Quand la presse quotidienne nationale a décidé de se séparer de son outil d’impression, elle a confié le travail a un groupe d’imprimeries appartenant à la famille Riccobono. Celle-ci détient le quasi-monopole de l’impression de la presse quotidienne nationale… et lorgne à présent sur la presse régionale. Elle serait même dans les petits papiers de celui qui doit restructurer la presse en Alsace au nom de M. Théry, PDG du Crédit Mutuel. Un rapide constat permet de découvrir que toutes les entreprises du groupe en France sont déficitaires, pour l’une M. Riccobono demande même la liquidation. Or, surprise : à l’examen des comptes, on s’aperçoit que la famille est riche à millions et réalise ses profits… au Luxembourg ! Informations sur un potentiel scandale majeur…

Un groupe aux pra­tiques douteuses

L’origine du groupe Ric­co­bo­no se trouve sur la côte d’Azur avec une impri­me­rie locale off­set ins­tal­lée au Muy. De cette modeste place, la famille conquiert en quelques années l’impression de la presse natio­nale en pro­po­sant des impri­me­ries décen­tra­li­sées ins­tal­lées dans divers lieux du pays, ce qui per­met aux jour­naux natio­naux d’être plus rapi­de­ment dis­tri­bué, à la même heure que la presse régio­nale. Aupa­ra­vant, l’impression cen­tra­li­sée sur Paris allon­geait consi­dé­ra­ble­ment le temps de trajet.

Ain­si, le groupe a pu ins­tal­ler des impri­me­ries entre autres à Lyon, Vitrolles (près de Mar­seille), Tou­louse, Nantes, Nan­cy. Les inves­tis­se­ments ? Payés essen­tiel­le­ment par les Nou­velles Mes­sa­ge­ries de la Presse Pari­sienne qui deve­naient la tête du réseau de cette impres­sion et dis­tri­bu­tion décen­tra­li­sée… et la pompe à fric de M. Riccobono.

Mais M. Ric­co­bo­no pos­sède éga­le­ment une impri­me­rie… au Luxem­bourg. Il ins­talle donc une hol­ding qui détient tout le groupe dans ce pays, bien connu pour être un para­dis fis­cal au sein de l’Union Euro­péenne. Cette hol­ding détient plu­sieurs enti­tés avec un sys­tème juri­dique en cas­cade… Ce qui per­met d’effectuer les opé­ra­tions les plus étranges…

Les entre­prises fran­çaises : des coquilles vides… et une hol­ding riche à millions

Le groupe a créé des socié­tés déte­nues par la « Socié­té euro­péenne d’investissements finan­cier » basée au Luxem­bourg donc. Par un emboi­te­ment digne des pou­pées russes, tous les actifs des entre­prises fran­çaises appar­tiennent à des hol­dings luxembourgeoises.

Les contrats com­mer­ciaux, une par­tie du per­son­nel, l’immobilier, la tré­so­re­rie sont exter­na­li­sés des impri­me­ries fran­çaises. Un contrat de sous-trai­tance les lie aux hol­dings et en ver­tu de ce contrat elles versent des sommes ron­de­lettes en paie­ment de loca­tions diverses.

Ce contrat éta­blit les obli­ga­tions et les dif­fé­rentes moda­li­tés du don­neur d’ordre (la hol­ding) et du sous-trai­tant (l’imprimerie en France).

Il s’agit donc d’un véri­table pillage de l’activité en France : en effet, le chiffre d’affaires se réa­lise dans l’hexagone mais celui-ci ne béné­fi­cie pas aux éta­blis­se­ments fran­çais. Par le jeu des obli­ga­tions, loca­tions, assu­rances, les res­sources sont ver­sées à la hol­ding au Luxem­bourg. C’est ain­si que toutes les entre­prises fran­çaises sont en défi­cit… et la hol­ding luxem­bour­geoise est florissante.

Comme d’habitude, tous ces mon­tages sont par­fai­te­ment opaques et la direc­tion refuse de don­ner les vrais chiffres au Comi­té d’entreprise… Mais c’est mal connaître les sala­riés quand ils sont accu­lés par exemple en cas du risque de liqui­da­tion de leur impri­me­rie, ils cherchent et trouvent.

Orga­ni­ser le défi­cit pour ne pas payer d’impôts…

On peut esti­mer que la hol­ding luxem­bour­geoise a redis­tri­bué envi­ron 17 mil­lions d’euros de divi­dendes sur les six der­nières années. Et que les résul­tats finan­ciers étaient, pour la même période, de 22 mil­lions d’euros, ces résul­tats inté­grant le coût des inves­tis­se­ments, des impayés clients, des salaires des diri­geants de des frais finan­ciers. Les divi­dendes ne seraient donc que des pour­boires ? Belle affaire… alors que qua­si­ment tous les centre d’impression affi­chaient des déficits…

Pre­nons un exemple : pour impri­mer un jour­nal, il faut une rota­tive. Ain­si, le centre d’impression de Vitrolles pos­sède, entre autres, une machine dont le coût est de 3,9 mil­lions à l’achat. Mais bien qu’installée dans ses locaux pro­ven­çaux, cette machine ne lui appar­tient pas, elle est la pro­prié­té de la hol­ding luxem­bour­geoise. Le Centre d’impression paye donc un loyer, rubis sur ongle même quand l’imprimerie était en défi­cit ban­caire sérieux : Il parait que ce n’est pas illégal.

Certes, mais regar­dons de plus près : depuis 2003, le centre d’impression de Vitrolles a payé… 17 mil­lions de loca­tion à M. Ric­co­bo­no au Luxem­bourg pour une machine qui coûte 3,9…

Bien évi­dem­ment, M. Ric­co­bo­no ne paye pas d’impôts puisque ses entre­prises sont en défi­cit… et récu­père l’argent géné­ré en France au Luxem­bourg où… il ne paye pas d’impôts.

Immo­ral et abus de biens sociaux… payés par les aides à la presse ?

Mais que fait M. Ric­co­bo­no avec tout cet argent ? En tout cas, il ne le réin­ves­tit pas en France : dès que nous en sau­rons plus, nous tien­drons nos lec­teurs informés…

Ce qui est étrange, c’est que les payeurs de M. Ric­co­bo­no, ce sont les édi­teurs de presse. Ceux-ci étaient jusqu’à pré­sent bien contents de trou­ver un pro­fes­sion­nel pour exter­na­li­ser leur outil d’impression et sa ges­tion pas tou­jours aisée.

Les édi­teurs payent donc gras­se­ment leur impri­meur qui, en situa­tion de mono­pole n’hésite pas à uti­li­ser tous les moyens (pas tou­jours les plus déli­cats) pour aug­men­ter les fac­tures. Mais les édi­teurs de la presse natio­nale ont accès à des aides à la presse entre autres pour se moder­ni­ser. Une par­tie de ces aides sert à payer leur impres­sion et donc vont chez M. Ric­co­bo­no… qui s’empresse de les faire éva­der vers un para­dis fiscal…

Cet impri­meur est donc un para­site de la presse fran­çaise. Que la presse natio­nale ait eu besoin d’un tel indi­vi­du pour se débar­ras­ser de leur outil d’impression n’est pas très glo­rieux. Mais si la presse régio­nale lui emboîte à pré­sent le pays, on sait que les richesses vont conti­nuer de s’accumuler au Luxem­bourg et ne res­te­ra à la France que d’assumer les fer­me­tures d’imprimeries et le cor­tège de licen­cie­ments qui s’en suivra.

Michel Mul­ler