Le secrétaire régional de la CGT Alsace, Raymond Ruck, a publié chez nos amis de la revue Lànd un Sproch*, un article sur la coopération syndicale au-delà des frontières dans notre région. Sujet (trop) rarement traité par les syndicats, raison pour laquelle nous pensons utile de publier cet article dans nos colonnes. 

*http://www.centre-culturel-alsacien.eu/land-un-sproch-n202/

Le syn­di­ca­lisme s’inscrit néces­sai­re­ment comme d’autres acti­vi­tés éco­no­miques et cultu­relles dans le ter­ri­toire. Mais il ne peut s’y limi­ter. Dès la nais­sance du syn­di­ca­lisme il s’est construit en tis­sant des rela­tions au-delà des fron­tières natio­nales. Ces liens impliquent bien évi­dem­ment sinon la maî­trise com­plète au moins la com­pré­hen­sion et l’expression cou­rante de la langue du partenaire.

Qu’en est-il aujourd’hui spé­ci­fi­que­ment dans le bas­sin du Rhin supérieur ?

Le pro­ces­sus de la construc­tion euro­péenne a bien sûr son pen­dant syn­di­cal sous la forme de Confé­dé­ra­tion Euro­péenne des syn­di­cats (CES). Celle-ci s’est dotée d’outils ter­ri­to­riaux dans les zones fron­ta­lières : les conseils syn­di­caux inter­ré­gio­naux (CSIR). Il en existe deux dans les­quels l’Alsace et le pays de Bade sont par­ties pre­nantes : le CSIR Euro­ré­gio situé au niveau du Bas-Rhin et le CSIR des trois fron­tières  au niveau du Haut-Rhin incluant le ter­ri­toire suisse. Dans ces CSIR on retrouve les struc­tures locales de toutes les orga­ni­sa­tions syn­di­cales adhé­rentes à la CES : Côté alle­mand il s’agit du DGB côté fran­çais on retrouve les grandes orga­ni­sa­tions (CFDT, CFTC, CGT, FO, UNSA).

Ces conseils per­mettent aux syn­di­ca­listes fran­çais et alle­mands de se connaître, pro­cé­der à des échanges régu­liers sur l’activité syn­di­cale réci­proque et d’organiser des sou­tiens aux actions menées  les entre­prises du pays voi­sin. Le CSIR Euro­ré­gio a fêté son pre­mier quart de siècle en sep­tembre 2016 à Karls­ruhe. Un congrès se déroule tous les 4 ans pour faire le bilan et défi­nir les pro­jets pour la période sui­vante. C’est l’occasion de confir­mer ou de renou­ve­ler les mili­tants syn­di­caux membres du conseil. Les séances de ces conseils se déroulent très sou­vent en alle­mand. Incon­tes­ta­ble­ment la pra­tique du dia­lecte alsa­cien et une pra­tique de l’allemand cou­rant était très majo­ri­tai­re­ment pré­sentes chez les syn­di­ca­listes fran­çais lors du démar­rage et de cette pre­mière phase d’existence des CSIR. Le pas­sage à une autre géné­ra­tion va cer­tai­ne­ment faire dis­pa­raître cette faci­li­té de com­mu­ni­ca­tion sans recours à un inter­prète. Nous savons en effet que les locu­teurs de l’alsacien régressent sen­si­ble­ment et que l’apprentissage de l’allemand dans les milieux popu­laires est de moins en moins fré­quent. L’engagement effi­cient dans le tra­vail trans­fron­ta­lier (c’est cer­tai­ne­ment valable pour le syn­di­ca­lisme comme pour d’autres registres) exige que la langue du voi­sin tant du côté alle­mand que fran­çais soit par­fai­te­ment maî­tri­sé par une frac­tion majo­ri­taire de la population.

Cette néces­saire prise de conscience en faveur du bilin­guisme dans les zones fron­ta­lières pour qui­conque est convain­cu de la néces­si­té de don­ner enfin à la construc­tion euro­péenne l’indispensable dimen­sion sociale devient une urgence.

Elle l’est d’autant plus que les coopé­ra­tions syn­di­cales entre la France et l’Allemagne pro­gressent. La CGT d’Alsace et de Lor­raine a déve­lop­pé depuis presque une dizaine d’années un par­te­na­riat avec une branche (VERDI) du DGB dans les Län­der limi­trophes (Sarre, Rhé­na­nie, Pala­ti­nat, Bade-Würt­tem­berg). Un autre par­te­na­riat entre CGT Alsace et DGB Süd­hes­sen a démar­ré depuis 3 ans. Elle se tra­duit par des prises de parole de l’organisation par­te­naire lors des mani­fes­ta­tions du 1er mai sym­bole his­to­rique fort de l’internationalisme. Un pro­jet de com­mé­mo­ra­tion his­to­rique rela­tif aux évè­ne­ments sociaux et révo­lu­tion­naires qui se sont dérou­lés en Alsace comme dans toute l’Allemagne à la fin de la pre­mière guerre mon­diale est en cours de préparation.

Ray­mond Ruck