­tive d’une vic­toire de Marine Le Pen. Elle les détruirait.

Son pro­gramme le dit, ses élus le font. Ils portent la haine et l’intolérance si natu­rel­le­ment qu’on en oublie les consé­quences bien concrètes : asso­cia­tions expul­sées de leurs locaux, médias vili­pen­dés, fonc­tion­naires som­més de mar­cher au pas, jus­tice mena­cée, syn­di­cats sous la botte, les plus faibles pié­ti­nés… Avec, en rap­pel lan­ci­nant, cette volon­té de faire de l’Autre un enne­mi, l’étranger d’abord, puis celle ou celui qui porte une dif­fé­rence, ou qui a le tort sim­ple­ment « d’être » du vil­lage d’à côté.

Res­ter indif­fé­rents ou sous-esti­mer ce risque serait une erreur, une faute, le glas de l’intelligence démocratique.

Car pour que vivent nos com­bats, nous devons conti­nuer à vivre.

C’est pour­quoi la LDH renou­velle son appel à battre le plus lar­ge­ment pos­sible l’extrême droite et à repous­ser la ten­ta­tion de l’abstention ou du vote blanc.

Nicole Roellens s’adresse aux militants de la France insoumise

Ne vous abs­te­nez pas, ne votez pas blanc car vous  aide­riez Marine Lepen à accé­der au pou­voir. Avec les appels de Sens com­mun, de la droite du LR, des sou­ve­rai­nistes et de tous les xéno­phobes nous ne sommes pas à l’abri d’un tel désastre historique. 

Je reçois des flots de mails de gens dépi­tés par le fait que Mélen­chon ne soit pas au deuxième tour et qui  ne veulent pas vali­der le pro­jet poli­tique de Macron. 

Je reçois aus­si des flots mails pré­sen­tant Macron comme l’âme dam­née du capi­ta­lisme,  un nui­sible abso­lu auprès duquel la Marine Lepen appa­raît comme la petite sœur des pauvres. Fran­che­ment réfléchissez ! 

Avez-vous renon­cé à empê­cher l’accès au pou­voir du Front natio­nal ? D’où vient cette grande cam­pagne de dis­sua­sion du vote Macron ?

Certes c’est un socio-libé­ral, plus libé­ral encore que Hol­lande, mais a‑t-on déjà vu en France l’accès au pou­voir de gens qui contes­taient radi­ca­le­ment le sys­tème capi­ta­liste ? Les socia­listes le disaient jadis mais ne l’ont jamais fait. Mit­te­rand a vite chan­gé de dis­cours. Jos­pin a fait les déna­tio­na­li­sa­tions. Hol­lande des cadeaux aux entre­prises. Quand ils tentent de chan­ger le cours des choses,  les pré­si­dents de la répu­blique sont blo­qués et  n’ont guère plus de pou­voir qu’un sous-pré­fet du XIX ° siècle .

Si Mélen­chon avait été élu est-ce que le capi­ta­lisme aurait été vain­cu ? Bien sûr que non ! Je ne crois pas aux hommes pro­vi­den­tiels. Mélen­chon a fait quelque chose de très bien, il a fait renaître l’espoir d’un chan­ge­ment chez beau­coup de jeunes, main­te­nant ils doivent apprendre l’endurance et ne plus croire au Père Noël. 

J’espérais, et j’espère encore quant à moi, une recom­po­si­tion éco­lo­giste et sociale de la gauche par conver­gence des cou­rants repré­sen­tés par Hamon, Jadot,  Mélen­chon, et les alter­na­tifs , les alter­mon­dia­listes. J’attendais de Méle­chon après sa rela­tive défaite ( il a fait un bon score) qu’il dise l’espérance n’est pas morte, il faut conti­nuer à orga­ni­ser le mou­ve­ment social qui est en train de naître pour faire pres­sion sur le pré­sident, le gou­ver­ne­ment, mais sur­tout pres­sion sur les vrais déten­teurs du pou­voir. Au lieu de cela , il boude parce qu’il se voyait déjà en haut de l’affiche et ce qui est beau­coup plus grave, il entre­tient la confu­sion poli­tique entre la France insou­mise et l’anticapitalisme de façade des fas­cistes du FN. 

Il faut que cette confu­sion soit stop­pée et le plus vite pos­sible. Nous n’avons pas seule­ment un devoir de matu­ri­té envers nous-mêmes , nous avons aus­si un devoir de soli­da­ri­té avec les immi­grés venus en France, avec les exi­lés qui subissent les atro­ci­tés de la guerre, avec tous les peuples qui se ques­tionnent  sur l’avenir de l’humanité et qui cherchent une autre voie que la Trum­pi­sa­tion et la Lepe­ni­sa­tion de la politique. 

Emma­nuel Macron sera un épi­sode poli­tique pas plus dan­ge­reux que les socia­listes , les cen­tristes, les Gis­card et com­pa­gnie. Bon il a un air d’enfant gâté qui peut être aga­çant, mais fran­che­ment la cam­pagne anti-macron est cari­ca­tu­rale. Elle uti­lise l’ habi­tude de pen­ser blanc ou noir, le goût des gens pour l’indignation facile et leur  cré­du­li­té volon­taire pour se lais­ser manipuler.

Je trouve ridi­cule de jouer aux élec­tions pré­si­den­tielles comme on joue aux petits chevaux. 

Ce que j’aimerais c’est que le mou­ve­ment social devienne adulte qu’il se donne des objec­tifs pré­cis, indé­pen­dam­ment de la ques­tion du lea­der­ship,  pour chan­ger des points clés de l’organisation actuelle du monde, par exemple : 

 Que nous pré­pa­rions  et de sou­te­nions  éner­gi­que­ment une loi anti-spé­cu­la­tion, repre­nant la loi qui a été abo­lie en 1885

Que nous  énon­cions  les règles du jeu pour une démo­cra­ti­sa­tion des rap­ports économiques 

Que nous décla­rions le droit d’exister et de vivre des mil­lions de gens qui seront rem­pla­cés  par des robots et des logi­ciels et qui per­drons leur emploi d’ici 10 ans 

Que nous pro­té­gions  et orga­ni­sions l’économie de sub­sis­tance chez nous et dans le monde , en nous extir­pant le plus pos­sibles  des cir­cuits marchands 

Que nous fas­sions grève pour  l’interdiction de la fabri­ca­tion et la vente des armes, pour la sor­tie effec­tive du nucléaire civile et militaire .

Que nous soyions tous en alerte sur la des­truc­tion de notre  éco-sys­tème  et de la san­té humaine et que nous recon­nais­sions le crime d’écocide.

Que nous retrou­vions des espaces d’échanges véri­tables, de libre pen­sée, de libre débat et de créativité. 

Que nous nous orga­ni­sions pour célé­brer la joie de vivre 

Voi­là,  la liste des tâches qui nous attendent serait encore longue. Je  m’arrête là,  en fai­sant le vœu que le voile de l’illusion finisse par  tom­ber et que les citoyens récu­pèrent leur capa­ci­té de déci­der et d’agir par eux mêmes.

Nicole Roe­lens